HAUT-PARLEUR : Appel à la résistance contre le Forum économique mondial

22 mars 2004, publié à Archipel 112

Du 21 au 25 janvier 2004 le Forum économique mondial (WEF) se réunira une fois de plus pour sa rencontre annuelle à Davos. Mais cette rencontre ne se déroulera pas aussi tranquillement que le souhaitent les grands pontes du WEF: ces dernières années, de plus en plus de personnes ont commencé à résister contre le WEF et à ses structures de pouvoir. Ces protestations vont se poursuivre en janvier 2004.

Le WEF – comme la totalité de la politique néolibérale – est entré en crise. Le WEF essaie de la surmonter en intégrant des Organisations non gouvernementales (ONG) et en proposant des forums de discussions publics pour se conférer ainsi une légitimité. En parallèle, les protestations sont rendues plus difficiles et criminalisées par le biais de mobilisations policières et militaires massives. Le Conseil fédéral prend sans réserve le parti du WEF et diffame toute personne critique en la qualifiant de «casseur violent» . Outre l’immense déploiement des forces policières de tous les cantons et d’Allemagne, l’intervention de soldats toujours plus nombreux contre la population est ainsi légitimée. Nous rejetons la militarisation des conflits imposée par les puissants, autant que nous rejetons le WEF lui-même. Il est légitime et nécessaire de s’opposer à la rencontre annuelle élitiste des plus puissants et influents dans l’arrière-pays davosien. Et il est possible d’empêcher les exploiteurs de cette planète de faire main basse sur l’ensemble des ressources et leur distribution. Ces dernières années, les milieux libertaires, communistes, féministes et autonomes, mais également de nombreux mouvements œcuméniques, écologiques, syndicaux et de défense des droits humains en Suisse et dans les pays voisins, se sont organisés pour empêcher la tenue du WEF et s’opposer à la politique qu’il propage.

Malgré les interdictions et la criminalisation des mouvements, il y a toujours eu au cours de ces dix dernières années des manifestations réussies à Davos. En janvier 2002, nous avons chassé le WEF à New York. En janvier 2003, malgré une pression énorme, nous avons prouvé notre solidarité en refusant les contrôles d’identité dans les couloirs de Fideris. Le samedi 24 janvier, il y aura probablement de nouveau une manifestation à Davos. Comme les autorités n’ont pas l’intention d’autoriser une contestation sans que des obligations absurdes soient respectées, une grande manifestation accessible à tou-te-s à Davos est de fait rendue impossible. C’est pourquoi en janvier 04 différentes manifestations contre le WEF auront également lieu en dehors de Davos, notamment à Coire.

World Exploitation Forum

Le WEF est une fondation dont le siège est à Genève. En sont membres les 1.000 plus grosses multinationales du monde. Le WEF est ainsi le lobby des entreprises les plus puissantes, dont le but suprême est le profit maximum. Fin janvier le WEF se réunit à Davos depuis 1971. En plus des membres des conseils d’administration et des top managers des entreprises membres, une sélection triée sur le volet de chefs d’Etat, de scientifiques, rédacteurs/trices en chef, artistes et quelques représentant-e-s d’ONG y est également invitée. En tout, 3.000 participants et très peu de participantes se réunissent fin janvier, tou-te-s honoré-e-s du titre de «global leaders» par l’invitation personnelle du fondateur et grand gourou du WEF, Klaus Schwab. Ils sont accompagné-e-s par des milliers de gens en armes de tout acabit.

Le WEF est l’un des «think tanks» de la globalisation néolibérale. Lors de la rencontre annuelle à Davos, grande messe du capitalisme, les participant-e-s abordent d’une part toute une série de thèmes lors des sessions, d’autre part les politicien-ne-s et les représentants de l’économie les plus influents, de plus en plus fréquemment accompagnés de stars de l’industrie du divertissement, ont l’occasion de se pâmer dans la lumière des flash des médias. Mais ce qui fait le succès et la signification du WEF, ce ne sont pas les rencontres devant les caméras ou les discussions lors des sessions, mais les rencontres informelles des partenaires de business dans les arrières-salles, les bars et – pourquoi pas – dans les saunas des hôtels. Là, des stratégies et des plans de gouvernance et d’exploitation du monde sont concoctés et des accords passés quant aux marchés les plus rentables. Ainsi sont créées les conditions préalables pour des plans d’action qui seront plus tard repris par les institutions de Bretton Woods (FMI, Banque Mondiale), de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ou des gouvernements.

Le WEF regroupe en son sein un pouvoir structurel énorme qui garantit les intérêts des «global leaders» à tous les niveaux: l’appropriation des moyens de production pour les plus nantis, l’exploitation des ressources naturelles dans l’intérêt des directions des multinationales sans égard pour les conséquences écologiques, la reconstruction des économies et infrastructures détruites par les guerres impérialistes, l’élimination «d’obstacles commerciaux» tels que l’organisation syndicale, et l’appropriation du travail des femmes. Patriarcat et capitalisme étant fortement liés, on comprend mieux pourquoi les femmes sont si peu représentées au WEF. Il leur reste le nettoyage des chambres d’hôtel ou la prostitution de luxe au service de ces messieurs du WEF.

