Le 28 octobre dernier, le SAT remportait le vote des employé·es travaillant au sein d’une filiale du géant bio, Biosabor. Loin d’être un fait anodin, il s’agit d’une belle victoire pour un syndicat qui tente au quotidien de faire respecter les droits des travailleur·euses dans les productions bio de la région, tout en s’attachant à bousculer l’inertie des autres syndicats majoritaires et leur fâcheuse tendance à s’aligner sur les intérêts des patron·nes, ne faisant que revoir à la baisse l’évolution les droits des tra-vailleur·euses.
Relater la lutte des affilié·es du petit syndicat SAT face au titan Biosabor, c’est raconter le combat de David contre Goliath, le producteur de tomates étant loin d’être un novice dans le secteur: avec plus de 500 employé·es à son actif, les hectares et les hectares de cultures sous serres en plastique de Biosabor s’imposent dans le paysage des provinces d’Almeria, de Grenade et de Murcia pour s’étendre jusqu’aux terres du Sénégal et de la République dominicaine. La marque de ce producteur s’exporte aux quatre coins de l’Europe pour venir fournir les éta-lages des enseignes Carrefour, Lidl, Aldi... Chiffre d’affaires en 2021: 63.787.000€.
Les débuts de l’épopée remontent à 2017. À l’époque, une quarantaine de travailleur·euses ori-ginaires du Maroc et de l’Afrique subsaharienne en colère frappent aux portes du syndicat SAT pour dénoncer des violations constantes de la législation relative aux droits des travailleur·euses ainsi que des conditions de travail laissant à désirer… Salaires en dessous du SMIC, des heures supplémentaires non rémunérées, des temps de pause inexistants, l’ancienneté qui n’est jamais reconnue par un abus systématique de l’usage de contrats temporaires, les dimanches et jours fériés, où les employé·es appelé·es à travailler ne sont pas rémunéré·es en conséquence, sans compter les jours travaillés qui n’apparaissent pas dans leur intégralité sur les bulletins de paie, en d’autres termes non déclarés à la sécurité sociale.
Au total, ce sont plus de 40 dénonciations impliquant des infractions relatives à la législation du travail qui auront été portées par le syndicat devant l’Inspection du travail.
Pendant ce temps-là, Biosabor se targue devant la presse locale de produire sous les plus pres-tigieux labels, AB (Agriculture Biologique), BioSuisse, Bio-Siegel, EuroFeuille, Global Grasp, tandis que son principal dirigeant, Francisco Belmonte, se voit couronné de multiples distinctions, telles la Médaille d’or d’Andalousie 2019, pour les valeurs défendues par l’entreprise ou encore le prix Empresas con valores en 2017 (une distinction qui reconnaît les entreprises engagées «sociétalement»), attribuée par la banque étique Tríodos Bank.
L’exemple des employé·es de Biosabor n’est pas un cas isolé, le travail du syndicat SAT Almeria aura permis de dévoiler au grand jour que produire «bio» n’y signifie pas nécessairement de respecter les droits ou la santé des travailleur·euses, un phénomène qui implique d’autres «masto-dontes» du bio figurant en haut du ranking en termes de chiffres d’affaire.
Alors, lorsque le 28 octobre dernier, le dépouillement des bulletins de vote annonce la victoire pour les représentant·es du SAT (face à celleux de l’UGT, Union générale des travailleur·euses, syndicat majoritaire), il s’agit pour le syndicat et ses affilié·es d’une reconnaissance officielle de leur lutte quotidienne et sans relâche pour la défense de leurs droits.
Interrogé, Serrigné*, l’un des délégués élus par les travailleur·euses, témoigne «Lorsque je suis entré dans le groupe en 2015, j’étais payé 4,50 € de l’heure, maintenant je suis à 6,80 de l’heure, les choses vont un peu mieux, mais il reste encore des améliorations à faire». Il a obtenu son con-trat à durée indéterminée en 2020, après une longue lutte, il poursuit «Nous n’avons toujours pas droit aux congés payés, ni à l’indemnité de transport, les jours fériés où l’on nous demande de travailler sont payés au même taux que les jours de la semaine. Et puis d’accord, on a vu notre taux horaire augmenter, même s’il reste en dessous du SMIC, mais en contrepartie, les managers mettent plus de pression au travail. Je les entends dire aux employé·es d’augmenter la cadence». Serrigné espère, avec l’appui de ses collègues, faire changer la donne, il continue «Nous sommes tou·tes uni·es, c’est notre force!»
La planète «Bio» dans le secteur «intensif» est loin d’être une planète où il fait bon vivre…
Johanna Moreno, SOC/SAT Almeria
- Nous avons changé le prénom du travailleur.