SUISSE: Référendum contre la restructuration de l’asile

de Amanda Ioset Solidarité sans frontières, Berne,, 26 mai 2016, publié à Archipel 248

Le 5 juin 2016, les citoyens et les citoyennes suisses se prononceront sur la révision de la loi sur l’asile adoptée par le Parlement l’année dernière. L’UDC a en effet lancé un référendum contre les «avocats gratuits» prévus. Solidarité sans frontières recommande de faire barrage à l’UDC. Nos raisons:

Solidarité sans frontières (Sosf) s’est prononcée à plusieurs reprises contre la restructuration du domaine de l’asile concoctée par le Conseil fédéral et son Secrétariat d’État aux migrations (SEM) ces dernières années. Bien que le but officiel de cette réforme puisse paraître louable – accélérer les procédures tout en garantissant qu’elles se déroulent de manière équitable – Sosf a formulé plusieurs critiques de fonds sur le projet. La réforme a maintenant été acceptée par le Parlement, et nos craintes perdurent.
Un développement négatif
Nous nous opposons en particulier au raccourcissement des délais de recours et à la concentration des requérant-e-s d’asile dans de grands centres gérés par la Confédération. L’accélération des procédures ne peut se faire selon nous au détriment des droits des requérant-e-s d’asile, notamment de leur droit de recours. La centralisation quant à elle renforcera l’isolement physique et l’«encasernement» des requérant-e-s d’asile dans de grands centres loin du reste de la population.
La logique qui se cache derrière la réforme est la suivante: profiter encore plus des possibilités offertes par le système «Dublin» de renvoyer massivement vers d’autres Etats et ainsi traiter moins de demandes en Suisse. D’où cette volonté d’accélérer en priorité les procédures qui aboutiront à une non-entrée en matière ou à une réponse négative, et d’augmenter drastiquement le nombre de places de détention administrative. En réalité, cette réforme a pour but principal non pas d’accélérer significativement les procédures des personnes qui pourront rester en Suisse, mais plutôt de faciliter les renvois de celles qui devront partir tout en évitant qu’elles ne s’intègrent à la population.
Les «avocats gratuits»
Autant le dire tout de suite, ce ne sont pas les développements négatifs exposés ci-dessus qui posent problème à l’UDC. Son référendum avait en effet pour but de lutter contre «les avocats gratuits pour les requérants d’asile et contre les expropriations», faisant ainsi référence à l’aide juridique gratuite incluse dans la révision pour garantir des procédures «équitables» malgré la réduction des délais de recours – et à la possibilité pour la Confédération de construire des centres sur des territoires appartenant à des communes ou cantons sans l’accord de ces derniers. Solidarité sans frontières a toujours défendu l’accès à une aide juridique gratuite pour les requérant-e-s d’asile, mais nous nous sommes montrés critiques vis-à-vis de l’aide juridique telle qu’elle est prévue par la révision. En effet, la proximité physique entre l’aide juridique et le SEM, le paiement forfaitaire par cas traité et l’obligation de renoncer à un recours si les chances de succès sont faibles, sont autant d’éléments qu’il s’agira de surveiller et de corriger dans l’avenir si l’on veut que les requérant-e-s d’asile bénéficient d’une aide juridique indépendante.
Bloquer l’extrême droite
Au vu de nos nombreuses critiques, la question s’est donc posée: notre opposition au développement actuel de la loi sur l’asile implique-t-elle un soutien au référendum lancé par l’UDC? Selon nous, la réponse est non. Tout d’abord, le rejet de la restructuration le 5 juin ne signifiera pas un retour au droit d’avant la révision, car certains durcissements sont déjà contenus dans les «mesures urgentes», qui resteront en vigueur au minimum jusqu’en 2019. La procédure d’asile dans les ambassades, par exemple, ne serait pas réintroduite en cas de victoire du référendum. Par ailleurs, on pourrait penser qu’un NON de gauche permettrait de donner une visibilité à nos critiques vis-à-vis de la restructuration. Mais rien n’est moins sûr. Il est plus probable que ce soient les référendaires qui imposent les termes du débat, et que notre soutien n’apparaisse aux yeux de la plupart des gens que comme une alliance incompréhensible avec notre principal ennemi. Enfin, un NON le 5 juin sera interprété comme une victoire de l’UDC, ce qui ouvrira la porte à une nouvelle révision, dont l’aide juridique gratuite serait absente, mais qui contiendrait certainement toutes sortes d’autres durcissements voulus pas le parti d’extrême droite. C’est finalement cette probable future révision qu’il s’agit de comparer avec les modifications actuelles.
Pour toutes ces raisons, nous recommandons à nos membres et sympathisant-e-s de faire barrage à l’UDC le 5 juin, en votant oui ou blanc à la révision.
Amanda Ioset*
* Solidarité sans frontières, Berne, <www.sosf.ch>