La solidarité avec les réfugié·es en accusation

de Claude Braun, FCE, 1 oct. 2019, publié à Archipel 285

Le 10 septembre 2019, le procès en appel contre l’ancienne conseillère cantonale tessinoise Lisa Bosia Mirra s’est tenu à Locarno. En 2017, elle avait été condamnée à une amende de 8.800 francs suisses pour avoir aidé 24 migrant·es à traverser la frontière entre l’Italie et la Suisse. Pour rappel, en juillet et août 2016, des centaines de personnes d’Erythrée, d’Ethiopie et d’autres pays africains campaient dans le parc sous la gare de Côme, en Italie du nord. La plupart d’entre elles, souvent des mineur·es non accompagné·es, souhaitaient se rendre en Allemagne ou, dans une moindre mesure, en Suisse, où elles avaient déjà des parents. Mais elles ont été systématiquement rejetées – sans être entendues – à la frontière suisse à Chiasso. Il s’agit d’une pratique illégale des gardes-frontières, qui est couverte par en haut.

Aide aux plus vulnérables

Lisa Bosia et les volontaires de son Associazione Firdaus apportaient régulièrement des repas aux réfugié·es dans le parc de Côme, documentaient les refoulements scandaleux et accompagnaient les réfugié·es à la frontière de Chiasso afin d’obtenir leur entrée légale en Suisse – mais dans la plupart des cas, c’était sans espoir. Le seul moyen pour les réfugié·es d’aller plus loin était donc de franchir la frontière «illégalement». Des citoyen·nes italien·nes et suisses, dont Lisa Bosia, scandalisé·es par la situation, les ont aidés à le faire. En 2017, elle a reçu le «Prix suisse des droits humains Alpes Ouvertes» pour son engagement dans le parc de Côme et à la frontière. Le 10 septembre devant la cour d’appel de Locarno, Lisa Bosia se remémore Côme à l’été 2016 et raconte avec beaucoup d’émotion dans quelles conditions misérables les réfugié·es ont dû végéter dans le parc sous la gare. Elle cite quelques cas concrets de migrant·es qui ont traversé le Sahara à pied, ont été emprisonné·es et torturé·es en Libye, et ont pu retrouver des parents en Allemagne. Lisa Bosia assure: «J’ai aidé celles et ceux que je pensais être les plus vulnérables, à les libérer de la situation extrêmement précaire de Côme et à les réunir avec leurs familles.»

La loi c’est la loi!

Le procureur soutient toutefois que ce n’est pas la bonne façon d’aider les réfugié·es et que la condamnation en première instance est justifiée. La solidarité ne doit pas primer sur la loi. L’accusée aurait sciemment commis des actes illégaux qui auraient mis les réfugié·es en danger: «L’accusée n’avait aucune certitude sur le sort des migrant·es, une fois en Allemagne, dans un pays inconnu, sans argent, sans connaître la langue. Elle ne sait pas si leurs soi-disant parents ne sont pas des gens qui les exploiteraient. Ce n’est pas une façon d’aider les migrant·es, elle aurait pu leur montrer sa solidarité d’une manière légale.» L’avocat soutient ensuite que la légitimité de la loi sur les étranger·es n’est pas remise en question, mais que les maximes du droit international l’emportent: «Selon l’accord de Schengen, les frontières sont celles qui limitent l’espace Schengen. Dans cet espace, le franchissement des frontières intérieures, telles que celles entre la Suisse et l’Italie ou l’Allemagne, même sans papiers, ne constitue pas une infraction pénale. C’est le point de vue de plusieurs avocat·es renommés.» Cette déclaration est une approche intéressante pour remettre en question une fois de plus la sanctification habituelle des frontières nationales. La décision de la Cour d’appel de Locarno sera annoncée prochainement.