DOSSIER G8: Libérons la diversité

9 mai 2010, publié à Archipel 151

Les événements autour du sommet des chefs d’Etats des pays du G8 à Heiligendamm au Mecklembourg étaient tellement multiples et variés qu’il est trop tôt pour une présentation détaillée. «Un autre monde est possible» , «la résistance est fertile» et «personne n’est illégal» , étaient les trois slogans dominants d’un mouvement de protestation qui s’était formé durant les mois précédents et qui s’est exprimé à travers quelques dizaines de milliers de personnes autour de Heiligendamm durant une semaine entière, avant et pendant le sommet.

Officiellement, un million d’euros ont été dépensés pour les mesures de sécurité de cette rencontre d’un jour et demi. Les tentatives de criminaliser les manifestants comme de violents casseurs ont finalement échouées. Nous reviendrons sur ces points dans les prochains numéros. Le thème dont il est ici question est celui développé par le «réseau d’actions agriculture mondialisée» . Ce réseau, constitué il y a quelques mois, a réussi à remettre les questions de l’agriculture à l’ordre du jour dans les mouvements de gauche en Allemagne où elles avaient été ignorées ou presque pendant longtemps, et à avoir une présence publique par différentes actions:

Du 3 au 11 mars 2007, un groupe de neuf personnes a fait une tournée en Autriche et en Allemagne avec des oranges et une exposition pour informer sur l’exploitation éhontée et les conditions de vie inhumaines des migrants dans la production de fruits et légumes en Europe.

Le 17 avril, conjointement à la journée internationale des luttes paysannes, organisée chaque année par Via Campesina en mémoire des paysans sans terre assassinés au Brésil dans la lutte pour une réforme agraire, des actions de solidarité ont été organisées dans 15 villes allemandes.

Du 19 au 20 mai s’est tenu la «troisième rencontre européenne pour le droit aux semences paysannes»1 à Halle en Allemagne. Des initiatives de l’Europe du Sud et de l’Ouest avaient déjà convergé lors des deux premières rencontres, à Poitiers en France en 2005 et à Bullas en Espagne en 2006. A Halle, celles de l’Europe du Nord et de l’Est ont complété ce réseau qui s’est alors constitué comme «Coordination européenne des semences paysannes». La rencontre était organisée par le Forum Civique Européen, la «BUKO-Campagne contre la Biopiraterie» et le réseau allemand pour des semences sans OGM2. Le 21 mai, la veille de la journée internationale de la biodiversité, de nombreuses organisations ont appelé à une manifestation devant le conservatoire allemand des plantes cultivées, l’IPK à Gatersleben, contre les expérimentations en plein champ avec du blé et des petits pois génétiquement modifiés.

Le 3 juin, deux jours avant la tenue du G8, une journée d’action «le G8 et l’agriculture mondialisée» a eu lieu avec plusieurs milliers de personnes sur un parcours entre la faculté d’agronomie de Rostock et le village de Gross Lüsewitz, où se trouve un centre de promotion des biotechnologies.

Nous publions ci-après une lettre ouverte issue du séminaire de Halle et transmise au directeur de l’IPK3, la Banque de Ressources Génétiques, à Gatersleben lors de la manifestation du 21 mai.

Jürgen Holzapfel

FCE - Allemagne

Comité international d'urgence*

Lettre Ouverte

C’est en raison des expérimentations avec des plantes génétiquement modifiées dans les laboratoires et les champs de la Banque Génétique de Gatersleben, une des collections de plantes cultivées les plus grandes du monde, que 150 paysans et paysannes, jardiniers et jardinières, sélectionneurs, représentants de banques génétiques et initiatives pour conserver la diversité des plantes venant de 25 pays et de quatre continents se sont rassemblés du 18 au 20 mai à Halle en Allemagne. Une de leurs décisions concerne directement l’IPK:

«Après dix ans d’expériences de laboratoire avec des plantes génétiquement modifiées, nous n’avons aucune garantie que les collections de l’IPK ne soient pas contaminées. Avec les expérimentations en plein champ, la probabilité de contamination s’est dramatiquement accrue. En automne 2006,

du blé OGM a été semé en plein champ sur le terrain de l’IPK, les variétés de blé d’hiver et d’été qui y étaient cultivées pour régénération au même moment ont été exposées au risque de contamination. Il existe des réserves de ces variétés dans l’IPK qui ne sont pas contaminées.

Notre objectif est de conserver ces variétés non contaminées ailleurs qu’à l’IPK, c’est pourquoi nous avons fondé un comité international d'urgence.

Nous vous demandons, Monsieur le Directeur, de nous donner une liste des variétés concernées, avec leur pays d’origine. Sur cette base, le Comité International d'urgence, aidé par des paysans et paysannes de ces pays, conservera les semences sans contamination. Nous demandons que l’IPK fournisse des semences qui ne sont pas mélangées avec celles qui sont en train d’être reproduites en plein champ.

En conséquence de cette initiative d'urgence, nous attendons un débat général sur le besoin de développer des alternatives au stockage de la biodiversité de plantes agricoles dans la Banque.

De plus, nous demandons de la Banque de Ressources Génétiques de Gatersleben:

  • qu’en raison du risque de contamination avec du blé génétiquement modifié, que soit mentionné sur la lettre de transfert de matériel qui accompagne chaque échantillon quittant la Banque l’information que la Banque ne peut pas garantir que l’échantillon ne contienne pas d’OGM.

  • que vu l’importance des collections de l’IPK pour la sécurité alimentaire du monde, les champs appartenant à l’IPK et les alentours restent sans OGM.

Au-delà de ces mesures pratiques de secours, nous demandons ce qui suit:

En mai 2008, l’Allemagne sera l’hôte de la neuvième conférence des signataires (COP9) de la Convention sur la Diversité Biologique des Nations Unies (CBD). Cette convention issue du Sommet Mondial Environnement et Développement de Rio de Janeiro en 1992 au même titre que la Convention sur le Climat, règle la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique. Le protocole sur la Bio Sécurité, connu également sous le nom de Protocole de Cartagena, fait partie de cette convention. Il fixe les normes minimales pour l’utilisation d’OGM. La quatrième réunion des signataires du Protocole de Cartagena (MOP4) aura lieu à Bonn, en Allemagne, en mai 2008. Le Protocole de Cartagena est basé sur le principe de précaution. Suivant ce principe, même s’il n’y a pas de preuve scientifique du danger de contamination par des OGM, leur utilisation peut être interdite dans les Etats signataires du Protocole de Cartagena pour d’autres raisons.

Nous demandons que les expérimentations d’OGM de Gatersleben soient mises à l’ordre du jour de la quatrième réunion des signataires du Protocole de Cartagena. La mise en culture de plantes OGM à proximité d’une des collections de semences les plus importantes du monde est un exemple qui pourrait avoir des effets négatifs imprévus pour d’autres Banques de Ressources Génétiques dans d’autres pays.»

Le comité international d'urgence

20 mai 2007

* Adresse provisoire

Forum Civique Européen

Dorfstr. 68

D-17159 Dargun, OT Stubbendorf

Tel: 49 (0)39 959 23881

Ulenkrug(at)t-online.de

  1. Voir archipel No 147, mars 2007, «Semences contre G8» et No 148, avril 2007, «Protestations contre une banque de gènes»

  2. IG für eine gentechnikfreie Saatgutarbeit

  3. Institut für Pflanzengenetik und Kulturpflanzen