ANDALOUSIE:procès contre Biosol

de Johannes Dahmke, EBF, 5 janv. 2016, publié à Archipel 242

Deux fois cette année, le FCE a envoyé une délégation d’observateurs internationaux en Andalousie. Le premier rendez-vous de juin a été repoussé le jour-même de l’audience. Laisser ces femmes licenciées par Biosol toutes seules au procès n’était pas une option pour nous.

La lutte des employées de Biosol Portocarrero, une entreprise agricole de taille moyenne avec quelques centaines de travailleuses et travailleurs dans la production, le conditionnement et la commercialisation de fruits et légumes bio, illustre le climat social sur place. Quatre ans de lutte d’un groupe d’ouvrières marocaines contre des licenciements abusifs avaient abouti en juillet 2012 à un accord entre Biosol et le syndicat d'ouvriers agricoles SOC. En juillet 2014, l’entreprise licencie cinq employées syndiquées au SOC, dont la déléguée syndicale elle-même. Il y a un rapport plus détaillé de ce conflit sur notre site internet*.
Quelques jours avant le procès, je me suis rendu à Almeria où j’ai été accueilli à bras ouverts par nos amis sur place. Depuis maintenant 15 ans, le FCE soutient le syndicat SOC et avec le temps, bien des liens amicaux se sont tissés.
La mer de plastique
En dépit de ces liens, revoir Almeria me choque toujours: une mer de plastique à perte de vue, des montagnes de poubelles, de la production industrielle de légumes, des bidons qui nécessitent des études supérieures en chimie pour en déchiffrer les étiquettes.
Après un fort orage, il y a eu des inondations à El Ejido et à Adra. L’eau de pluie ne peut pénétrer ces vastes terrains couverts de plastique et s’échapper par les ramblas bouchées.
Le lendemain, en faisant un tour, j’ai été étonné de voir autant de chantiers de construction de serres. On pensait qu’il n’y avait plus d’avenir à El Ejido pour la production agricole depuis une concurrence de plus en plus grande de pays à bas salaires tel que le Maroc. Je me renseigne alors sur le phénomène et j’apprends que depuis la crise économique en Espagne, les choses ont changé. Par exemple, il n’existe plus d’agences immobilières classiques à Almeria. La plupart des terrains sont entre les mains des banques qui proposent un financement des terrains et des serres pour 10 ans, sans intérêts!
De cette manière, les banques soufflent encore sur les braises pour que chaque mètre carré de cette région jadis merveilleuse soit sous plastique.
Au tribunal
Le procès s’est tenu devant le Conseil des Prud’hommes sous les yeux stricts du nouveau roi qui était représenté sur un tableau mal accroché.
Comme à l’accoutumée dans les procès concernant le monde du travail, le juge tente un accord à l’amiable entre les parties. Cette voie n’était pas envisageable pour ces femmes. Elles se sont senties tellement maltraitées par l’entreprise, pour laquelle elles ont travaillé près de 10 ans, qu’elles n’étaient pas prêtes à accepter une prime de licenciement, bien qu’au-dessus de celles pratiquées habituellement. Pour le moment, elles sont sur une liste noire des entreprises sur place. Pour elles, il n’est pas seulement question de salaires impayés mais aussi de faire attester par un juge les mauvais traitements subits, et de rétablir leur réputation. Au moment de la rédaction d’Archipel, le jugement final n’a pas été rendu. Je suis cependant optimiste quant à l’issue du procès.
Je veux remercier au nom de FCE les personnes qui nous ont soutenus par des lettres envoyées à Biosol, par la participation à des manifestations publiques en Suisse, et enfin, et non des moindres par un soutien financier.

* <www.forumcivique.org>