EDITO: 25 ans du FCE. En novembre 1989 tombait le Mur de Berlin. Ce devait être la fin de la «guerre froide». Un mois après nous fondions le Forum Civique Européen.

de Constanze Warta, 22 déc. 2014, publié à Archipel 232

L’été 1990, 400 personnes de l’Est et de l’Ouest s’étaient retrouvées au premier congrès du FCE à Limans en Provence. Cette rencontre, comme toutes celles qui ont suivi, avait pour but d’établir des liens directs entre citoyen-ne-s de l’Est, de l’Ouest, du Sud et du Nord pour élaborer de nouvelles formes de développement, indépendantes du centralisme bureaucratique comme de la frénésie du marché «libre».

Enfin, nous avons pu rencontrer des habitant-e-s des pays au-delà du «rideau de fer» pour planifier des projets et parfois les réaliser ensemble. De nouvelles amitiés se sont nouées.
Les «Ossis» (nom donné aux gens des ex-pays de l’Est) avaient une expérience de vie différente de la nôtre. Ils nous ont raconté leur résistance à l’arbitraire bureaucratique dans la vie quotidienne – souvent très créative – et qu’ils n’avaient pas seulement subi le système socialiste stigmatisé par la propagande occidentale mais l’avaient parfois aussi apprécié. Nous étions curieux de faire la connaissance de ces camarades. De même qu’ils l’étaient de nous qui, sans appartenir à aucun parti, critiquions l’Occident et sa politique impérialiste, son économie libérale aux conséquences économiques et sociales catastrophiques.
De nos échanges sont nés des projets, au Mecklembourg (Allemagne), en Transcarpatie (Ukraine de l’Ouest), en ex-Yougoslavie et en Roumanie.
Mais une fois le Mur tombé s’érige la Forteresse Europe. La guerre s’est déplacée. Les murs criminels sont aujourd’hui ailleurs. Ils ne sont pas toujours faits de pierres, mais souvent de barbelés, de propagande nationaliste haineuse, de violence policière, dans le désert ou en Méditerranée…
Au fil des ans, nous avons mis l’accent sur la dénonciation et l’amélioration des conditions inhumaines dans la production industrielle de fruits et légumes. Elle emploie surtout des saisonnie-re-s des pays africains, latino-américains ou des ex-pays de l’Est. Nous leur apportons notre soutien pour acquérir leurs droits et obtenir de meilleures conditions de vie et de travail. D’autres secteurs de l’industrie, tels que le bois pour la production d’énergie, fonctionnent autant sur la base de l’exploitation de travailleurs détachés en provenance des pays de l’Est que sur la destruction des forêts, ici et là-bas. Afin que ce système économique perdure, les industriels achètent des régions entières, des villages et des forêts, ainsi que de la main-d’œuvre sans droits. Nous refusons tout cela.
Nous avions effectué notre premier voyage en Ukraine il y a 25 ans – aujourd’hui nous travaillons là-bas avec des gens qui tentent de garder la tête claire dans une situation déterminée par des intérêts de pouvoir, et de prendre des initiatives positives. Une interview détaillée à ce propos figure dans ce numéro.
Depuis deux décennies et demi, nous construisons une «Europe d’en bas» avec des personnes et des groupes de différents pays. Et vous êtes nombreux à nous y aider, chères lectrices et chers lecteurs!
Constanze Warta
Rédactrice d’Archipel