Dans la tradition des congrès d’été du Forum Civique Européen, le FCE-France a organisé début août, après huit ans d’interruption, une nouvelle rencontre sous le signe des relations Est-Ouest, mais cette année le thème principal en était la musique.
Une quarantaine de musiciennes et musiciens de France, Allemagne, Suisse, Moldavie, Serbie et Croatie, amoureux de la musique des Tziganes de l’Europe de l’Est, ont fait connaissance à travers la musique, ont joué ensemble et ont fait profiter de leurs échanges un public venu nombreux aux deux concerts du festival.
L’idée est née l’année dernière. Comedia Mundi , le groupe de musique de Longo maï dont certains musiciens sont actifs au sein du FCE, avait rencontré lors de ses nombreux voyages à travers l’Europe plusieurs groupes de musique, des amitiés s’étaient nouées qui dépassaient le cadre musical. Pourquoi pas les réunir à l’occasion d’une grande fête pour qu’ils fassent connaissance entre eux? Aussitôt dit, aussitôt démarré et fait.
Le 1er août 2007, cinq groupes avaient répondu à l’invitation. La Grine Kuzine de Berlin, Musique Simili de Suisse et de France, Aksak et Poum Tchak de Provence et la Fanfare de Stojan Krstic de Serbie*. En plus, quelques électrons libres comme Nina Monteanu, cymbaliste de Moldavie, le violoniste itinérant Martin Schäfer ainsi que Slavko Ninic, le chanteur du groupe Wiener Tschuschenkapelle qui se sont intégrés aux différents groupes. Le résultat était un répertoire très diversifié, allant des trompettes balkaniques à la musique des Tziganes de Hongrie en passant par le klezmer couleur berlinoise, les chansons occitanes, polonaises et russes jusqu’au swing manouche.
La première journée était consacrée à une prise de contact informelle entre musiciennes et musiciens. Nous avons commencé à jouer à 11 heures du matin pour n’arrêter qu’à 1 heure dans la nuit.
Difficile de mettre des mots sur ce qui s’est passé durant ces moments: un trompettiste de la fanfare serbe improvisant sur le swing des «mauvais garçons» de Poum Tchak, la contrebassiste de Aksak, téméraire, accompagnant les neuf Serbes avec leurs trompettes et tubas, l’accordéoniste de Simili et le violoniste de Poum Tchak faisant une course folle de vitesse, des styles et façons de jouer se sont mélangés tantôt dans des sons assourdissants ou étourdissants, tantôt dans des moments calmes et concentrés où les uns essayaient de s’adapter aux styles des autres. Car c’est ça, la musique des Tziganes qui se sont approprié les mélodies et les instruments des régions où ils se sont installés ou qu’ils ont traversées – les violons en Hongrie, les trompettes en Serbie, les guitares en Espagne, etc. – en leur donnant une couleur nouvelle, sans se préoccuper de droits d’auteurs ou de licences. Et c’est ce qui devient le lien, tout est permis, au-delà des frontières et des barrières linguistiques…
Les deux jours suivants, des répétitions publiques et des ateliers pour les jeunes musiciens ont eu lieu dans quatre villages aux alentours de Limans. Nous avons bénéficié du concours de la Communauté de Communes du Pays de Forcalquier qui soutient des projets ayant lieu sur plusieurs communes de son territoire et du Conseil Général. Dans le cadre de deux ateliers, environ 40 enfants ont appris un morceau qu’ils ont joué, accompagnés des musiciens du festival, en ouverture du concert du 4 août dans l’amphithéâtre de Grange Neuve.
En passant il faut souligner que les musiciens étaient tous venus pour un cachet modique, et que ces rencontres ont pu avoir lieu grâce au soutien d’institutions régionales et bien sûr grâce à l’afflux du public, car, pour citer un grand violoniste tzigane hongrois: «Ka Geld, ka Musik!» (Pas d’argent, pas de musique!).
Pour clôturer par un point fort ces journées d’improvisations tous azimuts, deux concerts ont eu lieu dans le théâtre de verdure de la coopérative de Longo maï à Limans. En tout, 1.200 personnes sur les deux soirées sont venues voir, écouter et danser jusque tard dans la nuit, enchantées par la musique et la magie des belles nuits étoilées, car même le dieu météo avait apporté sa touche au succès du Festival Shavalè.
Après ce vol en haute altitude, tout le monde s’en est retourné à ses activités. Stojan Krstic et son groupe, pour qui c’était le premier voyage en Europe de l’Ouest, repartirent pour la grande rencontre de fanfares à Guca (Serbie), les autres pour de nouveaux concerts ou des vacances bien méritées, moi-même j’ai troqué mon accordéon pour le stylo rouge de la rédaction d’Archipel . Mais rien de tel que des moments comme ceux-là pour rendre un peu plus supportables, l’espace de quelques jours, la grisaille et les problèmes (qui ne manquent pas de par le monde, comme on le voit souvent dans ce journal) et refaire le plein d’énergie – jusqu’à la prochaine fois!
* voir Archipel No111, décembre 2003,«Voyage au pays des trompettes» **