ROUMANIE:Rosia Montana sauvée?

de Jochen Cotaru,FCE-Roumanie, 16 juil. 2014, publié à Archipel 228

Après quinze années de lutte contre la plus grande mine d’or européenne en Roumanie1, une victoire semble plausible. Mais la décision définitive se fait attendre.

L’automne passé a vu plus de 100.000 citoyen-ne-s roumains dans la rue. Le gouvernement essayait alors de faire passer une loi d’exception autorisant le projet de mine d’or à Rosia Montana, sans consultation trop compliquée du parlement. Pourtant, hormis la caste des politiciens, personne ne veut de ce projet. Personne ne veut la destruction d’un site vieux de 1900 ans pour 17 années d’exploitation minière d’or et d’argent. Rien ne justifie l’extraction de 300 tonnes d’or et de 1,3 tonne d’argent en échange d’un bassin de rétention de 250 millions de m3 dans lequel les solutions de cyanure vont être stockées pour des décennies. Il n’y a aucun argument pour la création d’un nombre limité d’emplois en contrepartie d’un avenir empoisonné dont la Rosia Montana Gold Corporation (RMGC) ne sera certainement plus responsable. Par contre il y a des gens qui veulent continuer à vivre à Rosia Montana, soutenus dans leur lutte par un grand nombre de personnes en Roumanie et dans le reste du monde. Save Rosia Montana est à l’origine d’un large mouvement de société et pour l’environnement dans notre pays. La campagne est soutenue depuis l’an dernier par une fondation allemande.
Save Rosia Montana a également encouragé de nombreuses autres initiatives en Roumanie, entre autres contre les sondages de prospection du gaz de schiste. Aujourd’hui notre action a trouvé une reconnaissance internationale avec l’organisation à Rosia Montana début mai du 4ème Forum Européen contre les grands projets inutiles et imposés. 300 activistes venus de pays européens et africains se sont rassemblés pour échanger leurs expériences, comme par exemple dans la lutte Stuttgart 21 (transfert de la gare centrale en gare souterraine) ou contre le TAV2 (train à grande vitesse) au val de Suse en Italie.
Ce réseau est extrêmement important pour nous. Les protestations dans le pays semblent être suivies d’effets. Mi-avril, deux autorisations essentielles pour le projet ont été annulées. La cour d’appel de Suceava a rejeté la levée de la protection archéologique du Massif Carnique parcouru de galeries de l’époque romaine appelées à disparaître. Cet héritage culturel est l’un des arguments pour l’inscription de Rosia Montana au patrimoine mondial de l’UNESCO. Simultanément, une instance qui avait accordé, avec l’aide de la RMGC, une autorisation environnementale pour l’exploitation de la parcelle a été déboutée par la cour d’appel de Covasna. Eugen David, président de l’initiative citoyenne Alburnus Maior, a déclaré à ce sujet: «Les deux jugements témoignent de l’incapacité de la RMGC à développer un projet conforme à la loi. Les tribunaux ont prouvé infraction sur infraction ainsi que des complicités avec les autorités.»
Avant les élections européennes, la campagne a interrogé les candidats pour connaître leur position à propos du projet de mine d’or. Cette tactique démocratique de base est l’une de ses grandes forces: pour les citoyen-ne-s c’est un encouragement pour la reconnaissance de leurs droits pour une action concrète!
Début juin, Mesdames et Messieurs les sénateurs de Bucarest n’affichaient pas leur arrogance habituelle envers la société civile roumaine. En dernière lecture, la loi d’exception controversée a finalement été rejetée.
Cette tentative de faire passer des intérêts économiques privés et d’un capitalisme politique par des chemins aventureux appartient aujourd’hui à l’histoire. C’est une nouvelle victoire d’étape. Mais les activistes attendent avec prudence les coups à venir de Bucarest. L’entreprise canadienne Gabriel Resources Ltd, moteur du projet de mine d’or, a annoncé vouloir des dommages et intérêts d’un montant de 4 milliards de dollars.
Cependant, Rosia Montana n’est pas encore sauvée; le combat contre la prospection de gaz de schiste ne fait que commencer. Mais l’année écoulée a prouvé concrètement l’importance que les Roumain-e-s soient présent-e-s aux côtés de la solidarité internationale pour manifester haut et fort.
La prochaine occasion pour les sympathisant-e-s du monde entier de connaître la campagne et Rosia Montana aura lieu du 11 au 17 août. La fête annuelle FânFest se tiendra sous le thème Cultiver la révolution! avec des discussions, des projections de films, un forum social et des concerts. Vous trouverez des informations sur le site <www.rosiamontana.org> ou en écrivant à l’adresse e-mail:
<tudor(at)rosiamontana.ro> (en anglais ou en français).

  1. Voir Archipel No 197, octobre 2011, «Pas seulement une question d’or», No 219, octobre 2013, «Nous sommes unis, déçus et bientôt en colère» et No 222, janvier 2014, «Roumanie, une nouvelle culture de contestation».
  2. Voir Archipel No 227, juin 2014, la criminalisation du mouvement No-Tav.