ANTIPATRIARCAT/QUEER: La diversité est notre nature

de Constanze Warta, FCE, 14 déc. 2021, publié à Archipel 309

L’exposition temporaire «Queer - la diversité est notre nature», qui peut être visitée jusqu’au 10 avril 2022 au Musée d’Histoire naturelle de Berne, donne un aperçu de la diversité des sexes et des orienta-tions sexuelles chez les animaux et les humains. Elle fait le lien entre la nature et la culture, entre les connaissances biologiques et les débats de société actuels.

Même si nous utilisons le terme «queer» pour désigner les humains, le monde animal est extraordinairement riche en queerness. Et le genre humain n’est pas non plus aussi clair que nous le pensons souvent: le féminin et le masculin ne sont pas des catégories fixes, mais plutôt deux pôles entre lesquels il existe tout un spectre. Avec la prise de conscience croissante de la diversité dans la nature, la diversité sociale gagne également en attention. Nous nous trouvons au cœur d’un changement social, qui déclenche à la fois des forces créatives et des résistances.

L’exposition envoie les visiteurs et visiteuses à la découverte du «royaume queer», un monde qui montre la richesse multicolore de la nature et de la société, que l’on retrouve dans les thèmes du genre et de la sexualité. Une expédition au cours de laquelle les visiteurs et visiteuses peuvent également explorer leur propre identité.

Dans le règne animal, il n’y a presque rien qui n’existe pas

Queer est une catégorie humaine – l’appliquer aux animaux est délicat. Mais si le terme doit représenter la diversité des genres, alors la nature peut à juste titre être qualifiée de queer. Dans le monde animal, le genre est une question relative. Il y a des animaux qui changent de sexe au cours de leur vie ou qui manifestent plusieurs sexes en même temps.

Il y a des femelles qui se reproduisent sans mâle. Ou encore des êtres vivants avec un seul sexe, d’autres avec des milliers de sexes. Et les comportements ressemblent également à ce que nous appelons queer. On connaît le comportement homosexuel de 1500 espèces animales – et ce nombre ne cesse d’augmenter – comme par exemple les pingouins, les girafes, les singes bonobos ou encore les lions. L’exemple le plus récent se trouve au zoo Artis d’Amsterdam: deux vautours fauves mâles ont récemment couvé un œuf ensemble et élèvent maintenant le poussin. Le duo néerlandais n’est pas un cas isolé. Au zoo de Central Park de New York, deux Manchots à jugulaire mâles, en couple depuis six ans, ont adopté un œuf fécondé et ont élevé le poussin qui en est issu.

On cite également comme exemple queer les vers tantriques bisexuels (ver de rosée ou ver de terre commun), qui se couchent côte à côte pour se reproduire et échangent leur sperme pendant des heures. Chez les humains, environ un sur dix mille est hermaphrodite, c’est-à-dire doté d’organes sexuels féminins et masculins. Le poisson-clown, connu dans le monde entier grâce au film «Nemo», est quant à lui trans. Il vit en symbiose avec des anémones de mer – en couple ou en groupe. En groupe, la femelle s’entoure d’un harem de mâles. Si elle meurt, le plus grand mâle se transforme en femelle. D’ailleurs, certains animaux changent de sexe au cours de leur vie.

Bienvenue chez les humains

Après le royaume animal queer, nous entrons dans celui des humains. Ici, les possibilités les plus diverses nous sont offertes de nous confronter à la queeritude et d’apprendre pourquoi les personnes queer le sont, ce qu’elles ressentent, pensent, vivent et – malheureusement encore sou-vent – doivent endurer. Car, dans une société, la différence engendre toujours la dévalorisation, la diffamation, la haine et la violence. Les émeutes de Stonewall en 1969 à New York ont constitué un tournant historique à cet égard. Pour la première fois, des activistes queer se sont battus ouvertement pour la recon-naissance et l’égalité des droits.

Depuis, beaucoup de choses se sont passées. Dans de nombreux pays d’Europe occidentale, les personnes queer ont gagné en droits et en acceptation. Cependant, elles continuent à se heurter à des résistances sociales et politiques. Elles continuent de subir des violences physiques en raison de leur «différence». En fait, l’orientation sexuelle de chaque personne devrait être une affaire privée, tant que personne n’est blessé. Mais comme notre société est construite sur des valeurs conservatrices, cette évidence doit d’abord faire l’objet d’un long combat. Au niveau international, la situation est alarmante: dans 70 pays, l’homosexualité est punie par la loi. Il faut noter qu’en Suisse, l’homosexualité était considérée comme une maladie mentale jusqu’en 1990!

Un être humain puisse avoir plusieurs sexes, chaque personne ne correspond pas au sexe qui lui a été attribué à la naissance et surtout il est absolument possible pour les personnes queer de vivre pleinement intégrées et heureuses, pour autant que leur entourage les trouve «normales». Le fait que l’entourage joue un très grand rôle est merveilleusement illustré dans l’exposition Queer par des portraits, des interviews, des extraits de films, des jeux et bien plus encore. C’est justement avant tout l’ouverture et l’acceptation de tous et toutes qui déterminent si les personnes qui ne correspondent pas aux normes prescrites peuvent avoir leur place dans notre société – comme les charmants hippocampes du Musée d’Histoire naturelle que l’on peut admirer à la sortie...

Je vous recommande donc vivement cette exposition et espère qu’elle voyagera dans d’autres villes et pays.

Constanze Warta, rédactrice Archipel