Sauvez les Carpates - Pas de Jeux Olympiques d’hiver en Ukraine!
Cela fera bientôt quatre ans que nous vous informons régulièrement sur les menaces qui planent sur des massifs magnifiques dans les Carpates en Ukraine à cause de méga projets touristiques (1). En 2021, ce danger s’est confirmé avec plusieurs déclarations du Président et du Premier ministre qui expriment leur rêve d’accueillir les jeux olympiques d’hiver dans les Carpates (2). En septembre 2021, lors d’une visite du président du Comité International Olympique (CIO), Thomas Bach, à Kiev, le président Volodymyr Zelensky a annoncé son intention de déclencher le mécanisme de dépôt de demande officielle.
Le Bruno Manser-Fonds et le Forum Civique Européen ont donc pris l’initiative d’adresser une lettre ouverte* au Prince Albert II, président de la commission de la durabilité et de l’héritage du CIO. Ce courrier a été signé par une quarantaine d’organisations de plus de quinze pays(3).
Lettre ouverte
Nous, les organisations soussignées, vous écrivons pour vous faire part de notre vive inquiétude quant aux risques environnementaux et de corruption liés aux jeux olympiques d’hiver que le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a annoncé son intention d’organiser lors de discussions avec le président du CIO, Thomas Bach, lors de sa récente visite en Ukraine.
Nous craignons en particulier que les projets de construction massive actuellement prévus dans les Carpates ukrainiennes n’endommagent de manière irréversible l’une des dernières zones sauvages véritablement exceptionnelles d’Europe, dont certains sites du patrimoine mondial protégés par l’UNESCO.
Le gouvernement ukrainien se sert des discussions sur d’éventuels jeux d’hiver pour justifier des méga projets très dommageables liés aux intérêts d’oligarques, qui comportent des risques importants de destruction de l’environnement et de corruption. Ces projets ne représentent en aucun cas un développement durable. Et ils ne correspondent certainement pas aux idéaux olympiques.
Toutes les zones en question sont situées à moins de 2000 mètres d’altitude et ne sont donc pas adaptées à l’organisation de jeux d’hiver en période de changement climatique.
Les méga stations de ski prévues à Svydovets et à Borzhava ne reposent pas sur des infrastructures et des communautés existantes. Au contraire, elles seraient érigées au milieu de paysages largement vierges, dans un écosystème de montagne extrêmement fragile.
Des dizaines d’espèces végétales et animales menacées vivent dans ces zones d’une biodiversité exceptionnelle, dont un certain nombre d’espèces endémiques. Aujourd’hui encore, l’approvisionnement suffisant en eau est un sujet de préoccupation majeur dans la région. Une gestion équitable et équilibrée de l’eau serait une grande source de conflit avec les communautés locales, étant donné la consommation massive d’eau des stations.
En prévision de la construction des stations et de l’augmentation inévitable du prix des terrains, des dignitaires locaux et des personnes ayant des relations politiques ont déjà commencé à s’approprier illégalement des terrains dans les zones de construction prévues.
Dans le cadre des projets en cours concernant une immense station de ski dans le massif de Svydovets, dans la région de Yasinya, l’Ukraine ne respecte pas la convention d’Aarhus et la convention d’Espoo. En mars 2019, le secrétariat de la convention d’Espoo a ouvert un dossier sur cette question à la suite d’une plainte de la Hongrie. A ce jour, l’Ukraine n’a pas répondu officiellement aux questions soulevées par la Hongrie concernant l’impact environnemental transfrontalier du projet Svydovets.
Les plans de la station sont liés à des personnes dont les antécédents sont très douteux en termes de gouvernance et de respect des procédures.
Dans son dernier rapport annuel sur la mise en œuvre de l’accord d’association entre l’UE et l’Ukraine, adopté le 11 février 2021, le Parlement européen critique clairement le «projet illicite de station de ski à Svydovets» et «encourage l’Ukraine à investir dans une infrastructure touristique sûre et durable d’un point de vue écologique et environnemental et invite les autorités ukrainiennes à empêcher les projets futurs de nuire à l’environnement en améliorant le contrôle, la transparence et la mise en œuvre des analyses d’impact environnemental et du devoir de diligence».
Nous rappelons au CIO sa responsabilité globale en matière d’environnement, en particulier dans le cadre de la Convention des nations unies sur la Diversité Biologique (CDB). Nous demandons au CIO de soutenir la lutte mondiale contre la corruption conformément à la Convention des Nations Unies Contre la Corruption (CNUCC) et d’œuvrer en faveur de la durabilité et de la protection de l’environnement stipulées dans la charte olympique.
Pour les raisons susmentionnées, nous demandons au Comité olympique de cesser d’accorder au gouvernement ukrainien tout type de soutien pour ces projets hautement problématiques dans les Carpates et d’user de son influence pour le dissuader de causer des dommages irrémédiables à cette région montagneuse intacte. Nous vous remercions de votre attention. Cordialement,
Dr Lukas Straumann, Directeur du Bruno Manser-Fonds Nicholas Bell, Coordinateur international, FCE - France
- Envoyée à Prince Albert II, International Olympic Committee President, Sustainability and Legacy Commission, Château de Vidy, CH-1007 Lausanne Switzerland. Copie à Volodymyr Zelensky, Président de l’Ukraine, Thomas Bach, président du CIO, Inger Andersen, Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), Comité du patrimoine mondial de l’UNESCO, Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), Gouvernement hongrois.
- Notre premier article "Défnedre le massif Svydovets" a été publié dans l'ARchipel no. 265, février 2018
- "Obsession olympique", Archipel no. 302, avil 2021
- La liste des signataires: Biofuelwatch, GB; Blue Dalian, China; Biofuelwatch, GB; Earthsight, GB; Euronatur, D; Europäisches BürgerInnen Forum, CH; Fern, Belgien; Forum Ökologie und Papier, D; Friends of the Earth, Tschechien; Friends of the Earth, Niederlande; Friends of the Siberian Forests, Russland; Pro Regenwald, D; Protect our Forests, Schweden; Quercus, Portugal; Snow Alliance, China; Wolf Forest Protection Movement, Slowakei