SUISSE: NOUS sommes la Suisse Manifestation contre la xénophobie le 18 juin 2005 à Berne

4 juin 2005, publié à Archipel 127

«Depuis des années, nous sommes confrontés à des slogans, des partis, des lois et des autorités racistes. Nous refusons de nous y habituer. En effet, ils montent les plus faibles de la société les uns contre les autres et attisent la brutalité.

Stop à la politique de Blocher! Démasquons le projet de société de Blocher: Les campagnes racistes servent toujours en même temps à ouvrir la porte à un démontage social impitoyable et à un Etat sécuritaire et autoritaire. Celui qui profite d’une politique raciste n’a pas sa place au Conseil fédéral.

Indépendamment de nos origines, de notre passeport et de notre statut de séjour, nous, tous ceux et toutes celles qui vivent en Suisse, sommes la Suisse, une Suisse qui trouve son identité dans la recherche de la démocratie, l’idéal des droits de l’homme et la multiplicité des cultures.»

C’est en ces termes qu’un comité d’organisation, largement soutenu et composé d’associations d’immigrés, de syndicats, d’anti-mondialistes, d’organisations de citoyens, d’œuvres d’entraide critiques jusqu’aux partis vert et socialiste, appelle à une grande manifestation au niveau national contre la xénophobie, le 18 juin 2005. Il était grand temps.

La politique de migration de la Suisse est dominée, depuis les années 70, par des cercles xénophobes. Dans les années 80, le SVP (le parti populiste suisse) avait repris à son compte, dans sa propagande, le discours sur le «danger d’envahissement» du Conseiller national James Schwarzenbach (un fervent admirateur du dictateur espagnol Franco) qui, avec son «Action nationale» échauffait les esprits contre «l’envahissement du peuple et de la patrie par les étrangers» . Ainsi, en période d’insécurité économique, l’ancien parti des paysans réussit-il à faire remonter son score électoral, avec une campagne stratégique habilement dirigée contre les étrangers et les minorités, assortie d’un discours démagogique isolationniste.

Deux représentants de l’UDC de Zürich ont marqué cette nouvelle orientation: le Dr Christoph Blocher, aile droite du parti et défenseur actif du système d’apartheid sud-africain et le conseiller national zürichois, le Dr Ulrich Schlüer. En tant qu’ancien secrétaire privé de Schwarzenbach et rédacteur de son journal, ce dernier disposait de l’outil adéquat. Les prises de position brusquement agressives des démagogues de l’UDC, qui ressemblent en bien des points à l’argumentation de la «nouvelle droite européenne», ont pris de court la scène politique suisse qui n’y a, à ce jour, apporté aucune réponse. Au contraire, tous les partis de droite essayent depuis de contrecarrer le succès de l’UDC en imitant sa démagogie basée sur la peur de l’étranger, pensant ainsi soigner leur image de marque.

Mais, puisque l’électeur vote finalement toujours pour l’original plutôt que pour la copie, l’UDC connaît une expansion continue. Les parlements de Suisse, dominés par la bourgeoisie, le Conseil national et le Conseil des Etats, ont définitivement capitulé devant le populisme xénophobe. En décembre 2003, l’entrepreneur Blocher est «récompensé» par un vote favorable de la majorité des parlementaires du Conseil fédéral (le gouvernement suisse). Depuis, il est non seulement responsable de la police et de la justice, mais aussi du ministère de l’Immigration. On peut mesurer aujourd’hui les conséquences de l’élection du «bouc» xénophobe au poste de «jardinier» de la Suisse…

Lors des délibérations sur la nouvelle loi sur les étrangers et l’asile, au Conseil national et au Conseil des Etats, les parlementaires bourgeois, mus par la peur de l’envahissement par les étrangers, se sont lancés dans une surenchère mutuelle de propositions radicales pour dissuader les réfugiés et les immigrés. Ni les études objectives sur les migrations, ni les propositions de solutions humaines à l’initiative de certains cantons, ni les appels à plus d’humanité venant de la gauche n’ont trouvé d’écho auprès des deux parlements.

Afin, par exemple, d’empêcher à l’avenir les demandeurs d’asile potentiels de déposer une demande en Suisse, tous les réfugiés dont la requête n’a pas été examinée sont maintenant jetés à la rue, démunis, sans aucune aide. En Suisse, des milliers de réfugiés doivent se débrouiller pour survivre, sans abri, sans argent, sans aide d’urgence. On compte parmi ceux-ci des familles entières qui, jour après jour, sont sur les routes à la recherche d’un repas chaud, d’un endroit où dormir, d’une possibilité de se doucher.

Les durcissements décidés dans le domaine du droit d’asile ne feront qu’aggraver la situation. Loin d’avoir, comme chacun sait, une influence réelle sur l’ampleur de l’immigration, ils produiront toujours plus de personnes sans papiers, des individus sans permis de séjour en règle qui n’ont aucun droit, que l’on peut exploiter, balloter et expulser à volonté.

Heureusement, cette xénophobie qui fait force de loi à la maison fédérale a eu pour effet de réveiller un sentiment de résistance chez une bonne partie de la population suisse. Cette résistance a besoin de s’exprimer sur la place publique. On doit mettre fin aussi rapidement que possible à cette phase «d’ivresse» nationaliste qui domine aujourd’hui la politique de migration suisse. La manifestation contre la xénophobie, prévue au niveau de toute la Suisse, le 18 juin 2005 (la journée des réfugiés) doit être considérée comme un premier pas dans ce sens.

