Malgré l’époque troublée que vit actuellement l’Ukraine, nous avons accepté l’invitation du CAMZ (Comité d’Aide Médicale de Transcarpatie) à son 3ème festival de cinéma du 24 janvier dernier, en compagnie du cinéaste suisse Fernand Melgar.
La nuit précédant notre arrivée, trois jeunes gens avaient été tués sur la place du Maïdan à Kiev. L’Ukraine était sous le choc. Le lendemain, des manifestations se déroulaient dans de nombreuses villes de Transcarpatie. Pour les habitants de cette partie de l’Ukraine, d’ordinaire si patients, la coupe était pleine. On sentait nettement la colère et la volonté de se défendre contre la mise sous tutelle et l’abus de pouvoir, contre la domination d’une oligarchie complètement corrompue. Nos amis de la campagne venaient tout juste d’envoyer à Kiev un gros colis de victuailles de leur fabrication.
Nous avions un programme chargé: le rendez-vous à la radio régionale avec Fernand Melgar était suivi d’une conférence de presse sur le festival de cinéma en présence de dix journalistes, plutôt jeunes. Ensuite, nous avons visité le camp de rétention de réfugiés à Tchop*. L’après-midi nous avons rencontré quelques activistes et les femmes du CAMZ dans leur bureau pour une discussion sur la situation politique dans le pays.
Le festival de cinéma avait lieu le soir; il ne s’agissait pas d’une manifestation festive, mais plutôt de solidarité. Après quelques courts-métrages de jeunes réalisateurs était projeté le film de Fernand Melgar, Vol direct. Le débat qui a suivi avec les nombreux spectateurs, pour la plupart très jeunes, a été long et intéressant.
Le lendemain, nous avons discuté de la poursuite de la collaboration entre le CAMZ et le FCE. En fin d’après-midi, le bureau s’est rempli d’étudiants qui n’arrêtaient pas de poser des questions à Fernand Melgar.
Le durcissement de la situation politique pose la question brûlante de savoir si les films peuvent changer quelque chose. Melgar a également évoqué les liens existant entre la politique d’asile en Suisse, en Europe et dans les pays à la périphérie de l’Europe aux nouvelles frontières extérieures:
«Mon film parle de gens qui rêvent de l’Europe. Ils se retrouvent dans les prisons pour migrants sans avoir commis d’autre délit que celui de vouloir vivre et travailler en Europe. Ils sont menacés par la guerre et la pauvreté et ont espéré trouver une meilleure vie. Certains pourraient être des Ukrainiens. En Europe et en Suisse, il existe entre 300 et 400 de ces prisons. L’Europe mène une guerre contre les réfugiés. En même temps, on observe une montée massive du nationalisme et de la xénophobie. L’Europe utilise des pays comme l’Ukraine pour sécuriser ses frontières et tenir les migrants à bonne distance. L’Europe est un piège!(…)
On peut voir aujourd’hui que, dans les pays qui connaissent des insurrections populaires, le chemin vers la liberté et la démocratie est difficile et compliqué, long et douloureux. Le rêve d’Europe n’est qu’une illusion et – surtout – une désillusion.»
Depuis, la violence a escaladé sur le Maidan à Kiev.
Aujourd’hui, on ne peut pas prévoir ce qui va se passer en Ukraine et si les personnes engagées dans la résistance pacifique vont réussir à réellement gagner davantage de liberté et d’indépendance vis-à-vis des pouvoirs, à l’intérieur comme à l’extérieur.
En tout cas, nous poursuivrons la collaboration avec des projets indépendants des partis politiques et présents sur le terrain, tels que celui du CAMZ.
* Un rapport détaillé du voyage peut être commandé au FCE (Michael Rössler) et figurera à partir de fin mars sur notre site Internet.