DOSSIER ETE 2005: Kiosques

23 nov. 2005, publié à Archipel 131

Parmi les participant-e-s aux rencontres de l’été plusieurs ont écrit des livres ou des brochures. Nous vous présentons ci-dessous quelques-uns de ces livres. Quant aux brochures, nous publions un extrait de l’une d’entre elles et vous invitons à retrouver les autres sur le site infokiosques.net.

De la misère humaine en milieu publicitaire* Le groupe MARCUSE (Mouvement Autonome de Réflexion Critique à l’Usage des Survivants de l’Economie), qui signe ce livre, est composé de jeunes sociologues, économistes, philosophes, historiens, psychologues et médecins. Certainement inspiré par Herbert Marcuse1 pour le nom du collectif et de «De la misère en milieu étudiant» pour le titre2, voici la 4ème de couverture:

La publicité ne cesse d’étendre son empire. Nous sommes chaque jour soumis à plus de trois mille messages publicitaires. Jusqu’où ira ce bombardement? En France, plus de vingt milliards d’euros sont investis par an en publicité – trente fois plus que le budget du ministère de l’Environnement! Qu’y a-t-il là de si décisif pour qu’on y consacre tant d’argent, de talent et d’énergie? C’est que la croissance est indispensable pour entretenir la santé de l’économie. Or, on ne peut produire toujours plus de marchandises sans produire en même temps les envies qui permettent de les écouler. Les publicitaires sont chargés de nous inoculer ces envies. Non seulement on nous somme de participer à la production croissante de marchandises, mais avec la publicité nous sommes tenus d’en assurer l’écoulement, jusqu’à la nausée. Le groupe Marcuse explique que le système publicitaire est indispensable à l’expansion du consumérisme et du productivisme, dont les conséquences sont catastrophiques pour les hommes comme pour la nature. La publicité est le carburant idéologique de ce saccage: elle nous incite sans cesse à consommer tout en nous aveuglant sur les conséquences de cette hyperconsommation. Il ne faut donc pas en rester à une critique moralisante des «excès» de la publicité. Il faut plutôt s’attacher à comprendre comment elle diffuse un mode de vie qui contribue à l’appauvrissement de la vie. Les excès si décriés apparaîtront alors sous leur jour véritable: les dernières percées d’une offensive qui, depuis trop longtemps, participe à la dévastation du monde.

«J’ai une passion pour les paysages, et je n’en ai jamais vu un seul amélioré par un panneau d’affichage. C’est lorsqu’il érige une affiche devant d’agréables perspectives que l’homme est à son plus vil. Quand je prendrai ma retraite de Madison Avenue, je lancerai un groupe d’autodéfense... pour abattre des affiches après la tombée de la nuit. Combien de jurés nous condamneront lorsque nous serons pris en flagrant délit de généreux civisme?»

La citation est de David Ogilvy, un des pères fondateurs de la publicité et directeur d’une agence, en 1963!

* «De la misère humaine en milieu publicitaire» sous-titré: «Comment le monde se meurt de notre mode de vie»** aux Editions: La Découverte / sur le vif.

  1. (1898-1979) de l’école de Francfort, son livre le plus connu est «l’Homme unidimensionnel»

  2. écrit par Khayati, situationniste très actif de Strasbourg, ce livre va circuler d’université en université et être l’un des détonateurs de Mai 68

Le cauchemar de don Quichotte* Comment s’opposer au capitalisme, lorsqu’on s’accommode, jusqu’à la fascination, du genre d’existence qu’il procure et de ce qu’il a fait accomplir aux hommes?

La disparition, sous les coups de boutoir de l’industrie, des formes autonomes de production et d’échange ne semble poser aucun problème aux intellectuels «critiques» et aux jeunes qui les écoutent. Ils se féliciteraient presque de la dépendance quasi totale de chacun vis-à-vis de l’appareil de production moderne. Ils ne voient pas le danger d’une évolution qui fragilise notre vie quotidienne, en nous mettant à la merci des fluctuations de l’économie et de processus sociotechniques sur lesquels nous n’avons aucune prise. Ils ne voient pas que cette évolution nous accule à la croissance perpétuelle de la production.

