MEXIQUE: Stop EDF. Non à l'écologie coloniale

de Stop EDF-Mexique, 19 déc. 2020, publié à Archipel 298

"L'Etat veut accéder à ces ressources (en l'occurrence ici le vent pour faire tourner les aérogénérateurs). Mais les indigènes se trouvent sur son passage, ils sont un obstacle à ses yeux. Donc c'est là qu'intervient l'idéologie de l'économie verte, car elle permet aux investisseurs de pénétrer plus facilement les territoires indigènes. Ils utilisent, comme partout, l'argument du combat contre le changement climatique pour légitimer leurs actions. Mais ne nous voilons pas la face, il s'agit d'abord pour ces investisseurs de ce faire de l'argent et d'investir dans cette nouvelle bulle des renouvelables, avec l'éolien et le solaire. Ils se sont donc rués dans l'isthme de Tehuantepec pour y construire d'énormes parcs éoliens." (1)

Stop EDF-Mexique est une campagne qui vise à dénoncer les projets éoliens destructeurs et colonialistes d'EDF dans l'isthme de Tehuantepec au Mexique, qui violent les droits des peuples autochtones et privatisent illégalement les terres communales. Cette campagne s'inscrit également dans une démarche de création d'un réseau protéiforme plus global contre "l'ordre électrique" et EDF car il n'existe pas de réelle "transition écologique et énergétique" ni d'énergie "verte" dans un système capitaliste, développementiste et colonialiste qui garde le monopole du réseau (solaire, éolien...) en n'ayant en tête que l'accumulation du profit au détriment du vivant et des droits des peuples.

Avec cette campagne, nous voulons

  • Donner des clefs de compréhension de la situation, en prenant pour base les voix des populations locales directement concernées, et rendre visibles, audibles, et compréhensibles par tous et toutes les mouvements de résistance à ces projets, pour mieux tisser des solidarités depuis la France et contribuer à stopper le dernier projet destructeur d'EDF en date
  • Alimenter les forces de l'imaginaire et de la résistance, en renouant avec des luttes qui font émerger d'autres mondes possibles. Les luttes des populations de l'isthme sont des luttes ancrées dans un territoire précis, certes loin de la France, mais qui démontrent quotidiennement qu'il existe des relations politiques possibles autres que celles de l'exploitation et de la domination.
  • Soutenir ces luttes, en portant leur combat jusqu'au pays actionnaire majoritaire d'EDF -la France- en recherchant collectivement des actions concrètes de solidarité pour freiner l'avancée de ce projet destructeur et en développant des moyens d'appui logistique en faveur des mouvements présents sur le terrain au Mexique.

L'approche des populations locales

La lutte menée sur place, on ne saurait mieux la véhiculer qu'en partageant leur propre approche et parole: Face au changement climatique, l'énergie éolienne est perçue dans le monde comme une mesure écologique et alternative. En d'autres termes, ce qui était censé être une transition écologique a, de fait, ouvert la brèche à tout un marché de crédits-carbone. […] Concrètement, je fais référence à la forme sous laquelle se déploie le capital français dans l'isthme de Tehuantepec, intensifiant ainsi une économie du crime qui trouve son reflet dans les assassinats, produits des conflits entre caciques locaux. A ce sujet, on peut affirmer de manière catégorique que le capital français fait bien partie de la violence structurelle qui s'exerce actuellement contre les peuples de l'Isthme […] Voilà la tragédie de l'énergie renouvelable, qui marche dans les traces d'un colonialisme qui bouscule de manière draconienne la vie des peuples indigènes. Cela se manifeste concrètement par l'appropriation de leurs territoires, la privatisation accélérée des terres communales, la division des communautés, la modification des paysages, l'assassinat des travailleurs, le meurtre systématique des femmes (le féminicide), la criminalisation des comuneros (1), hommes ou femmes, qui prennent la défense de la vie et du territoire, qu'ils fassent partie de l'Assemblée des peuples indigènes de l'Isthme pour la défense de la terre et du territoire, de l'Assemblée populaire du peuple de Juchitán ou encore de l'Assemblée des comuneros d'Unión Hidalgo, tous faisant partie du Congrès national indigène. Passer d'un régime de combustible fossile à un autre fondé sur l'énergie renouvelable pour sauver l'humanité ne devrait pas avoir pour coût la mort des peuples indiens. (Analyses et paroles de Josefa Contreras2 membre de la lutte et une camarade binniza de Oaxaca.)

Soutien

Nous souhaitons soutenir nos camarades de là-bas en relayant la lutte des populations locales contre ces mégaprojets au-delà des frontières du Mexique, en France. Nous avons été témoins de la présence massive de parcs éoliens industriels et des méfaits de cette industrie dans l'Isthme de Tehuantepec, Oaxaca, au sud du Mexique. À partir de là, les opposant.e.s locaux à cette industrie que nous avons rencontré.e.s, et en particulier au dernier projet de parc éolien promu par EDF, nous ont mis en relation et demandé du soutien depuis la France, afin de dénoncer la présence de l'entreprise française sur leurs terres. Il faut noter que le gouvernement français est l'un des actionnaires majeurs de EDF (à plus de 86%). L'actuel président de l'entreprise Jean-Bernard Lévy a été nommé à ce poste par François Hollande à l'époque, alors que E. Macron était ministre de l'Economie. Nous ne savons pas trop si c'est l'Etat qui dicte la politique d'EDF ou, plus sûrement, si c'est EDF qui dicte la politique de l'Etat français.

