TERRE A TERRE : Semer l’avenir Récolter la diversité!

de Heike Schiebeck Longo maï, 13 mars 2010, publié à Archipel 178

La 5ème rencontre du réseau européen de semences «Libérons la Diversité!» se tiendra à Volkshaus, Graz, Autriche, du 25 au 27 mars prochain.

Au cours du siècle dernier, l’industrialisation de l’agriculture a fait disparaître 80% des plantes cultivées. Dans un premier temps, l’introduction de variétés hybrides associées aux pesticides et aux engrais chimiques augmente les rendements agricoles. Mais ces semences ne sont pas reproductibles, dès la 2ème génération elles n’ont plus leurs caractéristiques, signifiant pour les paysannes et paysans la perte d’une partie de leur indépendance. Ils ne peuvent plus ressemer les graines issues de leur récolte et doivent chaque année acheter de nouvelles semences. Dans de nombreux pays du Sud, les gens continuent à cultiver les variétés localement adaptées, qu’ils ont eux-mêmes sélectionnées, et les propagent par l’échange. Aujourd’hui, les grandes firmes semencières des pays industrialisés du Nord s’efforcent par tous les moyens de conquérir le marché avec les plantes OGM et hybrides. En Europe, les variétés cultivées non conformes aux normes de certification ont disparu du marché, elles sont de moins en moins présentes dans les champs et les jardins. Ces variétés régionales et de conservation sont plus goûteuses et nutritives que les variétés industrielles; de plus, leur diversité intravariétale leur permet de s’adapter à des conditions climatiques changeantes, ce qui leur fait regagner aujourd’hui une certaine importance. La conservation des variétés anciennes n’est pas un passe-temps romantique, elle est déterminante pour la survie de l’humanité. Des collectifs et des associations de plusieurs pays européens sont engagés depuis seulement 20 ans pour la défense de variétés de légumes, de pommes de terre, de fruits et de céréales menacées. Elles se sont réunies pour la première fois en 2005 à Poitiers (France), et depuis elles se rencontrent chaque année pour une coordination du réseau. La prochaine rencontre se tiendra à Graz (Autriche) en mars 2010. Ces groupes de sauvegarde des semences, tous opposés aux OGM, ont des formes d’organisation très diverses. Ils ont en commun leur engagement pour le maintien de la biodiversité en semant des variétés anciennes non enregistrées au jardin et aux champs. Cette diversité disparaît en Europe depuis l’entrée en vigueur au début des années 60 des premières lois sur les semences et l’introduction des COV (Certificats des Obtentions Végétales). Entre-temps des multinationales semencières comme Bayer, Syngenta et Monsanto dominent les 2/3 du marché des semences. Elles sont étroitement liées aux grandes firmes de l’agrochimie, parfois ce sont les mêmes. La culture, l’échange et la vente de variétés non enregistrées ont été interdits pour laisser à terme tout le marché aux multinationales. En France, l’association Kokopelli a été condamnée il y a deux ans à une amende de 20.000 euros pour vente de semences illégales. La commission européenne est en train de remanier sa législation sur les semences. Avec le slogan «Better regulation» elle veut unifier les directives et réduire la bureaucratie. Louables intentions, mais tous les signes indiquent cependant que les multinationales profitent de l’occasion pour étendre toujours plus leur domination. Les nouvelles directives de l’UE entravent ou interdisent la diffusion des variétés de conservation en imposant des limites géographiques et des quotas. Les collectifs venus des différents pays d’Europe défendent le droit paysan de semer, échanger, vendre et donner ses propres semences. La rencontre de mars 2010 à Graz sera l’occasion de mener des discussions sur la révision en cours de la législation de l’UE, et de réfléchir sur la mise en place du réseau de résistance au niveau européen. Nous insisterons sur les initiatives existantes en Europe de l’Est et du Sud, où, contrairement à ce qui se passe en Europe de l’Ouest, les variétés régionales sont privilégiées. Cette rencontre européenne comportera sept groupes de travail: Atelier 1: Révision des lois européennes sur les semences: échanges d’expériences sur l’application des directives pour les variétés de conservation et les interdictions de culture; position commune; actions à mener auprès des instances nationales et européennes, la FAO, le TIRPA*. Atelier 2: Les semences en Europe de l’Est: rapports de Slovénie, Hongrie, Roumanie, Turquie, ... Quelles sont les menaces sur la diversité végétale existante? Qui utilise les semences paysannes et qui les défend? Atelier 3: Elevage: vaccination obligatoire, course au productivisme, réduction des critères de sélection et du nombre des races: comment voulons-nous élever nos animaux? Selon quels critères de sélection? Quelles résistances mettons-nous en place à travers l’Europe? Atelier 4: Quelles sont les actions et campagnes en cours concernant la révision de la législation sur les semences dans les différents pays? Présentation de la campagne «Semer l’avenir – récolter la diversité». Atelier 5: Brevetage et alternatives: le brevetage des semences et les COV restreignent progressivement les droits des paysans et le travail de sélection. Nous voulons informer sur des cas actuels de brevetage et présenter des alternatives.

Atelier 6: Semences et migration: la diversité pour tous? Les migrants ont souvent emporté avec eux dans leur exil leurs variétés préférées. Sans eux nos repas de tous les jours seraient bien fades. Apportez vos expériences, vos exemples et vos idées pour multiplier ensemble nos semences et notre ouverture sur le monde. Atelier 7: Pratiques agricoles: les monocultures, l’utilisation intensive de produits chimiques et la spécialisation sur quelques variétés industrielles détruisent la diversité naturelle et cultivée. Quelles méthodes de production pour le maintien de la biodiversité? Une traduction simultanée sera assurée en allemand, anglais, français et espagnol. Le vendredi 28 mars 2006, dans le parc «Augarten» de Graz, se tiendra un marché de la biodiversité avec des stands de semences, d’information, de présentation et de vente, ainsi que des expos, des workshops, de la musique et diverses dégustations. Pour toucher l’opinion publique avec ce thème «semer l’avenir», la Compagnie MaiMun jouera des scènes de théâtre de rue et déambulera sur des échasses. La visite d’une ferme bio et productrice de semences près de Graz clôturera la rencontre. Cette 5ème rencontre des semences est préparée conjointement par quatre associations autrichiennes: Arche Noah, ÖBV (Union des Paysans Autrichiens)/Via Campesina Autriche, Longo maï et l’association culturelle Compagnie MaiMun.

Vous trouverez davantage d’informations et le programme complet dans les différentes langues sur le site: www.liberate-diversity-Graz2010.org

Si vous souhaitez participer, veuillez contacter:

Info(at)liberate-diversity-graz2010.org

* Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'Agriculture.