Quelques thèmes qui seront ou ont été traités

  • lancement de l’Uruguay Round du GATT (The General Agreement on Tariffs and Trade), qui a abouti à la création de l’OMC (Organisation mondiale du commerce);

  • le WEF a rendu possible les discussions préliminaires en vue de créer l’ALENA (Accord de libre-échange Nord-américain) qui est la pierre angulaire dans le processus global de libéralisation en Amérique du Nord. C’est lors de son introduction que se sont soulevé-e-s les Zapatistes le 1er janvier 1994 (ils fêteront en janvier les 10 ans de leur insurrection contre le néolibéralisme et pour l’humanité);

  • des discussions quant à la réalisation (jusqu’à présent tenue en échec) de l’AMI (Accord multilatéral sur l’investissement);

  • la privatisation de l’eau, et la répartition des droits de son utilisation. Des sources jusqu’alors publiques sont privatisées. De grandes multinationales comme Nestlé, dont le siège est à Vevey, sont en train de s’assurer leurs parts de sources d’eau au niveau mondial (comme ça s’est passé à Cochabamba en Bolivie, mais le peuple s’est soulevé et la gouvernement a dû reculer);

  • la privatisation de l’éducation et de la formation: voilà deux secteurs économiques aux mains de collectivités (Etat, ville, quartier...) qui ne dégagent aucun profit économique. Passée entre les mains de l’économie concurrentielle, la gestion de ces deux secteurs sera soumise au critère principal de notre époque: la rentabilité maximale, des économies sur la qualité des services et une inégalité d’accès au savoir de plus en plus marquée;

  • le lancement et la consolidation des plans «Colombia» et «Puebla Panama» qui contiennent entre autres la libéralisation continue de l’économie, la militarisation de la société et simultanément la destruction de la prévoyance sociale au Mexique, en Amérique centrale et en Colombie;

  • différents projets de barrages immenses comme GAP (en Turquie), Narmada (en Inde), Bio Bio (au Chili) signifiant le déplacement de milliers de personnes et une intervention massive sur l’environnement (le profit de toutes ces affaires ne revenant évidemment pas à l’économie locale, mais retournant dans les pays riches);

  • les acquis sociaux sont un frein à la rentabilité. Nous voyons depuis quelques années les résultats des luttes du début du siècle remis en cause: hausse de l’âge de la retraite, réduction des allocations de chômage.

Good Bye, Mister Schwab

Depuis dix ans le WEF à Davos est confronté à des manifestations et une critique croissantes. Le mouvement de protestation internationale qui s’est développé durant cette période ne peut plus être ignoré. Acculés à se légitimer et confrontés à la revendication de la dissolution de leur club, les dirigeants genevois du WEF ont réagi avec une stratégie d’intégration. La nouvelle formule magique s’appelle «Dialogue» et se matérialise dans «l’Open Forum» mis sur pied par les relations publiques du WEF. Parallèlement à la rencontre annuelle dans le bunker du centre de congrès de Davos, quelques «Global Leaders» de l’économie dialoguent maintenant dans l’Aula de l’école secondaire avec des milieux prétendument critiques provenant des ONG et de l’église. La population de Davos et les journalistes des médias bourgeois ont le droit de servir de public. Pour la première fois le WEF a organisé l’Open Forum lors de la rencontre de l’année passée, sous le nom prometteur de «Building Trust» (bâtir la confiance). L’Open Forum veut suggérer que seront exclusivement prises au sérieux les ONG qui se plient à toutes les conditions du WEF, à savoir jouer les faire-valoir et être prêtes à devenir des partenaires de dialogue pour rétablir l’image mise à mal du WEF.

Nous continuerons à placer notre confiance dans les luttes sociales et dans les structures auto-organisées. La répartition des richesses ne sera pas atteinte par un dialogue avec les messieurs les plus riches et puissants du monde en les priant de laisser quelques miettes supplémentaires pour les plus pauvres.

Le WEF est un club élitiste qui n’a aucune légitimité démocratique ou sociale et qui doit être anéanti! C’est pour cela que nous refusons le dialogue avec le WEF et appelons toutes les organisations d’entraide, de solidarité, de femmes, écologistes, oecuméniques et les syndicats à refuser les offres de dialogue de la part des responsables du WEF et à boycotter l’Open Forum. Participons plutôt aux actions de protestations diverses qui ont comme but un autre monde!

Coordination anti-OMC de Suisse*

Bloquons le WEF!

Nous pensons que des manifestations contre le WEF sont importantes et méritent notre soutien, même si elles ont lieu loin du rendez-vous des «global leaders» autoproclamés. Il ne nous suffit pourtant pas d’exprimer ainsi notre mépris envers les entreprises transnationales membres du WEF, qui sont de plus en plus impliquées dans toutes les décisions prises dans les sphères politiques, géographiques et sociales de la planète.

Pour faire un pas supplémentaire et déranger durablement le WEF, nous appelons également à des actions de blocages. Nous le faisons en tant que membre du «réseau de blocages Mafalda» qui rassemble de nombreux groupes différents sur une base d’action commune. Le mercredi 21 janvier, jour d’ouverture de la rencontre du WEF, nous voulons bloquer les routes utilisées par les participant-e-s du WEF et retarder aussi longtemps que possible leur arrivée à Davos. La majorité des 3.000 participant-e-s au WEF va se rendre à Davos via l’aéroport de Zurich-Kloten. De là, la plupart d’entre eux/elles continuent leur chemin en limousines, cars, et en hélicoptères pour les personnages les plus «importants». (…)

Devenez active/f et regroupez-vous pour créer ou rejoindre des blocages. Organisez-vous localement et/ou participez aux réunions de préparation qui auront lieu un peu partout en Suisse. Participez à la construction d’un réseau de coordination et de communication. Plus il y aura d’actions liées, plus nos blocages seront forts et divers.

Réseau de blocages Mafalda

* Pour plus d’infos: www.anti-wto.ch, www.blockadenetz.ch,

www.no-wef.ch.vu, www.indymedia.ch