Hannes Reiser

FCE - Suisse

Extraits de l’appel* NOUS sommes la Suisse

Dans son préambule, la constitution suisse veut une société qui présuppose «que seul est libre qui use de sa liberté et que la force de la communauté se mesure au bien-être du plus faible de ses membres» . Nous voulons faire usage de notre liberté et nous battre pour les droits fondamentaux, contre tous ceux qui les violent que ce soit à titre privé ou comme autorité.

Art. 8: Egalité / Interdiction de la discrimination

Toutes les femmes et tous les hommes du monde ont les mêmes droits. Là où ce principe est foulé aux pieds par des particuliers et des autorités, la résistance est un devoir.

Art. 10: Droit à la vie et à la liberté personnelle

Nous ne voulons pas être les détenuEs d’une Suisse-prison, «au sein de laquelle chaque prisonnier apporte la preuve de sa liberté en devenant son propre geôlier» (Dürrenmatt). En tant que membres actifs de la société, nous voulons assurer notre propre liberté et notre propre sécurité, grâce à notre solidarité les unEs envers les autres.

Art. 12: Droit d’obtenir de l’aide dans les situations de détresse

Nous n’acceptons pas que l’on abuse du droit imprescriptible et minimum à une aide en situation de détresse pour en faire un instrument de chantage ou qu’il ne soit accordé que sous forme de contrainte par corps.

Art. 13: Protection de la sphère privée

Ce ne sont pas les migrantEs qui représentent une menace, mais bien l’Etat sécuritaire qui ne cesse de se développer. Avec ses contrôles omniprésents, l’Etat limite de plus en plus nos libertés individuelles.

Art. 15: Liberté de conscience et de croyance

Nous refusons de nous laisser dresser contre les personnes d’autres croyances. Nous en avons assez de ces manipulateurs qui créent des boucs émissaires pour faire jouer les unEs contre les autres; ceux qui veulent que nous nous soumettions aux plus puissants et que nous écrasions les plus faibles. Il faut à la Suisse moins de peur et plus de solidarité: La solidarité n’est pas dépassée, elle est plus nécessaire que jamais.

Art. 16: Libertés d’opinion et d’information

Arrêtons d’avoir peur de Blocher et de ses partisans, cette peur qui éteint le pluralisme des opinions et fait taire les critiques. Pour nous, la liberté d’expression est autre chose que le droit des riches à asséner leur «vérité» à coups de millions ou que le droit de répandre des mensonges racistes.

* Les titres sont tirés de la Constitution fédérale.

Signataires au 8.4.05

AGORA, Aktion ungehorsamer Studierender (AuS) Bern, AM!KA, Arti-Fri-Ciel Fribourg, attac suisse, Association suisse pour les droits de la personne, Augenauf Bern, Augenauf Zürich, CaBi Antirassismus-Treff, CEDRI, Cercle d’amis Cornelius Koch, Citoyens du monde Suisse, collectif des travailleur/euses sans statut légal -Ge, Collectif pour une Alliance Socialiste (CAS) Vaud, Collectif vaudois de soutien aux sans-papiers (CVSSP), Collettivo Sindacati.ch, Comedia, coordination asile Vaud: Lausanne - Vevey - Payerne - Yverdon - Vallée de Joux - la Côte, Coordination asile.ge, coordination nationale des collectifs de sans-papiers, CRAN, DIDF, En quatre ans on prend racine Lausanne, Forum Civique Européen (FCE), Fédération Européenne du Syndicalisme Alternatif (FESAL), FIMM Suisse, Flüchtlingsgruppe Dreifaltigkeit Bern, Frauen für den Frieden, Frauenrat für Aussenpolitik (FrAu), Freiplatzaktion Zürich, Gassenküche der SIKB Bern, Génération POP, Gewerkschaftsbund Baselland, Grünes Bündnis Bern, Grünes Bündnis Luzern, Humanistische Partei Zürich, IGA - Interprofessionelle Gewerkschaft der ArbeiterInnen, IGA Solothurn - SOS Racisme, infoladen kasama, isa Informationsstelle für AusländerInnenfragen, Jeunes Verts Suisse, Junge Alternative JA!, JS Suisse, Juristes démocrates de Suisse JDS, KUTÜSCH, l’autre syndicat La Côte, Les Verts, Ligue Suisse pour le Droit de l’Homme, MCP Mouvement chrétien pour la paix, MigrantInnenRaum Aargau, Mouvement Jurassien de Soutien aux Sans-papiers, Neue Partei der Arbeit Basel, Organisation Socialiste Libertaire OSL, OSEO, PST, POP & Gauche en mouvement, Plate-forme pour une table ronde sur les sans-papiers, PS Suisse, Religiös-Sozialistische Vereinigung der Deutschschweiz, Sankofa - Plattform für Menschen Afrikanischen Erbes, Schweizerischer Friedensrat, SGA des Kantons Zug, Socialist Party of Iran, Solidaritätsnetz für Menschen ohne geregelten Aufenthalt Region Bern, Solidaritätsnetz Ostschweiz, Solidarité sans frontières, solidaritéS Genève, Solifonds, ssp suisse, Stiftung Gertrud Kurz, Terre des hommes suisse, Unia conférence migrations, Villa Rosenau…

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