Avec le succès du parti populiste de droite PiS lors des élections législatives, le pays risque de prendre un virage réactionnaire.
Les chasseurs de rats de droite pensent leur heure venue. Près de dix mille militants d’extrême droite se sont rassemblés le 11 novembre, jour de fête nationale, dans la ville de Wroclaw, à l’ouest de la Pologne, pour faire valoir au cours d’un défilé agressif la nouvelle force de leur mouvement. Selon le quotidien Gazeta Wyborcza, le défilé annuel de la droite polonaise à Varsovie ne serait «pas assez radical» pour les néonazis du Renouveau National Polonais (NOP) qui avait organisé la manifestation à Wroclaw. Par rapport à l’année précédente, le nombre de participants à la manifestation d’extrême droite à Wroclaw a augmenté d’environ 30%. Dans les rues de Varsovie il y avait environ trente cinq-mille manifestants de droite, de diverses orientations.
L’essor de l’extrême droite en Pologne est alimenté par le succès électoral très net du parti populiste de droite Parti du Droit et de la Justice (PiS – Prwo i Spawiedliwosc) qui a depuis toujours été bienveillant face à l’extrême droite et qui, de manière surprenante, a réussi à obtenir la majorité absolue lors des dernières élections fin octobre. Avec le PiS, ce sont des anciennes connaissances qui se sont de nouveau emparées des leviers du pouvoir. Les populistes de droite, autour du fondateur du parti Jaroslaw Kaczynski, avaient été entre 2005 et 2007 à la tête d’une coalition parsemée d’éléments cléricaux-fascistes, comme par exemple le ministre de l’Education nationale Roman Giertych (à l’époque président de la Ligue de la famille polonaise) qui met en doute la validité de la théorie de l’évolution.
Ce retour en arrière vers un passé politique qui avait été dominé par des forces nationalistes et autoritaires semble incompréhensible de la part de la Pologne, au vu du développement économique de ce pays post socialiste. La Pologne est un des rares pays d’Europe qui a pu éviter une récession lors de la crise économique mondiale de 2008/2009, et qui continue à profiter d’une croissance solide ainsi que d’une réduction sensible du nombre de chômeurs. Mais les chiffres officiels qui sont souvent cités également à l’Ouest pour faire de la Pologne «l’élève modèle» du succès néolibéral, cachent les tensions sociales énormes du pays – surtout si on tient compte du fait que la baisse du chômage, suite à l’adhésion à l’Union européenne, est principalement due à l’émigration massive de main-d’œuvre hors de la Pologne. Face à une classe moyenne urbaine en pleine expansion, on trouve une grande couche de la population, socialement dépendante et appauvrie. A travers un programme de vastes promesses sociales, telles que celles d’augmenter le salaire minimum ou de baisser l’âge de départ à la retraite, le PiS a réussi à s’adresser à cette couche de la population.
La démagogie sociale des populistes de droite polonais a si bien fonctionné qu’ils ont réussi à faire échouer les sociaux-démocrates, avec leur déformation néolibérale, qui s’étaient présentés sous l’étiquette de la «gauche unie», et qui ont raté de peu le seuil des 8% requis pour l’entrée au parlement de coalitions. Ainsi les 37,5% obtenus par le PiS lui ont suffi pour avoir la majorité absolue au Sejm, le parlement polonais. Outre la démagogie sociale, c’était également la promotion massive d’un programme xénophobe qui a permis la renaissance de la droite polonaise. Ce n’était pas uniquement des nazis polonais et des cléricaux-fascistes qui, au cours de manifestations, ont protesté contre l’accueil de réfugiés musulmans; pendant la campagne électorale, la direction du PiS a massivement attisé l’hystérie anti-islamiste, des membres influents du parti mettant en garde contre le risque des terroristes islamistes ainsi que la propagation, par des réfugiés, de maladies.
Au niveau de la politique intérieure le PiS veut promouvoir le changement réactionnaire annoncé avec un retour aux valeurs chrétiennes et conservatrices ainsi que par la transformation du système parlementaire polonais en une démocratie autoritaire du type présidentiel. Au niveau international, le nouveau gouvernement de droite veut agir avec plus de fierté, revendiquer plus fortement la souveraineté nationale face à Bruxelles, et se défaire de la forte dépendance face à Berlin qui avait été pratiquée par la plateforme civique néolibérale. Le PiS va durcir le ton face à Moscou et va, comme lors de sa première participation au gouvernement, chercher une alliance géopolitique étroite avec les Etats-Unis. Le nouveau ministre de la Défense polonais, Antoni Macierewicz, illustre parfaitement ce changement de cap qui revient à un retour vers l’ancienne politique belliciste du PiS. Macierewicz ne remet pas en cause publiquement la théorie de l’évolution, mais il profère ouvertement des théories conspirationnistes loufoques selon lesquelles l’accident de l’avion présidentiel en 2010 à Smolensk au cours duquel le président polonais de l’époque, Lech Kaczynski, ainsi que 94 autres représentants de l’Etat trouvèrent la mort, aurait été, en fait, un attentat perpétré par les Russes.