La gauche persiste encore à promouvoir l’extension des «bienfaits de notre mode de vie» à l’ensemble de la planète. Sans voir que l’Economie apporte à de nouvelles contrées la participation forcée au désastre social et écologique.

Dans l’immédiat, la question des conditions de vie ressurgit avec insistance, terrifiante et insoluble. Il ne s’agit pas d’assimiler tous ceux qui disent œuvrer pour une «mondialisation plus humaine» aux partisans les plus fanatiques de l’ultralibéralisme.

Mais il est crucial de souligner qu’il n’y a pas grand sens à plaquer une idéologie de fraternité universelle sur ce que nous sommes en train de faire du monde.

La société non capitaliste, que tant de militants appellent de leurs vœux, pourrait bien ne pas être une société de confort et d’irresponsabilité généralisée – c’est-à-dire l’improbable extension à tous de la situation des privilégiés de notre société inique.

* «Le cauchemar de don Quichotte» aux éditions Climats (2004) de Mathieu Amiech et Julien Mattern

Les Amis de Ludd, bulletin d’information anti-industriel* Los Amigos de Ludd est né à Madrid en 2001, à la suite du mouvement d’opposition aux biotechnologies, aux OGM en particulier. Ce bulletin est une tentative de clarification et de diffusion des idées qui ont émergé à l’appui des sabotages, en champs et en laboratoires, de plants d’OGM.

Parmi celles-ci, la critique de l’idéologie du progrès, le progressisme , occupe une place prépondérante. Elle est menée sur deux fronts, d’une part l’analyse de l’idéologie qui voit dans l’industrie et la recherche scientifique la solution aux problèmes posés par la société de masse; d’autre part l’étude des formes d’organisation sociale qui ont permis dans le passé une certaine forme d’autonomie et de liberté politique. Ainsi, le bulletin mêle des articles traitant de l’histoire de la résistance à l’industrialisation («Utopie et misère du monde industriel», «L’anti-machinisme dans l’Etat espagnol aux XIXème et XXème siècles»), qui explique la référence au luddisme, et des textes mettant en relation le discours anti-industriel avec la situation actuelle, ses catastrophes («Prestige: les secrets de l’adaptation moderne»), son écologisme (à propos de quelques fausses idées très récentes sur la nature et la technique). A noter l’article «L’automatisation et la lutte finale», qui met au clair la contribution de Marx au mythe d’une machine libératrice.

Ce volume correspond à la traduction des textes espagnols des quatre premiers numéros. Huit numéros ont été publiés à ce jour en Espagne.

\ Les Amis de Ludd, bulletin d’information anti-industriel* , Paris: Petite Capitale, 2005

Commandes à adresser à Matthieu Amiech, 11, rue Crespin du Gast, 75011 Paris, accompagnées d’un chèque de 10 euros à l’ordre de Nicolas Eyguesier

Emilie Lamotte* Anarchiste, ancienne institutrice, néo-malthusienne, auteure de brochures sur l’éducation et la contraception, d’une pièce de théâtre, rédactrice au «Libertaire» et à «l’anarchie», propagandiste, peintre et dessinatrice, milieu-libriste, nomade en roulotte et volage. Nous publions ci-dessous un extrait de la brochure* qui lui est consacrée, réalisée par des participant-e-s aux rencontres de l’été.

