HAUT-PARLEUR / UKRAINE: Pas de justice, pas de paix

de FCE, 15 mars 2025, publié à Archipel 345

Déclaration des organisations de la société civile sur les négociations entre les États-Unis et la Russie[1]. Nous, représentant·es de la société civile et d’organisations de défense des droits humains, condamnons fermement les négociations qui ont eu lieu en Arabie Saoudite, entre les délégations de la Fédération de Russie et des États-Unis, concernant l’Ukraine ainsi que les projets visant à créer des groupes de négociation sans la participation de l’Ukraine. Tout accord concernant l’Ukraine sans sa participation directe est non seulement inacceptable, mais est également contraire aux principes fondamentaux du droit international, à la souveraineté des États et au droit du peuple ukrainien à déterminer son avenir de manière indépendante.

De tels accords n’ont rien à voir avec une paix durable et la sécurité internationale, créant des menaces supplémentaires en matière de sécurité, d’économie et autres pour les États qui les soutiennent. Une telle voie répète l’erreur fatale commise par la communauté internationale lors des accords de Munich de 1938 qui, comme nous le savons, n’ont pas satisfait l’avidité de l’État agresseur et ont conduit à une guerre encore plus destructrice.

L’Ukraine n’est pas un objet, mais un État souverain victime d’une agression

La Fédération de Russie continue de mener une guerre totale contre l’Ukraine, en violation des principes fondamentaux du droit international, notamment l’interdiction du recours à la force contre l’intégrité territoriale et l’indépendance politique de tout État, inscrite dans la Charte des Nations unies. Cela a été reconnu non seulement par de nombreuses décisions d’organisations internationales, mais aussi soutenu par la grande majorité des États. L’agression commise par la Fédération de Russie a donné lieu à de nombreux crimes de guerre, crimes contre l’humanité et, très probablement, à un génocide du peuple ukrainien.

La Cour pénale internationale (CPI) a déjà lancé des mandats d’arrêt contre Vladimir Poutine, Maria Lvova-Belova et d’autres hauts responsables russes. Toute négociation avec les représentant·es d’un État dont les dirigeants sont soupçonnés des crimes internationaux les plus graves, sans disposer de mécanismes clairs pour traduire les responsables en justice, n’est pas seulement immoral, mais porte également atteinte au système même du droit et de l’ordre international.

Sans justice, pas de paix durable

La guerre entre la Russie et l’Ukraine ne se poursuit pas seulement en raison des revendications territoriales de la Russie sur la République autonome de Crimée, la ville de Sébastopol, les oblasts de Donetsk, Louhansk, Zaporijjia et Kherson, mais aussi à cause du mépris systématique de la Russie pour la quasi-totalité des normes du droit international. Tout «règlement» sans justice internationale appropriée non seulement ne permettra pas d’établir une paix durable, mais renforcera également l’impunité, créant les conditions préalables à l’expansion future de l’agression, à l’escalade et à la perpétration de nouveaux crimes.

La réaction insuffisante des États étrangers et des organisations internationales à l’occupation de la péninsule de Crimée et aux actions agressives menées dans l’est de l’Ukraine en 2014, ainsi que les nombreux crimes commis par les troupes d’occupation et l’administration dans ces terri-toires ont instillé un sentiment d’impunité chez les dirigeants russes.

Cela a conduit à l’invasion russe à grande échelle de l’Ukraine et à des atrocités de masse contre le peuple ukrainien à une échelle beaucoup plus grande. Il est dangereux de faire des dé-clarations sur la possibilité d’un cessez-le-feu sans aborder la question de la responsabilité et des garanties de sécurité. La Fédération de Russie a déjà utilisé les précédents «accords de paix» pour regrouper ses forces, préparer une nouvelle offensive et poursuivre son agression. Depuis le début de l’agression en 2014, elle a systématiquement violé non seulement les normes du droit international, mais aussi ses propres obligations en vertu des accords signés. Il n’y a aucune raison d’espérer un changement dans son approche et de s’attendre à ce qu’elle adhère à de nouveaux accords. Par conséquent, toute cessation des hostilités doit être fondée sur les principes du droit international, ce qui devrait inclure la traduction en justice des responsables de crimes internationaux.

Manipulation politique inadmissible

Nous insistons sur le caractère inadmissible de l’ingérence dans les affaires intérieures de l’Ukraine. Tout «plan» prévoyant la tenue d’élections en Ukraine comme condition préalable à tout «règlement pacifique» constitue une violation flagrante de la souveraineté de l’État ukrainien. Aucune force extérieure n’a le droit d’imposer des décisions politiques à l’Ukraine, en particulier dans le contexte de l’agression et de l’occupation continues d’une partie de son territoire. En outre, des élections en temps de guerre mettraient en danger la vie des électeur/trices, empêcheraient les défenseur·euses ukrainien·nes de participer correctement au processus électoral et, par conséquent, remettraient en question la légitimité du gouvernement ainsi élu.

En conséquence, nous appelons:

  • Les États et autres sujets de droit international à s’abstenir d’engager des négociations sans la participation directe de l’Ukraine et à adhérer au principe selon lequel «rien sur l’Ukraine sans l’Ukraine».
  • Les autres organisations internationales et de défense des droits humains à condamner de telles négociations sans la participation de l’Ukraine et à exiger que les responsables de crimes internationaux soient traduits en justice.
  • Les États membres de la CPI à assurer l’exécution des mandats d’arrêt à l’encontre des personnes responsables de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, y compris Vladimir Poutine.
  • Les gouvernements des États membres de l’ONU qui adhèrent à sa Charte et qui souhaitent préserver les principes du droit international à renforcer leur soutien à l’Ukraine, seul véritable moyen de mettre fin à la guerre dans des conditions équitables, ainsi qu’à renforcer leur pression en matière de sanctions sur la Russie, y compris en imposant des restrictions supplémentaires aux entreprises qui coopèrent avec le complexe militaro-industriel russe. Nous soulignons qu’une paix juste et durable n’est possible que par la restauration de la sou-veraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine, ainsi que par le châtiment inévitable des res-ponsables des crimes internationaux parmi les plus graves. Toute tentative de «réconciliation» sans l’Ukraine et sans justice pour les survivant·es et les victimes est non seulement inacceptable, mais aussi dangereuse pour l’ensemble de l’ordre juridique international.

19 février 2025