Grande-Bretagne : Réveil difficile

9 mai 2010, publié à Archipel 157

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6 heures, par un froid matin d’automne, une jeune femme et ses deux enfants sont réveillés par des coups violents sur leur porte. C’est ce qu’ils redoutaient depuis des mois. Dehors, 8 à 10 grands gaillards agressifs. Dès qu’elle leur ouvre, ils l’arrêtent – elle n’a commis aucun crime – et lui ordonnent de faire ses bagages. Si elle n’avait pas ouvert, ils auraient défoncé la porte. Elle est terrorisée, ses enfants sont terrorisés. Ils les fourrent à l’arrière d’un fourgon et les conduisent à un complexe voisin où ils sont enfermés. Puis ils sont de nouveau fourrés dans le fourgon et conduits à une prison, à quelques heures de route de là. Bogota? Bagdhad?

Non, Bristol, en Grande-Bretagne.

Il s’agit de la procédure standard de «déplacement» d’une famille de demandeurs d’asile vers un centre de rétention.

A l’appel du Réseau No-Border, dans le cadre de la Journée Internationale des Migrants des Nations unies du 18 décembre, des activistes ont bloqué simultanément des «Immigration Reporting Centres» (Centres d’enregistrement de l’immigration), d’où partent les brigades qui appréhendent les requérants d’asile.

Arrivés sur place très tôt le matin, les activistes cherchaient à empêcher les agents de la police des étrangers d’opérer ces descentes matinales au cours desquelles des familles sont embarquées pour les renvoyer dans les pays qu’elles ont été obligées de fuir.

A Bristol, les activistes sont arrivés à temps pour s’enchaîner aux véhicules, après avoir surpris un officier de police qui déclarait qu’une arrestation matinale était effectivement prévue.

A Portsmouth, les activistes s’étaient enchaînés aux portails dès 4h30 du matin, ce qui a empêché une autre descente à l’aube. Ceux de Glasgow étaient en place à 5h30 lorsque les policiers sont arrivés. Ceux-ci n’ont pas pu quitter le parking dans leur fourgon vu qu’un tripode1 bloquait l’entrée tandis que d’autres personnes s’étaient attachées aux portails avec des antivols.

A Newcastle, c’est déguisés en Pères Noël que les activistes ont bloqué la sortie des véhicules de police: ils étaient attachés les uns aux autres par des menottes, à l’intérieur de tubes à bras.

Deux des activistes de Glasgow ont été «libérés» de leur antivol à la scie mais le tripode a continué d’empêcher efficacement la sortie de tout véhicule.

Il n’y a pas eu d’autres arrestations

A Manchester, les grilles de Dallas Court, le «Immigration Reporting Centre» local, ont été fermée avec une chaîne de moto et une banderole où on pouvait lire: «Attention – on vous regarde».

Plus tard, vers 10 heures, le hall d’entrée du ministère de l’Intérieur à Londres était bloqué par une grande banderole déclarant «Aucun enfant n’est illégal, la détention d’enfants est un délit» .

Pendant ce temps les militants de Nottingham faisaient campagne pour empêcher la déportation de Jane Mary Mutetsi, une Rwandaise qui avait fui vers la Grande-Bretagne, via l’Uganda, après que son mari eut été assassiné et elle-même violée et battue violemment par des soldats Rwandais, à la suite de quoi elle avait perdu un œil, l’ovaire gauche et plusieurs dents.

Jane Mary est menacée de déportation vers l’Ouganda, où il semblerait qu’elle soit recherchée par la police.

Ces descentes à l’aube visent des individus et des familles entières et se passent dans les grandes villes britanniques sans que le public en soit conscient. Elles sont entourées d’un maximum de discrétion et le gouvernement compte sur l’ignorance du public ou sur son indifférence envers ses brutalités.

Où est la couverture médiatique sur les 2.500 personnes actuellement emprisonnées sans avoir commis le moindre délit? Où est la couverture médiatique sur ces dizaines d’enfants, dont certains n’ont même pas un an, qui végètent en prison? Où est la couverture médiatique sur la situation réelle des requérants d’asile venus chez nous en quête de paix et de sécurité et qui n’ont trouvé qu’humiliations, insultes et arrestations. Qui ont été attaqués et traités comme moins que rien?

Ces centres sont partout dans le pays. Il n’existe pas de statistiques sur le nombre et la fréquence des descentes parce que le gouvernement refuse de fournir les chiffres mais le nombre de véhicules bloqués durant une seule matinée et les récits personnels bouleversants recueillis auprès des familles montrent qu’il s’agit d’une opération de grande envergure.

Ces descentes sont utilisées pour arrêter des familles entières avant que les membres de ces familles ne soient partis à l’école ou au travail. Chaque jour, des portes sont défoncées et des familles arrachées du lit pour rejoindre des centres de rétention où elles sont punies pour avoir tenté de chercher refuge dans notre pays.

Elles sont arrachées de leur maison, de leur travail, de leur école, de leur voisinage – de leur vie. A une heure où il n’y aura pas de témoin.

A ce jour, à par bien sûr quand les prisonniers déclanchent des émeutes dans les centres de rétention, les grands medias ont fort peu couvert cet aspect de la politique inhumaine d’immigration en Grande-Bretagne.

Liam Byrne, le ministre de l’Immigration, a admis que ces descentes s’opèrent sans préavis et aux petites heures du jour pour éviter que les familles sur le point d’être arrêtées ne s’attirent la sympathie du public.

Des activistes s’emploient sans relâche à s’attaquer au maillon faible du processus «d’enlèvement», les transports aériens.

En effet, jusqu’à récemment, les demandeurs d’asile étaient embarqués de force dans des avions transportant des passagers. Tandis que certains des requérants ont pu enrayer le processus d’expulsion en résistant, la plupart ont été expédiés vers un avenir incertain et dangereux, assis à côté de joviaux vacanciers en route pour un week-end «cut-price bargain citybreak».

Une compagnie aérienne, XL Airlines, a laissé tomber un contrat de 1,5 million de livres avec le ministère de l’Intérieur après qu’une action eut été organisée à Crawley, à l’occasion du Camp sur le changement climatique2, au cours de laquelle les pilotes et le personnel volant ont été informés par voie de tracts qu’ils emmenaient les gens vers la mort.

Les porte-parole de cette compagnie aérienne ont exprimé «leur sympathie pour les dépossédés du monde entier» mais ont fait valoir «qu’ils ne comprenaient pas la dimension politique » de ce type de charters! Il semblerait qu’ils avaient bien besoin d’un peu de pédagogie activiste, même si l’un des militants de Bradford a été depuis arrêté et passe en procès pour violation de propriété.

Une minuscule** compagnie autrichienne liée à des sociétés de sécurité britanniques, Asylum Airways, espère se glisser dans la niche libérée par XL Airlines en proposant au gouvernement britannique des avions avec des pièces rembourrées et des sièges conçus spécialement pour permettre d’attacher les prisonniers.

Il y a gros à parier que celui-ci va apprécier cette proposition à sa juste valeur.

Quant à eux, les activistes n’ont pas l’intention d’en rester à ces actions de décembre et les présentent plutôt comme le début d’une vague de résistance contre le régime raciste d’immigration en général et contre les descentes à l’aube, en particulier.

  1. construction à trois pieds, faite à partir de tubes d'échafaudage, à lquelle on se suspend

  2. voir Archipel No 154, "Un nouveau front climatique"

Source:

Schews Friday 11th January 2008,

http://www.schnews.org.uk

Voir aussi: No Borders -

www.noborders.org.uk