Le 14 mars 2017, «Journée d’Action Internationale pour les Fleuves»*, le village de San Rafael, dans le sud du Costa Rica, a accueilli les rencontres des représentant·e·s des Comités Régionaux des opposant·e·s aux projets de barrages, auxquels se sont joints étudiant·e·s, organisations écologistes et autres groupes sociaux engagés, pour fêter le succès des dernières actions contre les innombrables projets de barrages en cours depuis l’ouverture du secteur énergétique.
Des seize projets en attente de licence auprès du Bureau de Contrôle de Compatibilité Environnementale SETENA entre 2012 et 2014, huit ont dû être définitivement archivés grâce aux massives protestations de la population, dont les projets Monteverde I et II, visant les fleuves Rio Convento et Rio Sonador, importants pour la coopérative Longo maï. La semaine dernière, c’est le projet Altamira qui était interrompu. Le Comité Rios Vivos (les fleuves en vie), actif depuis trois ans et tête de file des mouvements contre les barrages, s’exprimait ainsi: «Avec la fin du projet Altamira, c’est l’un des plus beaux fleuves de notre région qui a pu être sauvé. Ce fleuve offre une aire de baignade exceptionnelle et une magnifique cascade entre les falaises. Accessible en moins de deux heures de marche du village de Longo maï, cet endroit est devenu une attraction pour locaux et visiteurs. Le projet prévu aurait privé ce fleuve de 90% de son eau».
Les derniers projets dans la région, au centre des discussions lors des rencontres de San Rafael, sont ceux d’El Consuelo aux alentours de Buenos Aires, 30 km au sud de Longo maï, et le projet de San Rafael, 20km au sud de San Isidro, où les rencontres ont eu lieu. Dans ces deux places, la résistance sociale est forte. 80% de la population est contre ces projets. Ceux-ci ont été planifiés par l’entreprise H. Solis, une des plus grandes entreprises de bâtiment au Costa Rica. Celle-ci détient plus de 50% des contrats relatifs à l’entretien des routes avec le gouvernement, pour un montant dépassant les 247 millions de dollars. Les bénéfices sont tellement élevés que l’entreprise a décidé d’investir dans 9 centrales hydroélectriques, dont San Rafael et El Consuelo font partie. Les dernières nouvelles sont bonnes: l’abandon du projet d’El Consuelo, la déclaration de développement du réseau d’eau potable au profit de 38.000 personnes, fin mars, par l’Agence Nationale de l’Eau (AyA), et la reconnaissance du rôle du fleuve Rio Cañas dans le canton de Buenos Aires, que H. Solis entendait exploiter à des fins énergétiques, ce qui était hors de question.
En plus de ces succès récents, six autres projets sont tombés à l’eau dans un sud du pays combatif, dont les projets Las Vegas et Bijagual, concernant les fleuves Pacuare et Savegre près du Pacifique et Acosta, Upala, Coto Brus et Sarapiqui en région atlantique, sur lesquels des moratoires ont été établis.
Depuis 2014 déjà, les comités, associations écologistes et une bonne douzaine de communautés se prononçaient en faveur d’un moratoire à l’occasion d’un grand débat national sur la question énergétique: «Après plus de 30 ans de lutte en ce sens, nous prônons un moratoire visant tous les projets exploitant les ressources naturelles et fluviales. Il devrait maintenant être clair aux yeux de tous que ni le réseau national d’électricité ICE, ni les exploitants privés n’ont pu prouver la nécessité de ces centrales pour la population costaricienne».
Sur un autre front également, dans le sud du Costa Rica, le canton de Pérez Zeledón (150.000 habitant·e·s) a fait de grandes avancées. Le Conseil de la ville de San Isidro s’est déclaré à l’unanimité, le 6 avril 2017, libre de tout pesticide et herbicide. Une performance pionnière qui doit beaucoup au mouvement écologiste et à l’investissement des collectifs agraires et des communautés de villages. Pérez Zeledón est le premier canton du Costa Rica à avoir entériné cette décision, qui se traduira en pratique par l’abandon des herbicides dans toutes les places publiques, écoles, voies et routes. Le Costa Rica est un grand importateur de produits agrochimiques en Amérique latine, importations ayant augmenté de 312% dans les dix dernières années! Chaque année, ce sont 8000 tonnes qui sont importées, dont une grande part de glyphosate.
Rios Vivos et toutes les autres forces travaillant main dans la main dans le sud du pays ont à nouveau prouvé qu’un engagement citoyen est en mesure de stopper l’exploitation à outrance des ressources naturelles, en reprenant le contrôle de la région.
Roland Spendlingwimmer
Longo maï-Costa Rica
* Le 14 mars, Journée d’Action Internationale contre les barrages, remontant à 1997, lorsque le premier rassemblement d’écologistes, indigènes et collectivités a eu lieu à Curitiba (Brésil), visant à s’organiser contre les projets de barrages. Depuis, chaque année, cette journée est le symbole du combat pour un libre cours des fleuves. En 2017, 123 actions ont été recensées dans 43 pays.