UKRAINE /RESISTANCE: Maksym est libre!

de Jürgen Kräftner, FCE Ukraine, 11 janv. 2025, publié à Archipel 343

Le 18 octobre 2024, le militant ukrainien des droits humains Maksym Butkevych[1] était libéré de sa captivité en Russie, dans le cadre d’un échange de prisonniers. Maksym avait passé deux ans et quatre mois en tant que prisonnier de guerre.

Pour ses ami·es comme pour de nombreuses personnes à travers le monde, le sort de Maksym revêt une importance qui dépasse sa personne, et sa libération a été pour beaucoup le premier moment de franc bonheur depuis le 24 février 2022. Bien sûr, nous sommes tou·tes conscient·es que des milliers de personnes sont toujours retenues en otage par la Russie, dans les camps, les prisons ou simplement dans les territoires occupés. Maksym dit à ce propos que la Russie les utilise comme des marchandises et en fait des esclaves. Lors de procès de type stalinien, iels sont condamné·es à la chaîne à des peines de prison de dizaines d’années. Sans surprise, Maksym souhaite dès à présent s’engager auprès de l’opinion publique internationale en faveur des prisonnier·es de guerre ukrainien·nes. Depuis sa libération, Maksym a accordé des dizaines d’interviews aux médias ukrainiens et internationaux. Outre son expérience directe de la justice arbitraire et de l’exécution des peines en Russie, il souligne deux faits dont la communauté internationale n’est pas, à son avis, suffisamment consciente.

La Russie, pays membre du Conseil de sécurité de l’ONU à disposer d’un droit de veto, crée actuellement des états de faits en violant systématiquement le droit international. Les conséquences de ces actes, et surtout de tout compromis avec ce pays, se répercuteront dans un avenir proche sur d’autres parties du monde.

Deuxièmement, l’arme principale de la Russie n’est pas son arsenal de missiles, mais la propagande. La puissance de l’appareil de propagande russe est incomparable à tout ce qui a jamais existé dans ce domaine. Sans l’endoctrinement exercé depuis des décennies, pas un seul soldat russe ne serait aujourd’hui sur le sol ukrainien. Maksym a pu étudier en détail les effets de cette propagande sur ses codétenu·es dans la prison de Louhansk, où, après sa condamnation comme criminel de guerre présumé, il a partagé sa cellule avec des prisonniers de droit commun. La télévision russe, allumée en permanence, lui a également permis d’apprendre par l’exemple.

Le cinquième jour de sa liberté retrouvée, Maksym a été emmené, de la clinique de réhabilita-tion de l’armée, directement au siège de la présidence à Kyiv. Parmi une vingtaine d’activistes connus de la société civile ukrainienne, il a participé à une réunion de travail de trois heures avec Zelensky et quelques-uns de ses conseillers[2]. Dès le début de la réunion, il devait être le premier à s’exprimer sur les problèmes que la société civile considère comme des tâches urgentes pour l’État. Maksym a expliqué qu’après une si courte période de liberté, il se sentait encore comme un insecte conservé dans l’ambre et qu’il ne se sentait pas d’évaluer les défis actuels de la société ukrainienne. En lieu et place, il a cité quelques extraits de la «Lettre à un otage» d’Antoine de Saint-Exupéry[3].

Ce court texte est une sorte de déclaration d’amour à la France, alors occupée par les nazis, en tant que refuge des valeurs humaines, et il convient parfaitement à la situation actuelle de l’Ukraine. Dans la résistance contre une puissance supérieure qui méprise l’humain, nous devons au contraire toujours le placer au centre, c’est précisément en cela que l’Ukraine se distingue de la Russie et c’est la raison de sa résilience. Si nous perdons ces valeurs, nous perdrons la guerre.

«Notre civilisation repose sur le respect de l’humain, de son pouvoir à transformer le monde et soi-même. Il faut respecter ce qui est différent dans l’autre. Ce lien crée une alliance fondée sur l’avenir et non sur l’origine. C’est dans les caves de l’oppression que se préparent les vérités nouvelles.»

Jürgen Kräftner, FCE - Ukraine

  1. Voir Maksym Butkevych, libertaire, antimilitariste, engagé volontaire, prisonnier de guerre, Syllepse, Collection Coup pour coup, avril 2023.
  2. Par la suite, le 28 décembre, Maksym Butkevych a reçu du ministère des Affaires étrangères d’Ukraine le prix «Ambassadeur honoraire de l’Ukraine 2024».
  3. Antoine de Saint-Exupéry: Lettre à un otage, Gallimard, France, 1944