MIGRATIONS ET SOLIDARITE: Solidarité de la rencontre annuelle du FCE

11 oct. 2016, publié à Archipel 251

Nous étions réunis à plus de 400 personnes de différents collectifs, mouvements et associations des quatre coins du monde, cette semaine à Longo maï, près de Forcalquier, pour la Rencontre annuelle du Forum Civique Européen. Nous tenons à réagir fortement après les évènements des ces derniers jours sur la frontière franco-italienne.

Depuis des mois, les mesures de répression des migrant-e-s se renforcent, notamment à Vintimille. Le passage de la frontière franco-italienne est de plus en plus dur et la solidarité avec les réfugié-e-s toujours plus criminalisée. La tension est encore montée d’un cran cette semaine. Dans la nuit du 4 août 2016, environ 300 migrant-e-s ont décidé de quitter le centre de la Croix-Rouge italienne et de se diriger vers la frontière. Ils voulaient exiger collectivement son ouverture et la libération d’un de leurs compagnons placé en centre de rétention administrative dans le sud de l’Italie. Alors que la police italienne les évacuait violemment, plus de 200 personnes ont réussi à leur échapper. Elles sont parvenues à passer la frontière à la nage ou à pied, sous les charges et les tirs de gaz lacrymogènes de la police italienne d’un côté et française de l’autre. Après une chasse à l’homme dans plusieurs villes avoisinantes, plus de 144 migrants ont été arrêtés et maintenus en détention dans les containers de la Police aux Frontières (PAF) de Menton Garavan ou ramenés de force en Italie. La police française a empêché les journalistes de France 3 et de certains organes de presse de prendre des photos. Elle a détruit une partie de leur matériel pour tenter de cacher le fait qu’elle avait alors perdu le contrôle de la frontière. Au cours de ces évènements, 17 personnes parmi celles venues en soutien, notamment pour apporter de l’eau aux migrants massés au soleil, ont aussi été arrêtées, côtés italien et français. Comme cela se pratique de plus en plus couramment pour faire obstacle à la solidarité, 2 d’entre elles ont reçu des restrictions administratives de territoire: interdiction de se rendre dans les 16 communes de la province de Vintimille en tant qu’Italien, et interdiction de territoire italien pour 5 ans en tant qu’étrangers. Depuis, les soutiens no borders sont accusés dans les médias et par certains politiques d’avoir «encadré» et «fomenté la révolte». Depuis le congrès du Forum Civique Européen et en tant que personnes, collectifs et associations actifs aux côtés des migrant-e-s, nous voulons affirmer notre solidarité entière avec tous ceux qui sont actuellement détenus et chassés de chaque côté de la frontière. Nous voulons aussi participer à rétablir quelques vérités: contrairement à ce qu’impliquent certains réflexes de pensée nauséabonds, les migrant-e-s sont tout à fait à même de s’organiser de manière autonome pour tenter de passer la frontière et pour énoncer leurs revendications. Ils n’en ont tout simplement pas le choix après avoir enduré les plus grands risques pour arriver jusqu’ici et échapper aux guerres, à la pauvreté, et aux dégradations environnementales entraînées par les politiques postcoloniales et marchandes. Cette semaine, la police a été débordée à la frontière par une initiative collective des migrants. Ce n’est pas la première fois à Vintimille, et c’est une petite victoire face au renforcement des politiques racistes et sécuritaires que les migrant-e-s subissent de plein fouet. La mise en avant et la criminalisation des no borders, dans ce contexte, sert avant tout à invisibiliser l’initiative des migrants. En réalité, depuis un an, la multiplication des arrestations et des interdictions de territoires pour les soutiens rendent de plus en plus difficiles les manifestations de solidarité. Nous appelons néanmoins à continuer à agir en accord avec les revendications des migrants:

  • contre les frontières et pour la liberté de circulation, pour la possibilité de vivre là où ils le souhaitent et de rejoindre leurs proches;
  • contre les contrôles, persécutions, détentions et l’exercice du racisme d’Etat;
  • contre l’idéologie de la guerre, la militarisation et les politiques économiques qui les entraînent.

Des collectifs, associations et individus réunis à l’occasion de la rencontre annuelle du FCE

Fin août, une quarantaine de Soudanais-e-s étaient raflé-e-s devant le centre de la Croix-Rouge à Vintimille, direction le Soudan (Khartoum), ces personnes ont été reçues devant un juge et leur déportation a été validée en moins de 24h. Elles n’ont pas eu la possibilité de demander l’asile dans ce court délai. Elles auraient été «choisies» dans un lot de personnes refusant de déposer leurs empreintes en Italie, au centre de la Croix-Rouge.
Ces déportations font suite aux nouveaux accords entre l’Italie et le Soudan, autorisant la déportation de Soudanais-es en situation irrégulière sur le sol italien et feraient partie des nouveaux accords européens sur la gestion de la «crise migratoire».
On savait ces pratiques possibles via les accords UE/Turquie, mais il apparaît aujourd’hui clairement que l’Europe s’est dotée de moyens légaux pour pouvoir organiser ces déportations directement à partir du sol européen.
Aux dernieres nouvelles, il sem-blerait que des agents de l’Etat soudanais soient infiltrés dans les réseaux de migrants pour identifier les personnes recherchées par le régime de el-Bechir. A leur arrivée à Khartoum, une vingtaine des personnes déportées ont été placées en prison.
Ainsi le Soudan est considéré comme un «pays tiers d'origine sûr» selon les circulaires de l’UE. Le 5 août a été signé un mémorendum de compréhension entre le chef de la police italienne et son homologue soudanais. Gestion des flux migratoires et coopération policière (lutte contre le crime organisé, immigration irrégulière, trafic humain, contrefaçon de documents, corruption, crime financier) se confondent dans cet accord qui s’inscrit dans le processus de Khartoum et les accords de la Valette entre le Soudan et l’UE pour «lutter contre les causes profondes du phénomène migratoire».