Terre aTerre: Liberté pour la diversité

de Heike Schiebeck (Longo maï), 10 août 2010, publié à Archipel 183

Déclaration de Graz

Du 25 au 27 mars 2010, à Graz en Autriche, 160 représentant-e-s de réseaux travaillant sur les semences se sont réunis pour la 5ème rencontre européenne sur les semences «,».

Venu-e-s de plus de vingt pays différents, certains sont engagés dans des actions pour le maintien, l’utilisation et la distribution d’une plus grande diversité de plantes cultivées, d’autres dans des collectifs, d’autres encore sont jardinier-e-s, éleveur-se-s ou paysan-ne-s.Pour la première fois, dans le cadre de ces rencontres, des discussions ont été menées sur le maintien de la diversité des animaux d’élevage, car là aussi l’érosion des ressources génétiques est bien avancée.

La déclaration

Chaque être humain a droit à l’alimentation nécessaire à assurer sa subsistance. Ce droit humain inclut l’accès aux ressources de production dont les semences sont un maillon essentiel.
La souveraineté alimentaire n’est accessible sur le long terme que grâce à une agriculture écologique et culturellement vivante basée sur le maintien et le développement par les communautés de variétés localement adaptées. En effet, depuis des millénaires, dans le monde entier, des femmes et des hommes créent la diversité des plantes cultivées et des animaux d’élevage. Dans des processus de réciprocité entre l’homme et la nature, au fil du temps et des pérégrinations, une riche diversité bio-culturelle a vu le jour. Que les humains du monde entier puissent en disposer nous paraît être la base de la subsistance et de la souveraineté alimentaire des peuples. Cette biodiversité est une partie élémentaire du droit des hommes à se nourrir; elle représente un bien commun et doit appartenir à tout le monde.
Nous défendons le droit des paysans, et de tous ceux qui cultivent des plantes de produire des semences issues de leurs propres cultures, de les sélectionner et de les diffuser librement.
Aujourd’hui ce droit fondamental est bafoué et la révision en cours des lois européennes sur les semences menace de le réduire encore plus.
Dix multinationales contrôlent à ce jour 67% du marché mondial de la semence. Elles exigent un élargissement de leurs droits de propriété intellectuelle pour augmenter encore davantage leurs profits en imposant au monde entier leurs variétés industrielles. En revanche, les variétés rustiques, exemptes de droit et reproductibles, sont systématiquement éliminées du marché.
Mais ce ne sont pas ces multinationales qui vont à l’avenir nourrir la population mondiale; bien au contraire, pour garantir une sécurité alimentaire, nous avons besoin d’une diversité de structures paysannes et de jardins dans lesquels sont maintenues et développées des variétés rustiques1.
Aujourd’hui encore, les trois quarts des paysans du monde échangent ou vendent leurs propres semences.
Avec la législation européenne, des variétés anciennes et régionales vont être cantonnées dans une marginalité contrôlée, voire totalement illégales.
Nous revendiquons l’interdiction totale des brevets sur les plantes et les animaux, y compris sur leurs caractères, propriétés et gènes, ainsi que sur les méthodes de sélection. Nous réclamons également la réduction du contrôle des multinationales sur la biodiversité.
Il faut empêcher que continue le pillage éhonté des bases de l’alimentation mondiale.
Un véritable tournant ne pourra avoir lieu qu’à partir du moment où l’Europe changera radicalement sa politique alimentaire, commerciale et agricole, et lorsque les droits des paysans seront respectés comme énoncé dans le traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture.2

Nous revendiquons:

Le droit de produire les semences à partir de nos propres récoltes, de les ressemer, de les donner et de les vendre;
Un soutien à tous les acteurs de la sélection de variétés rustiques et reproductibles, pour encourager l’accroissement de la diversité variétale dans toutes les régions du monde;
L’interdiction de l’utilisation du génie génétique dans l’agriculture;
L’interdiction sans exception des brevets sur les plantes et les animaux, leurs caractères, propriétés et gènes, ainsi que sur les méthodes de sélection;
Une nouvelle politique agricole qui ne soit plus au service des grandes exploitations et de la monoculture, mais qui soutient au contraire des fermes pratiquant la polyculture sur un mode écologique.
Ces revendications s’adressent aux gouvernements et aux institutions européennes.
Les participant-e-s à la 5ème rencontre européenne sur les semences à Graz le 27 mars 2010

  1. http://www.fao.org/legal/treaties/033t-f.htm

  2. Conclusion du rapport final du IAASTD (conseil mondial de l’agriculture)

http://www.agassessment.org/docs/SR_Exec_Sum_280508_French.pdf