DOSSIER TURQUIE:Bras de fer avec les militaires

de Nicholas Bell EBF, 15 sept. 2010, publié à Archipel 185

On n’aurait pas pu imaginer date plus lourde de sens, une date qui évoque pour tout citoyen turc le jour qui, il y a trente ans, a marqué son pays. Ce n’est bien sûr pas un hasard si cette date du 12 septembre 2010 a été choisie. Pour la première fois, un gouvernement ose remettre en question la pièce maîtresse de l’héritage imposé par les militaires responsables du putsch sanglant de 1980: la Constitution de 1982.

C’est donc le jour de cet anniversaire que le peuple aura l’opportunité, dans un référendum, d’approuver ou non l’ensemble de réformes proposées. Depuis environ 80 ans, rien ne semblait pouvoir remettre en question les principes sacro-saints qui avaient guidé la République turque depuis sa création en 1923 par Mustafa Kemal Atatürk: un nationalisme extrême, basé sur le concept d’un seul et unique peuple turc, qui ne reconnaît aucune communauté ou langue minoritaire et la laïcité, dans un pays quasi mono-religieux où la religion est fortement contrôlée par l’Etat1.

Les forces en présence

Ce référendum n’est que le dernier épisode d’une bataille acharnée qui oppose depuis plusieurs années le parti islamo-conservateur AKP mené par Recep Tayyip Erdogan à l’establishment kémaliste qui se considère comme le gardien de la République, formé avant tout par l’armée et le Parti Républicain du Peuple (CHP, social-démocrate) créé par Atatürk, mais également par une alliance hétéroclite contre-nature, regroupant les ultranationalistes d’extrême droite du MHP, des petits partis d’extrême gauche, des juges, journalistes, universitaires…
Toutes ces forces, naguère considérées comme les promotrices éclairées d’une Turquie moderne tournée résolument vers l’Occident, sont devenues un poids conservateur qui s’oppose à toutes réformes, à toutes tentatives d’ouverture vers les communautés kurde et arménienne. Elles cherchent à entretenir l’amnésie collective qui a tiré un voile sur les aspects les plus sombres de l’histoire de la République et de la période qui a précédé sa fondation: la négation de l’identité du peuple kurde qui forme environ un quart de la population, le génocide arménien, l’expulsion de
2 millions de Grecs dans les années 1920, les brutalités immondes perpétrées par l’armée lors des trois coups d’Etat militaires, en particulier celui de 1980.
Ces cercles sont habitués à tenir les rênes du pouvoir politique et économique2 et ne veulent pas perdre leurs privilèges. En face, on trouve une coalition atypique qui peut également laisser perplexe. Lors de notre voyage récent en Turquie, nous avons pu retrouver Ferhat Kentel, un professeur de sociologie à Istanbul avec qui nous avions déjà réalisé un entretien pour Radio Zinzine à Paris en 2009. C’était lors d’un rassemblement le 12 juillet devant le tribunal à Istanbul où se tenait le procès de l’assassin de Hrant Dink, célèbre journaliste de la communauté arménienne.
«Hrant Dink avait fondé le journal Agos en 1996. Il s’est battu pour la reconnaissance de la présence arménienne en Turquie, cette communauté silencieuse, dans les marges de la société. C’est un peu grâce au courage de Hrant qu’on a commencé à en parler, mais ça lui a coûté la vie. Hrant faisait partie de cette résistance à l’amnésie. Chaque fois que ces questions refont surface, cela déstabilise l’Etat et pour contrer cette déstabilisation, des forces au sein de l’Etat peuvent commettre des crimes. Nous savons qui a tiré, mais pas l’identité de ceux qui ont donné les ordres, les forces noires, obscures. Nous avons plein d’indices qui montrent que les assassins n’étaient pas seuls. Ils ont des liens dans l’Etat, dans l’Ergenekon, ce clan armé et mafieux.
La Turquie n’est plus celle d’il y a dix ans. On parle de tout maintenant. Ca ne veut pas dire qu’on avance à pas de géant, mais beaucoup de choses sont remises en question, les militaires ne sont plus intouchables, ils ne sont plus les maîtres de la société. Il y a une sorte de coalition non signée de forces sociales de tous bords, des Kurdes, des Musulmans, des conservateurs, des gens de gauche, on pourrait l’appeler une opposition démocratique, qui est de plus en plus visible. Avant le putsch de 1980, nous étions dans notre camp de gauche, d’autres étaient dans leur camp islamique… Aujourd’hui, il y a une société démocratique qui fait reculer l’Etat autoritaire. Maintenant, dans les tribunaux, on voit des militaires, ça me rappelle Z, le film de Costa Gavras. A la fin de ce film, les généraux passent au tribunal et c’est l’euphorie. Ici c’est un peu ça, même si ce n’est pas complètement débloqué.»