Née vers 1877 à Paris (6ème), Emilie Lamotte exerça comme institutrice libre congréganiste avant, sans doute, de découvrir les idées anarchistes. En 1905, elle commence à écrire dans «Le Libertaire», où elle s’intéresse aux questions éducatives et notamment à l’expérience de La Ruche, réalisée par Sébastien Faure à Rambouillet. La Ruche est une école libre, créée en dehors de toute tutelle étatique ou religieuse: «l’école tout court organisée pour l’enfant, afin que cessant d’être le bien, la chose, la propriété de la Religion ou de l’Etat, il s’appartienne à lui-même» 1. C’est à cette période qu’elle rencontre Lorulot: «Emilie Lamotte …. fut ma première compagne (j’ai omis de dire que nous avions fait connaissance à mon retour de tournée). Elle collaborait, comme moi, au Libertaire; c’était une femme absolument remarquable, qui mourut trois ans plus tard malheureusement; je conserve d’elle des souvenirs pleins d’émotion. Emilie Lamotte avait des vues pédagogiques audacieuses. C’était aussi une artiste, peintre et dessinateur, d’un très grand talent» 2. Après sa rencontre avec Lorulot, elle écrit au journal «l’Anarchie» et fait des conférences où elle traite volontiers son sujet favori: «Pourquoi j’ai quitté l’enseignement confessionnel» , condamnant écoles laïques et confessionnelles. Propagandiste anti-conceptionnelle, elle diffuse brochures détaillées et moyens de contraception. Eugénisme diffus, peur répandue de la «dégénérescence» on se préoccupe à l’époque de «faire de beaux enfants»: «c’est en raison de préjugés, soit religieux, soit inexplicables que des conjoints infectés d’un empoisonnement transmissible se croient obligés de créer des enfants difformes, mal venus, voués à toutes les misères physiques» 3. Mais la limitation des naissances joue un rôle pour limiter les charges de familles et leur donner une possibilité de résistance au système. Et pour éviter de fournir aux patrons et à l’Etat de la chair à canon… C’est au cours d’une tournée de conférence qu’Ernest Girault, «compagnon fidèle des dernières années» de Louise Michel, et André Lorulot ont l’idée de former une colonie communiste, regroupant des compagnons ayant des affinités communes. Peut-être est-ce à cette occasion qu’Emilie Lamotte et Lorulot se rencontrent? Toujours est-il qu’en 1906, elle participe à la fondation de la colonie libertaire de Saint-Germain-en-Laye, où elle vient vivre avec ses quatre enfants fin octobre. Le père de deux de ses enfants, Félix Malterre soutient activement les milieux libres en rédigeant régulièrement dans le Libertaire, un «Bulletin communiste» sensé faire le point sur les différentes expériences réalisées. Les milieux libres sont alors une idée assez répandue chez les anarchistes et plusieurs expériences ont déjà vu le jour. A Saint-Germain, le milieu libre n’est pas conçu pour sa vertu démonstrative pour réaliser une libération immédiate4. Il est formé par des individus qui veulent vivre en camarades et en anarchistes, faisant de leur vie elle-même le centre des luttes qu’ils mènent face à la société bourgeoise. Novembre 1907, Emilie Lamotte rédige un article enthousiaste, décrivant la colonie comme un «centre puissant de propagande» 5. Elle s’occupe de l’école de la colonie qui compte 6 enfants (dont 4 sont les siens) avec le soutien de Sébastien Faure. Pourtant, dès l’hiver, des départs se produisent, tandis que les duos Girault et Goldsky, Lorulot et Lamotte font des tournées de propagande, des réunions publiques… En mars, c’est Girault qui part pour ses mésententes avec les autres compagnons6. Et, en janvier 1907, Lorulot est arrêté à Denain, pour «excitation au meurtre» à la suite d’une conférence. Il profite de son séjour en prison (à partir de mai) pour rédiger «L’Idole patrie et ses conséquences», et écope de quelques mois de tôle supplémentaire pour «provocation de militaires à la désobéissance civile» . Emilie Lamotte achève la tournée de conférences, retourne vivre un temps à la colonie, puis elle est hébergée avec ses enfants chez une camarade à Paris. Toutefois, la ferme de Saint-Germain reste un lieu propice pour les balades et les conférences publiques dominicales. Lorsque Lorulot est libéré en février 1908, ils retournent vivre à Saint-Germain avec Tesnier et sa compagne. Ils y éditent quelques brochures, dont deux écrites par Emilie sur l’éducation et la contraception. Mais ils quittent les locaux avec l’hiver. Plus tard, Lorulot décrit ainsi cette expérience: «Je n’ai d’ailleurs pas gardé un mauvais souvenir de la Colonie. Pour la première fois de ma vie, j’étais à la campagne; Le coin ne manquait pas de pittoresque. J’avais une charmante compagne et nous nous aimions. Je me grisais d’air pur, de verdure, de mouvement… Je défrichais le champ, j’abattais des arbres. Tout cela était un enchantement pour un jeune Parisien, dont l’enfance s’était déroulée si loin de la nature» 7.

