Rosia Montanà entre sur la liste roumaine des candidatures au patrimoine culturel mondial de l’UNESCO
Mais c’est donc possible, finalement: quelques dizaines de paysans et paysannes de montagne et d’activistes peuvent arriver à faire face à un projet industriel de plusieurs milliards et à défier une élite politique cleptocrate. Rosia Montanà échappe à sa destruction. Quelques tonnes d’or en moins et 2000 ans d’une histoire culturelle riche préservée pour le futur.
«C’est une grande victoire pour la société civile, les milliers de gens en Roumanie et à l’étranger qui ont réclamé le sauvetage de Rosia Montanà et sont descendus dans la rue pour protester contre la destruction de la nature et de la culture» déclare Eugen David, président du collectif citoyen Alburnus Maior et figure authentique de la campagne Save Rosia Montanà. Après avoir suivi une formation d’ingénieur des mines, il est retourné après la «chute du mur» en 1990, dans son village natal où il mène depuis une exploitation agricole avec sa famille.
Et pourtant, c’est incroyable! Des gens se battent depuis bientôt quinze ans pour le maintien de ce village qui peut se targuer d’avoir une histoire multiculturelle par excellence. La colonie romaine du nom d’Alburnus Maior est devenue un lieu de coexistence entre langues roumaine, hongroise, allemande, entre autres et entre autant de confessions, jusqu’à aujourd’hui.
En 2012 déjà, Save Rosia Montanà était bien plus qu’un mouvement écologiste. La population locale, habituellement silencieuse, avait explosé au moment où la gente politicienne de Bucarest, tous partis confondus, avait voulu, au mépris d’innombrables jugements donnant raison aux opposants, faire passer en force, au moyen d’une loi d’exception, la mise en place de la plus grande mine d’or à ciel ouvert d’Europe.
Dans la Bucarest bon chic bon genre comme dans les petites villes les plus reculées, les gens sont descendus dans la rue tous les jours, souvent par dizaines de milliers. De cette lutte autour d’un petit village est né un mouvement citoyen large, politiquement vigilant et bénéficiant d’une solidarité internationale bien ancrée.
«Il ne manque plus qu’une signature» se sont vu répondre maintes fois les activistes de Save Rosia Montanà, depuis 2009, date à laquelle ils ont déposé la demande d’inscription de ce lieu des monts Apuseni sur la liste de candidature de l’UNESCO. Et tout à coup, c’est allé si vite, sans problème, comme si c’était normal. Les ministères de la Culture et de l’Environnement du gouvernement d’experts dirigé par Dracian Ciolos, ex-commissaire agricole de l’Union européenne, ont communiqué leur décision, juste le jour anniversaire de la date à laquelle Rosia Montanà avait été mentionnée pour la première fois dans l’histoire.
Rosia Montanà est à présent inscrite sur la liste des propositions pour faire partie du patrimoine culturel mondial. Pour la population locale, l’administration et les experts, c’est la première étape d’un nouveau travail en commun. C’est par ailleurs un signe très clair donné par les politiciens de Bucarest contre tous les efforts des gouvernements précédents pour faire passer le projet de la mine d’or, avec son lot permanent de corruption et d’entorses à la loi.
Il est vrai qu’il existe, ne serait-ce qu’en Roumanie, d’autres projets d’extraction d’or ou d’autres minerais également contestés, en particulier celui d’Oertej, situé dans un parc naturel. Rosia Montanà est cependant un exemple encourageant bien au-delà des frontières de la Roumanie.