Une armée de l’ombre

Ergenekon est devenu le plus grand scandale de l’histoire turque qui montre de quoi cet establishment militaro civil est capable pour défendre le statu quo. C’est le nom donné à une armée de l’ombre qui ressemble à Gladio3 et dont on a entendu parler pour la première fois en 1997. Son but actuel est de faire tomber le gouvernement de l’AKP par le biais d’une stratégie de tension, d’attentats et de meurtres, de manipulations de l’opinion publique, … Des centaines de personnes ont été arrêtées et interrogées depuis juin 2007, accusées d’avoir fait partie d’Ergenekon, y compris des généraux et des officiers à la retraite ou en service. Le procès a commencé en octobre 2008. Le nom se réfère à la vallée mythique, Ergenekon, où le peuple turc aurait trouvé refuge après une terrible défaite face à l’empire chinois.
Parallèlement, dans une autre affaire dénommée Balyoz (Marteau de fer) révélée en janvier 2010 par le quotidien Taraf4, 196 militaires viennent d’être inculpés à Istanbul pour leur implication dans un «Plan d’Opération de Sécurité» concocté dans une réunion militaire en 2003. L’idée était de fomenter le chaos grâce à des attentats, entre autres contre deux des mosquées les plus importantes d’Istanbul. Cela devait créer les conditions pour une prise en main par l’armée.
«Au fur et à mesure qu’il se sent au pied du mur, ce noyau dans l’Etat peut devenir dangereux, pour sauvegarder ses privilèges, pour survivre… Il peut tout oser, on sait que c’est ce qu’il a fait jusqu’à maintenant – des massacres sur fond de conflits ethno-religieux, à Maras et Corum avant 1980, à Sivas où 30 Alevis sont morts en mai 1977, brûlés vifs après une fusillade perpétrée par cette organisation para étatique. Pour eux, tuer des gens a toujours été normal. 17.000 Kurdes ont été tués, je ne parle pas de la guérilla du PKK, non, c’étaient des journalistes, des gens ordinaires, qui ont été emmenés de chez eux en pleine nuit, devant leur famille et dont on n’a jamais plus eu de nouvelles. On ne connaît toujours pas les auteurs.» (Ferhat Kentel).

L’armée au banc des accusés

Jamais dans l’histoire turque l’armée n’a encaissé autant de coups. Il y a dix ans, il aurait été inimaginable de voir des généraux et des officiers derrière les barreaux, accusés d’actes relevant du terrorisme d’Etat. Aujourd’hui, certaines des réformes de la Constitution proposées par le gouvernement5 touchent directement le pouvoir de l’armée, mettant en question l’énorme poids qu’elle fait peser sur la société turque par le biais des réunions mensuelles du Conseil National de Sécurité où elle donne depuis des décennies ses instructions aux gouvernements successifs6. D’autre part, la réforme permettra pour la première fois d’inculper le Général Kenan Evren et ses sbires qui ont conduit le sanglant coup d’Etat de 1980 mais qui bénéficient de l’immunité garantie par l’Article 15 de la Constitution qu’ils ont eux-mêmes fait adopter.
«Cette réforme de la Constitution remet en cause le coup d’Etat de 1980 et ses retombées. Avec ce changement il y aura une très grande chance de pouvoir ouvrir un procès contre le général Evren qui vit toujours. C’est une honte, ce type vit tranquille dans sa villa en peignant des tableaux, et il a osé dire, en parlant de 50 condamnés à mort, ‘bien sûr qu’on va les exécuter, est-ce que vous voulez qu’on les nourrisse?’» (Ferhat Kentel).

La citadelle du statu quo

Les réformes cherchent également à apporter des changements par rapport au pouvoir judiciaire en Turquie, surtout en ce qui concerne les modalités d’élection des membres de la Cour Constitutionnelle et du HSYK, l’organe qui nomme les juges supérieurs. Selon l’ancien ministre de la Justice, Seyfi Oktay, «Le CHP a entre 3.000 et 5.000 de ses gens nommés à des postes supérieurs du système judiciaire. Ils ont peur de perdre leurs privilèges» (Zaman Today, 13.8.10). Ferhat Kentel: «Le pouvoir judiciaire est devenu, avec l’armée, la citadelle du statu quo. Toute demande démocratique, sociale, a été rejetée par ce système judiciaire. C’est une caste qui s’autoalimente, chacun élit quelqu’un de son camp, le pouvoir judiciaire ne peut pas se démocratiser dans la situation actuelle. Donc cette réforme constitutionnelle apporte un petit changement, pas énorme, mais ça casse un peu ce pouvoir judiciaire.»