L'Isthme de Tehuantepec est convoité par les industries de l'éolien (3) depuis longtemps non seulement pour la force de ses vents mais aussi de ses ressources naturelles, que les multinationales prétendent exploiter massivement au sein d'une grande Zone Economique Spéciale (ZES). Facilité et réactivé par la réforme énergétique de 2014, actée pendant le mandat présidentiel de Peña Nieto, le projet faramineux du couloir interocéanique, el Corredor Transismico (4), s'inscrit dans la logique capitaliste de cette zone économique, prévoyant de relier sur plus de 280 km l'océan atlantique avec le port de Coatzacoalcos (Etat de Veracruz) et l'océan pacifique avec le port de Salina Cruz (Etat de Oaxaca). EDF est présent dans la région depuis 2009, au côté d'autres nombreuses entreprises européennes comptant au total 28 parcs éoliens, soit près de 2100 éoliennes à perte de vue! Et cela dans une zone qui représente un couloir migratoire des plus importants de la planète, par lequel transitent plus de 12 millions de différentes espèces d'oiseaux (5).

Depuis 2016, EDF Renouvelables tente avec sa filiale Eolicas de Oaxaca, d'imposer son quatrième parc, et obtient les accords et les permis de construction en 2017, sans aucun dialogue au préalable avec la communauté. Alors que trois parcs éoliens de la transnationale française sont déjà installés à Union Hidalgo, ou Ranchu Gubiña en langue Diidxazá du peuple Binnizá (zapothèque), une assemblée zapotèque de comunero, formée de paysan·nes, résiste sur le plan juridique et pacifiquement contre ce 4ème projet de parc éolien, nommé Gunaa Sicaru ou "jolie femme" en langue locale, comprenant 96 éoliennes et couvrant 4400 hectares de terres communales. Le Comité de Résistance de l'Assemblée de comunero d'Union Hidalgo a déjà dénoncé en 2019 l'entreprise française pour non-respect et reconnaissance du caractère communal de leur terres et les habitant·es s'organisent pour enrayer la dépossession généralisée de leurs territoires.

Pour ce qui est du dernier projet EDF, la voie juridique est l'un des différents moyens de lutte utilisés: un recours devant le tribunal judiciaire de Paris vient d'être déposé pour tenter de faire respecter le devoir de vigilance de l'entreprise. EDF est notamment accusée de violations des droits humains pour non-respect de la mise en place d'une consultation réellement "libre, préalable et informée", conformément à la Convention 169 de l'Organisation Internationale du Travail dont le Mexique fait partie. Après un ralentissement initial du projet grâce à un recours victorieux intenté par la communauté en 2018, l'entreprise a de nouveau pu reprendre son avancée et s'est lancée dans une phase de consultation en partenariat avec le Secrétariat de l'Energie (SENER). Or, celle-ci est vivement critiquée par les comuneros qui en dénoncent les modalités : caractère ultra-accéléré, manque d'informations claires et traduites en langues autochtones, corruption des participants, entre autres facteurs qui contribuent à fausser complètement le processus.

Ne laissons pas EDF poursuivre son expansion coloniale et dévastatrice en toute impunité! Pour en savoir plus concernant la campagne que nous menons contre l'entreprise EDF au Mexique, et pour nous rejoindre vous pouvez:

  • Prendre connaissance de la pétition en ligne "STOP EDF Mexique: NON à l'écologie coloniale!"
  • Suivre les avancées de cette campagne contre EDF sur notre page Facebook "STOP EDF Mexique"
  • Nous écrire ici: <stopedfmexique(chez)riseup.net>

Stop EDF-Mexique

  1. Membres de la communauté originelle (les chefs de famille) dont le territoire (ou terre communale) a été juridiquement reconnu par l'Etat.
  2. Extrait d'un entretien avec A. Dunlap, Doctorant au département d'anthropologie de la Vrije Universiteit, Amsterdam, disponible en entier sur https://lundi.am/Economie-verte-et-contre-insurrection. Toutes ses publications sont en libre accès sur https://uio.academia.edu/AlexanderDunlap0. Il a mené une recherche retraçant l'historique de l'économie verte et son lien direct avec les techniques de contre-insurrection, notamment dans l'Isthme de Tehuantepec où il a mené une enquête sur les impacts sociaux et politiques des parcs éoliens. Propos recueilis par l'Ambassada en 2018.
  3. https://douze.noblogs.org/la-lutte-transforme et https://lundi.am/L-accaparement-bureaucratique-des-terres-pour-une-colonisation-par-les.
  4. Extrait d'un texte traduit de Josefa Sanchez Contreras: https://lavoiedujaguar.net/Energie-renouvelable-et-genocide-Electricite-de-France-dans-l-isthme-de.
  5. Voir le film Le vent de la révolte, d'Alessi Dell' Umbria (2014).

Quelques références en plus: https://lundi.am/La-danse-de-la-mort-d-EDF-dans-le-sud-est-du-Mexique https://lavoiedujaguar.net/Suite-mexicaine-IV https://www.redalyc.org/pdf/294/29411994005.pdf http://www.grieta.org.mx/index.php/parques-eolicos/corredor-eolico-del-istmo-de-tehuantepec/ https://www.contralinea.com.mx/archivo-revista/2019/07/24/parques-eolicos-en-el-istmo-el-progreso-que-nunca-llego/