Fin 1908, ils partent poursuivre des conférences sur les routes du Midi, en roulotte. A la suite de cette expérience, Lorulot écrit une brochure, «La Vie nomade» sur la façon dont ils ont «frété une roulotte et traversé la France, suivant les routes, de ville en ville, causant avec les nomades, pénétrant dans leurs campements, assistant, sans éveiller leur méfiance, à leurs maquillages adroits, et étudiant leurs mœurs avec facilité. J’ai conservé de ces quelques mois un agréable et vivant souvenir» 8.

Pour Emilie Lamotte, le voyage s’achève à Alès dans le Gard le 6 juin 1909, où elle meurt, malade, à l’âge de 32 ans.

* A commander à: Brochures de l’En Dehors

La question sociale

BP5 08150 Rimogne

  1. Tract «Grande fête populaire offerte par les enfants de La Ruche»

  2. Lorulot André, Ma Vie…Mes Idées…, 1943, réédition 1973

  3. Lamotte E., La Limitation des Naissances. Moyens d’éviter les Grandes Familles, Editions de l’Idée Libre (A.Lorulot, à Conflans-Honorine, Seine et Oise), 1920

  4. Lorulot A., Ma vie…Mes idées…

  5. Lamotte E., «Action féconde», Le Libertaire, 4 au 11 novembre 1906

  6. Le Libertaire, du 10 au 17 mars 1907

  7. Lorulot A., Ma Vie…Mes Idées…

  8. Lorulot A., La Vie Nomade, Romainville, Editions de l’Idée libre

* Pour plus d’info sur la brochure: <hobolo@no-log.org>

Pas de vacances pour Radio Zinzine!

La canicule n’a pas empêché les animateureuses de Radio Zinzine de continuer à produire des émissions sur les thèmes qui les passionnent, d’autant plus qu’illes avaient sous la main des auteurs de livres et de brochures à exploiter. Nous vous proposons quelques-unes de ces émissions mais vous pouvez également nous demander le catalogue complet.

  • «Vous avez dit autonomie?» (CB3)

Introduction croisée aux conceptions de l’autonomie de Cornelius Castoriadis et d’Ivan Illich. (Voir article en première page) en deux émissions d’une heure.

  • «Le cauchemar de Don Quichotte» (CB4)

Il y a quelque chose de pourri au royaume de la marchandise, mais beaucoup semblent obstinés à se boucher le nez. Voilà la conclusion que tirent les auteurs du mouvement de grève du printemps 2003. Ils reviennent sur ce déficit olfactif de la critique actuelle du capitalisme, et parlent de croissance, d’atomisation, d’internet, d’agriculture industrielle, de recherche scientifique. Pour remettre au goût du jour la tradition critique de l’après-guerre, les Arendt, Anders, Adorno et Cie, qui le mieux ont senti ce que cette modernisation nous réservait. Une présentation-discussion autour de ce livre par les auteurs.

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- «Les Amis de Ludd» (CB5)**

Avec les traducteurs (voir article ci-contre)

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- «Menuiserie et ébenisterie à l’époque de la production industrielle» (CB6)

Avec Bertrand Louart, l’auteur de la brochure du même nom, qui édite «Notes et Morceaux choisis, bulletin critique des sciences, des technologies et de la société industrielle.

  • «Faut-il réellement sauver la recherche?» (CB7)**

** Autour de cette table-ronde, les intervenants s’intérogent et parfois se répondent sur la soi-disant neutralité de la recherche scientifique, sur la responsabilité des chercheurs dans le délire technoscientiste et sur les résultats et conséquences de la recherche dans les dégats que provoque la société industrielle d’aujourd’hui.

  • «Les expériences communautaires libertaires en France à la Belle Epoque» (CB8)

Un milieu libre regroupe plusieurs personnes qui s’efforcent de vivre ensemble, et autrement.

Le terme est apparu dans les années 1900 et est spécifique au milieu anarchiste.

Cette émission est réalisée avec les auteures d’une brochure intitullée «Les milieux libres - 1890 1914» , éditée par «Les brochures de l’En Dehors» <endehors.org>

Contact:

<hobolo@no-log.org>

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Emissions d’environ une heure, support CD, à commander à Radio Zinzine 04300-Limans, en précisant le code (ex. CB1). A l’émission: 10 euros (port inclus) / Les 4 CD: 30 euros, chèques à l’ordre de Radio Zinzine