Le conflit avec le PKK

Les événements des derniers mois semblent indiquer que l’armée n’a pas abandonné ses sales méthodes. Actuellement c’est surtout par le biais du conflit avec le PKK7 qu’elle cherche à déstabiliser le gouvernement et discréditer son ouverture démocratique envers les Kurdes. En 2010, il y a eu un fort regain de tension avec un nombre considérable de soldats tués.
A plusieurs reprises, le commandement militaire n’est pas intervenu pour avertir des unités de soldats qu’ils allaient être attaqués par le PKK, bien qu’il en ait été informé. L’Association des Juristes vient d’annoncer que plusieurs familles de soldats tués dans ces circonstances ont décidé de porter plainte pour négligence contre l’Etat-major (Zaman Today, 13.8.10). Un autre article publié le même jour, intitulé «Morts à Batman: déstabiliser le Sud-Est avant le référendum?», soulève les aspects troublants d’un attentat par mine anti-tanks dans lequel quatre Kurdes connus et respectés (avocat, défenseur de Droits de l’Homme, candidat parlementaire…) ont perdu la vie.
D’autre part, une foule d’informations est en train d’émerger qui renforce l’impression qu’il y a des éléments troubles à l’œuvre dans le PKK. Certains journaux s’interrogent sur la possibilité que le PKK joue un rôle de ‘sous-traitant’, ce qui pourrait expliquer pourquoi il y a un regain d’attaques à certains moments précis. Un commentaire dans Zaman Today (11.7.10), «La terreur peut-elle être sous-traitée?», se demande si le PKK agit seul ou s’il bénéficie d’un appui interne ou externe. Pour le ministre responsable des négociations avec l’UE, Egemen Bagis, cité dans cet article, «l’escalade d’actes violents perpétrés par l’organisation terroriste cherche à miner les réformes constitutionnelles proposées».
Une autre piste implique Israël, très fâché avec le gouvernement de l’AKP pour plusieurs raisons8, mais qui est un allié de l’armée avec laquelle il a une coopération étroite depuis des années (Zaman Today, 13.7.10).
Des révélations troublantes ont été faites par le quotidien Bugün du 19 juillet 2010. Il s’agit de conversations téléphoniques entre un officier et un collègue pilote de l’armée de l’air9. Le lieutenant Firat Ç. demande au pilote qui est sur le front contre le PKK dans le sud-est de la Turquie d’abattre des Herons (drones) qui avaient été envoyés bombarder des positions du PKK ou alors de changer leur plan de vol. Pourquoi? Le lieutenant Firat Ç. se réfère aux militants du PKK comme «les nôtres»…
«De plus en plus de Kurdes se demandent si ‘l’Etat profond’ (Ergenekon etc.) n’aurait pas un pendant de leur côté qui cherche délibérément à faire couler du sang afin d’accroître la tension» (Zaman Today, 13.8.10).

Ouverture démocratique?

Ce qui semble certain, c’est qu’un nombre important de Kurdes a «pris le chemin des montagnes» ces derniers mois, dégoûté par plusieurs provocations perpétrées par l’armée. Il s’agit entre autres de la mutilation post mortem de cadavres de guérilleros tués. Il y a aussi le sentiment que «l’ouverture démocratique» envers les Kurdes lancée par le gouvernement en juillet 2009 est devenue un trompe-l’œil.
Quelques mesures, impensables il y a cinq ans, ont certes été prises, comme l’autorisation d’une chaîne de télévision d’Etat en langue kurde ainsi que de 14 stations de radio et télévision privées; la création d’une faculté de Langues vivantes à l’université de Mardin où les cours en kurde démarreront en septembre 2010; l’autorisation de tenir des meetings politiques en kurde (ce qui a eu comme conséquence de mettre un terme à des centaines d’inculpations contre des politiciens kurdes), de parler kurde dans les prisons…
Mais, parallèlement, plusieurs événements ont mis les Kurdes en colère, en particulier l’interdiction en décembre par la Cour Constitutionnelle du DTP, l’unique parti kurde légal, et deux grandes vagues d’arrestations de Kurdes. La première vague a concerné environ 1.500 politiciens et fonctionnaires du parti kurde DTP/BDP. Le procès contre 151 d’entre eux, dont le maire de Diyarbakir, a débuté le 13 juin dernier. La deuxième vague a touché plus de 4.000 enfants et adolescents kurdes accusés d’avoir jeté des pierres ou fait d’autres gestes considérés comme provocateurs lors de manifestations. Plus de 2.700 d’entre eux ont été condamnés à des peines de prison, parfois très lourdes.
Vu la Constitution et la législation dont le gouvernement a hérité, et vu le caractère kémaliste de l’armée, des forces de l’ordre et des juges, il est sans doute vrai que beaucoup d’actions de ce type se font en dehors de la volonté du gouvernement. Face à la vague de protestations suite aux arrestations des enfants kurdes, le gouvernement a amendé la législation, ce qui a permis la libération d’une partie des enfants.

