LE 21 juillet 2020, un procès contre deux agents de la police des frontières s'est tenu dans la ville française de Gap. Le tribunal s'était auparavant distingué en condamnant plusieurs personnes (par exemple les sept de Briançon) qui venaient en aide aux réfugié.es tentant de treaverser les Alpes, d'Italie vers la France.
Pour la première fois, deux agents de la police des frontières ont été inculpés par ce tribunal: le premier pour «violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique», en l’occurrence contre Moussa [1], un migrant africain de 16 ans, et le second pour «usage de faux en écriture» et «détournement de fonds publics». Les policiers fonctionnaient en tandem et avaient déjà fait l’objet d’une enquête de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), le service interne qui enquête sur les bavures des fonctionnaires au niveau national.
Mais c’est le témoignage de Moussa, ce jeune migrant qui avait été contrôlé et renvoyé en Italie en 2018 par ces deux garde-frontières français au Col de Montgenèvre, à la frontière franco-italienne, qui a été déterminant. De retour en Italie, il avait découvert que l’argent qui se trouvait dans ses poches et celles de son compagnon de voyage avait disparu. Ils sont donc tous les deux revenus pour demander à la police la restitution de leur argent. A ce moment-là, Moussa a eu le bon réflexe de mettre son téléphone portable en mode enregistrement. Les transcriptions qui en ont résulté sont devenues les pièces maîtresses du procès. Elles ont établi les menaces et les agressions physiques d’au moins un officier.
Le verdict est tombé le 30 juillet. Le premier fonctionnaire a été reconnu coupable de violences volontaires et condamné à deux ans de prison avec sursis, à une amende de 1000 euros et il lui est interdit d’exercer une fonction publique pendant cinq ans. Le deuxième policier a été condamné à 18 mois de prison avec sursis pour faux et détournement de fonds publics et, comme le premier, à une amende de 1000 euros et à une interdiction de cinq ans d’exercer une fonction publique. Ce fonctionnaire avait entrepris, entre autres, de collecter l’argent des amendes des conducteurs étrangers à son propre profit.
Ce verdict représente une étape importante. Pour la première fois, des violences verbales et physiques, des insultes racistes et des vols commis par des policiers dans cette zone frontalière ont été jugés et condamnés par un tribunal, alors que les migrant·es concerné·es, leurs soutiens et diverses organisations de défense des droits humains dénonçaient ces faits depuis longtemps. Les autorités les avaient toujours niés. Il est toutefois regrettable que seules deux personnes soient officiellement considérées comme responsables, alors que la violence systématique de l’Etat aux frontières et le régime inhumain des frontières en tant que tel restent intacts. Mais au moins, l’omerta de l’Etat et de la police sur les violations des droits humains à la frontière a été brisée.
Michael Rössler, membre du FCE
[1] Le prénom a été changé.