FILM: Tes cheveux démêlés cachent une guerre de sept ans

de Fatima Sissani Réalisatrice, 22 mai 2017, publié à Archipel 259

La réalisatrice Fatima Sissani1, une amie du Forum Civique Européen, nous parle ici de son nouveau film. Tes cheveux démêlés cachent une guerre de sept ans traite des résistantes durant la guerre d’Algérie. Par ce film, elle ouvre une page d’histoire peu connue et nous invite à nous plonger dans une histoire singulière de la mémoire de l’histoire de la colonisation française.

Pendant plus de trois ans, j’ai travaillé à la réalisation de ce film sur Eveline Lavalette. Un temps durant lequel le film n’a cessé d’évoluer. Avant tout parce qu’Eveline est morte un an après que je l’ai filmée. J’ai alors poursuivi le film sans elle.
Ceci m’a entraîné vers de nouveaux questionnements et de nombreuses rencontres pour compléter le récit d’Eveline, expliquer des silences, combler des absences. J’ai rencontré des femmes qui lui étaient proches ou qui l’ont connue. Zoulikha Bekaddour qui a été arrêtée, torturée et détenue en même temps qu’elle. Elles ne se sont jamais quittées jusqu’au décès d’Eveline. Puis Alice Cherki, psychanalyste, qui a apporté un éclairage précieux sur le docteur Sutter, le ponte des maladies mentales à Alger qui a torturé Eveline durant son passage à l’hôpital Moustapha. Elle remet ainsi en perspective le racisme de l’école psy-chiatrique d’Alger durant la colonisation.
Plus j’ai réfléchi au film, plus il m’a semblé essentiel de donner une large part à la période coloniale et à l’extrême sauvagerie qui la caractérisait. Seule manière, il me semble, de comprendre la guerre d’Algérie. Dans son témoignage, Eveline y est revenue largement. Je souhaitais que Zoulikha m’en parle à son tour, à partir de son «statut d’indigène». Quant à Alice Cherki, elle a, dans son livre sur Fanon2, consacré des pages tragiques et passionnantes à la transparence des Algérien·ne·s dans la société coloniale. Situation dont elle a été témoin puisque cette dernière est née en Algérie, de parents juifs installés en Algérie bien avant le début de la conquête française, depuis au moins 2000 ans. Elle a côtoyé et subi de près l’antisémitisme des Européens d’Algérie.
Puis est venu le récit de la guerre. Toutes les trois se sont jetées dans la guerre, aux côtés des Algérien·ne·s. Récits de la résistance à plusieurs voix. Sublime et jubilatoire. Cette plongée dans la guerre d’Algérie et dans la période coloniale, c’est une manière de répondre à toutes celles et ceux qui, désabusé·e·s par la situation du pays, se prennent à porter un regard nostalgique sur la colonisation: «vous vous êtes battus pour rien. C’était mieux quand il y avait la France.» Et à celles et ceux qui, ici en France, continuent à frayer avec le négationnisme du crime que fut la colonisation et la guerre d’Algérie…
Fatima Sissani
Réalisatrice

Si vous souhaitez diffuser ou faire passer ce film dans votre ville, adressez-vous à 24images, 00 33 (0)243781845 ou <anne-laure(chez)24images.fr>. Une projection aura lieu le 7 juin à Lyon au cinéma Les Alyzés, 214 Avenue Franklin Roosevelt, F-69500 Bron. ++33(04)78 41 05 55
A 18h La langue de Zahra, également de la réalisatrice Fatima Sissani, et à 21h Tes cheveux démêlés cachent une guerre de sept ans.

  1. Fatima Sissani a réalisé La langue de Zahra (2011), Les gracieuses (2014) et Tes cheveux démêlés cachent une guerre de sept ans (2017)
  2. Frantz Fanon, un portrait. Alice CHERKI. Editions Seuil. 2011. 332 pages