Le référendum

Le Parti de la paix et de la démocratie (BDP), principale formation politique kurde légale, a appelé à ne pas participer au référendum du 12 septembre. La minorité kurde est la grande perdante de la réforme constitutionnelle turque, estime le quotidien suisse Neue Zürcher Zeitung: «Aucun des paragraphes restreignant les droits de la plus grande minorité du pays n’est modifié. Malgré certaines améliorations ces derniers temps, il n’y a toujours aucun cours en langue kurde à l’école. L’emploi du kurde au sein des administrations locales reste interdit. Le gouvernement recule également devant le changement du paragraphe 66 de la Constitution. D’après celui-ci, ‘toute personne liée à l’Etat turc par le lien de la nationalité est turque’ et donc les Kurdes également. Tant que le gouvernement refusera de remplacer le mot ‘Turc’ par la notion ‘citoyen turc’ et d’améliorer la position juridique des minorités, les nombreuses concessions aux normes européennes resteront vides de sens.» (09.07.2010)
D’autres Kurdes considèrent que la réforme constitutionnelle, bien qu’insuffisante, va dans le bon sens10. Ferhat Kentel le pense aussi: «Il faut soutenir cette réforme avec le slogan ‘ça ne suffit pas, mais oui’. Un très grand pourcentage des Kurdes dira oui, parce que ce sont quand même eux qui ont souffert le plus du coup d’Etat, avec la prison de Diyarbakir où c’était l’horreur absolue».11
Les quelques semaines précédant le 12 septembre seront donc cruciales. Les forces réactionnaires et nationalistes réussiront-elles à créer les conditions qui empêcheront l’approbation des réformes de la Constitution? Ou bien l’alliance hétéroclite cherchant à ouvrir la société turque saura-t-elle poursuivre et renforcer cette tendance déjà bien entamée?

  1. Selon Selami Varlik, journaliste à Zaman France, la Direction des Affaires Religieuses, une officine qui dépend de l’Etat, envoie chaque semaine aux imams les sermons qu’ils doivent prêcher aux fidèles.
  2. Il est peu connu que l’armée turque possède un énorme empire économique et industriel, dénommé OYAK (Centre d’Assistance aux Forces Armées), qui englobe 60 entreprises dans des domaines très divers: automobile, ciment, fer et acier, énergie, mines, finance, agro-alimentaire, construction, transports, sécurité privée, informatique… Cet empire a su bien profiter de ses relations privilégiées avec l’Etat (voir Zaman Today, 8.8.10).
  3. Glaive en italien, cette structure clandestine de l’OTAN a été mise en place dès le lendemain de la Seconde Guerre mondiale sous l’égide de la CIA et du MI6. Sa fonction était de «rester derrière» en cas d’invasion soviétique, afin de mener une guerre de partisans. Dans cet objectif, des caches d’armes étaient disposées un peu partout. Pour plusieurs auteurs, Gladio est impliqué dans différentes actions violentes des années de plomb italiennes.
  4. Cet article se réfère à deux journaux qui, bien qu’ils soient de bords politiques différentes, ont mené la campagne de dénonciation de scandales tels que Ergenekon: Taraf (gauche) et Zaman (proche de l’AKP). Pour des informations en français utiles et exhaustives, consultez http://www.info-turk.be./
  5. L’AKP voulait proposer une Constitution entièrement nouvelle quand il est arrivé au pouvoir en 2002, mais n’a pas obtenu d’appui suffisant. Les réformes proposées actuellement ne sont que partielles, mais le premier ministre vient d’annoncer que son gouvernement lancera les débats nécessaires à l’élaboration d’une nouvelle Constitution s’il est reconduit dans les élections de 2011 (Zaman Today, 13.8.10).
  6. L’article 118 de la Constitution autorise l’armée à définir la politique de sécurité intérieure et extérieure, ainsi qu’à donner des «conseils» au gouvernement et au parlement…
  7. Le Parti des Travailleurs du Kurdistan créé en novembre 1978 par Abdullah Öcalan qui avait lancé une offensive en août 1984.
  8. Critiques fracassantes d’Erdogan contre Shimon Peres en pleine réunion à Davos par rapport à la guerre menée contre Gaza, les suites de l’affaire de la flottille humanitaire soutenue par le gouvernement…
  9. Ces conversations qui ont eu lieu en octobre 2007 ont été découvertes par le MIT – Organisation d’Intelligence Nationale. Le général Ilker Basbug, futur chef d’Etat-major, avait ordonné une enquête dont les conclusions n’ont jamais été rendues publiques.
  10. Bien sûr le CHP et le MHP appellent à voter contre les réformes.
  11. Dans les années 1990, la répression contre la population kurde a atteint une échelle effrayante avec, entre autres, l’évacuation puis la destruction totale de 3.000 à 4.000 villages, ce qui a contraint plus d’un million de Kurdes à partir.