POLOGNE: A propos de l'histoire de la paysannerie

de Nicholas Bell - FCE France, 21 mars 2010, publié à Archipel 110

Agniezska Nowakowska : "Les paysans polonais n'ont jamais été considérés de façon péjorative. C'étaient eux qui nourrissaient la Pologne et qui la défendaient, en participant très souvent aux batailles, aux insurrections. C'est vrai, d'autre part, que le statut d'agriculteur aujourd'hui n'apporte pas de promotion sociale et que le travail est très dur.


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Jusqu'à la deuxième guerre mondiale les paysans avaient leur voix, leur mot à dire sur la politique agricole. Ils étaient invités à participer à la vie politique. Les communistes sont arrivés au pouvoir en 1947 par des élections qu'on dit maintenant avoir été falsifiées. Ils ont complètement détruit le parti paysan et pendant tout le temps de la collectivisation et de la domination soviétique, les paysans étaient écartés de la vie politique. En plus, ils étaient obligés de livrer leur production à des prix qui ne leur rapportaient rien. Il y avait vraiment une politique anti-paysannerie qui a fait que par la suite les paysans se sont renfermés sur eux-mêmes. Ils n'avaient plus envie de participer à la vie politique, car ils étaient toujours perdants.

Maintenant, quand le gouvernement commence à parler de la modernisation de l'agriculture, les paysans ont de nouveau l'impression qu'on prépare quelque chose d'anti-paysan et certains disent même d'anti-polonais, parce qu'ils savent que les paysans étaient très patriotes, qu'ils se battaient toujours pour la cause polonaise.

Les agriculteurs polonais ont très peur d'entrer dans l'UE, mais les médias n'en parlent pas. On ne voit presque jamais à la télévision le débat chez les paysans. J'ai vu une seule fois une telle enquête et c'était sur une chaîne de télévision catholique; c'est là où je me suis rendu compte que les agriculteurs se demandent comment s'adapter aux exigences européennes. Personne n'est en mesure de le leur dire."

  • Jan Dzieciolowski : "La Pologne va entrer dans l'UE le 1er mai 2004 et il y a eu deux questions particulièrement délicates. La première c'est de ne recevoir que 25% des aides directes perçues par l'agriculteur allemand ou français. Cela est vécu comme une sorte d'injustice et de trahison. 'Est-ce que moi je vaux 25% d'un agriculteur de l'UE?' La deuxième question est la réforme de la PAC. On a l'impression maintenant à la campagne que certes on les a invités aux urnes, ils se sont prononcés en faveur de l'adhésion, mais maintenant on commence à changer la donne et les conditions d'adhésion vont être encore pire. Cela aussi est vécu comme une trahison. Derrière leur dos on était en train de renégocier ce qui a été accordé à Copenhague et puis à Athènes".