ESPAGNE: Nouvelles andalouses Nous pourrions consacrer tout ce numéro d’Archipel à des informations sur les récentes actions lancées par nos amis du SOC-SAT1. Faute de place, en voici un petit aperçu.

de Nicholas Bell FCE-France, 13 sept. 2012, publié à Archipel 207

L’occupation de la Finca Somonte2 continue

Cela fera bientôt six mois que dure l’occupation de ce domaine de 400 hectares à Palma del Rio dans la province de Cordoue3. Suite à leur expulsion éphémère le 26 avril, et au retour des journaliers la nuit suivante, aucune démarche n’a été entreprise par le gouvernement andalou pour les déloger de nouveau. Il faut dire qu’ils ont obtenu un très fort soutien local, national et international, y compris des centaines de lettres d’appui envoyées par des personnes informées par le FCE. Il y a également en permanence de nombreux visiteurs. Les travaux continuent – un grand jardin maraîcher, un hectare de poivrons… Les légumes sont pour l’autoconsommation et aussi pour la vente, surtout sur les marchés des villages alentour. Chaque dimanche les habitants de Somonte organisent le Domingo verde de formación, des séances de débat et de formation.

Occupation de la ferme militaire, «Las Turquillas»
Le 24 juillet 2012, environ 1000 membres du SAT ont occupé ce domaine de 1200 hectares, en grande partie non irrigués qui dépend du ministère de la Défense. L’immense majorité des terres sont en friche, car l’armée n’utilise que 20 ha pour la cavalerie. Les journaliers ont construit des cabanes et des abris et ont commencé à travailler une petite partie des terres. Comme à Somonte, le but était de mettre en place une alternative dans cette «commarca» de la province de Séville qui souffre de 40% de chômage. Après 17 jours, les occupants ont été expulsés, le 10 août, par la Guardia Civil. Le SAT a annoncé son intention d’y retourner, mais il est certain que le rapport de forces est nettement plus difficile avec l’armée et le gouvernement national qu’avec le gouvernement andalou.

Actions contre les supermarchés
L’action du SAT qui a attiré le plus d’attention médiatique à travers toute l’Espagne a été des «raids» menés dans deux supermarchés à Ecija et Arcos. Des dizaines de syndicalistes sont sortis avec plusieurs caddies remplis de produits alimentaires, sans les payer, et les ont mis à la disposition de cantines populaires pour protester contre les inégalités sociales et le «fait honteux qu’il y a de nouveau des Andalous qui ont faim». Ils ont aussi dénoncé les mauvaises conditions de travail des employés des supermarchés ainsi que les marges exorbitantes des grandes surfaces. Selon le SAT, la différence entre le prix payé à l’agriculteur et celui payé par le consommateur peut aller jusqu’à 704%. Ces actions ont provoqué plusieurs arrestations et une vague de condamnations de la classe politique et surtout du parti au pouvoir, mais aussi de soutien de très nombreux Espagnols touchés par la profonde crise qui frappe leur pays.

Marches ouvrières «Andalousie à pied»
Le SAT a lancé une série de «marchas obreras» qui dans chaque province andalouse partiront de plusieurs villages pour se diriger vers la capitale respective. La première marche a commencé le 16 août à Jódar dans la province de Jaén avec la participation de plus de 700 personnes. Par ces actions, le syndicat compte protester contre la politique du gouvernement (le soutien aux banques, la réforme du droit du travail, les restrictions budgétaires…) et populariser ses revendications, dont une «renta básica» pour les 350.000 familles andalouses sans aucun revenu, l’annulation de la dette, un plan spécial d’emploi rural et surtout la demande que des terres soient mises à disposition des journaliers agricoles et des chômeurs. Il a annoncé son intention d’occuper de nouveau des supermarchés, mais aussi des banques si celles-ci continuent à faire expulser des citoyens de leurs logements.

Victoire des ouvrières de Bio Sol
Parallèlement à ces actions, se poursuit la lutte ardue du SOC-SAT contre les conditions d’exploitation de la main-d’œuvre dans les serres dans la province d’Almeria. Le 26 juillet, il a pu annoncer une importante victoire d’un groupe de travailleuses marocaines dans l’usine de conditionnement de l’entreprise «bio», Bio Sol Portocarrero à Nijar4. Après cinq mois de conflit et de négociations, elles ont obtenu gain de cause (paiement des heures supplémentaires, reconnaissance d’un mois de vacances payées, mise en place d’un mécanisme permanent de dialogue). L’appui de syndicats et d’associations de consommateurs en Suisse, en Allemagne et Autriche a été crucial, comme la volonté (trop rare) de certaines chaînes de supermarchés de mettre un fournisseur sous pression. Au cours de ce conflit, les travailleuses ont décidé de créer une section syndicale du SOC-SAT à Bio Sol. C’est une première dans la région d’Almeria qui pourrait inspirer d’autres dans leur combat contre les conditions d’emploi misérables, mais aussi contre la politique des entreprises qui, sous prétexte de crise, licencient leurs employés, les renouvelant en permanence, bien que le volume de production et de ventes ne cesse d’augmenter.

Nicholas Bell
FCE - France

  1. Syndicat Andalou des Travailleurs créé en 2007 par le SOC, le Syndicat des Ouvriers Agricoles <www.sindicatoandaluz.org>.
  2. Voir archipel No 205, juin 2012, «La terre contre la crise».
  3. voir Archipel No 203, avril 2011, «Aguante Somonte! Tierra y libertad!» et No 205, ibid.
  4. voir Archipel No 194, juin 2011, «Exploitation biologique?», No 195, juillet-août 2011, «Les ouvriers agricoles se révoltent et No 201, mars 2012, «Etat des lieux».