Questions d'hier et de demain: Le déclin de la paysannerie anglaise

de Simon Fairlie, The land is ours, 1 oct. 2003, publié à Archipel 108

Pourquoi le capitalisme est-il né en Angleterre? Les explications en sont nombreuses et complexes et on ne démêlera sans doute jamais les causes des effets: religion protestante, tradition maritime (donc colonialiste), climat propice à la production de laine, révolution précoce (1649) qui donne le pouvoir à une classe bourgeoise libérale.

Une chose est néanmoins certaine, c'est que pour amorcer ce processus, l'Angleterre a dû s'assurer de la main-d'œuvre nécessaire pour faire tourner les rouages de l'industrie.

Durant les années 1790 à 1850, on va donc faire disparaître la petite paysannerie systématiquement et en quasi totalité pour atteindre deux objectifs: le déplacement d'une partie de cette paysannerie pour l'inciter à chercher du travail en ville et l'amélioration des techniques de production agricole pour alimenter la masse toujours croissante de ces nouveaux prolétaires* (ce qui, selon les propagandistes, ne peut s'effectuer que sur des fermes de grande superficie).

L'outil privilégié sera la privatisation des terres, autrement dit, la clôture des terrains communaux (en anglais enclosures ). Cela n'a rien de nouveau; depuis le XIIIème siècle, de grands exploitants se sont progressivement accaparés des terres communales pour y produire du mouton à laine en très grande quantité, une industrie qui a apporté la richesse au pays, mais qui n'emploie que peu de main-d'œuvre paysanne. De plus elle ruine progressivement les petits paysans qui n'ont que des petits troupeaux. C'est une doléance récurrente des nombreuses révoltes paysannes au cour des siècles.

Au XVIIIème siècle, la clôture des communaux est systématisée par la loi. Village après village, les paysans perdent leur droit à y faire pâturer leur vache ou leurs oies, à y ramasser du bois ou y cultiver un lopin. De nombreuses familles appauvries n'ont d'autre recours que d'émigrer vers la ville. Entre 1700 et 1845, on estime ainsi que plus de 5 millions d'hectares ont été clôturés par les grands propriétaires. En 1876, la moitié des terres agricoles anglaises et galloises appartiennent à 2.250 personnes et 0,6% de la population possède 98% de la terre.

Simon Fairlie, The land is ours

* La population britannique passera de 9 millions en 1800 à 17 millions en 1850; dans le même temps, celle de la France n'augmente que de 6 millions