Le 11 octobre 2023, la cour d’appel de Reggio de Calabre a complètement renversé le verdict de première instance du tribunal de Locri, ses lourds jugements et ses peines démesurées, en émettant une sentence qui a, enfin, un goût de justice.
15 Des 17 inculpé·es sont relaxé·es, une est condamnée à un an de prison ferme, mais on ne connaît pas encore les motivations, et Domenico Lucano à un an et six mois pour un délit administratif mineur. Leur peine ne sera pas appliquée. Lucano, dépeint comme un chef de bande à la tête d’une organisation de bandits, condamné en première instance à 13 ans et deux mois de prison à l’instar d’un chef mafieux, n’était finalement rien d’autre qu’un homme rêvant d’un monde plus juste. Une partie de ses coaccusé·es avait alors été également condamnée à de lourdes peines de prison. Maintenant, il n’en est plus question. Le verdict de la cour d’appel exprime, de manière officielle et définitive, une vérité qu’on connaissait déjà mais que tout le monde avait besoin d’entendre: à Riace, il n’y a jamais eu d’association de malfaiteur·euses, pas de détournement de fonds non plus, ni aucun des autres prétendus délits. Selon les juges de la cour d’appel, toutes les accusations étaient sans fondement.
Dans le village de Riace, on accueillait les réfugié·es et on montrait au monde que c’était non seulement possible mais même simple. «L’utopie de la normalité» comme l’appelait Lucano: la solidarité, un crime dangereux dans nos sociétés qui luttent contre la prétendue invasion migratoire et qui érigent murs et prisons pour la contenir.
«Aujourd’hui – dit Maître Pisapia, avocat de la défense – on vient d’entendre un verdict impor-tant, un signal de véritable justice après tant d’injustice et de douleur, non seulement celle de Lucano, mais de Riace toute entière».
La joie d’aujourd’hui est en effet entachée par la souffrance que les inculpé·es, Riace, ses habitant·es, les réfugié·es, ont dû endurer pendant cinq ans d’un acharnement politique et judiciaire farouche. La destruction d’un modèle d’accueil célèbre dans le monde entier, les dettes, les départs, les vies brisées par la peur et par celle qu’en Italie on appelle «la machine à boue», la dif-famation. Des gens simples et solidaires, broyés par le rouleau compresseur de l’injustice au service des politiques d’exclusion.
On parlera plus longuement, dans un prochain numéro, des étapes du procès dans le climat politique italien actuel. Pour l’instant, dans l’émotion et la joie du moment, on souhaite à Riace, après cet horrible cauchemar, de pouvoir se relever et recommencer à rêver…
Barbara Vecchio, FCE – France