La course aux matières premières en Afrique

de Professor Many CAMARA, Universität von Mali, Bamako, 4 juin 2011

Comment garantir le respect des normes environnementales, sociales et démocratiques ? Un projet de recherche pluridisciplinaire à Faléa au Mali cherche des partenariats universitaires.

Contexte et pertinence

La commune rurale africaine de Faléa est une petite collectivité territoriale de 400 km2 située dans la partie sud-ouest du Mali et qui touche les frontières de la Guinée et du Sénégal. Peuplée d’environ 17000 habitants répartis entre 21 villages et hameaux, elle jouit d’un climat de type guinéen, possède une faune et flore très riches, une grande biodiversité (sources intarissables, végétation luxuriante, forêts, grands animaux, quelques espèces protégées). Dans ce cadre physique privilégié, vivent, depuis plusieurs siècles, quatre ethnies, les dialonké, les malinké, les foula (peulhs) et les diakhanké qui y ont bâti une économie de petite production autour d’activités de subsistance (pêche, agriculture, chasse, pastoralisme, artisanat) et construit un mode de vie équilibré, socialement harmonieux et en symbiose avec la nature. Leur brassage social, physique et culturel y a également permis le développement d’un patrimoine culturel (matériel et immatériel) riche et varié.

Mais, à partir de 2011-2012, cette petite région, laissée à l’état traditionnel depuis l’accession du Mali à l’indépendance en 1960, va devenir le théâtre d’un changement sans précédent. En effet, suite à la découverte d’importants gisements d’or, d’uranium, de cuivre et de bauxite, l’Etat malien a décidé la mise en exploitation industrielle de ces minerais afin de contribuer à la croissance économique du pays. Plusieurs gros consortiums miniers vont donc y mettre en place de gigantesques projets industriels d’extraction minière couvrant la quasi-totalité du territoire communal, avec, notamment la construction d’une usine qui prévoit d’employer 15000 travailleurs, celles d’une grande centrale thermique et d’un tronçon de chemin de fer minéralier. Ces nouvelles activités, tout en assurant le désenclavement de la zone, entraîneront également des modifications très profondes dans l'ensemble des écologies (sociale, environnementale et économique). Les éléments matériels et immatériels du patrimoine culturel local seront exposés à un très sérieux risque de disparition progressive (destruction des lieux de culte et de rituels, des espaces et paysages culturels par les travaux de construction d’infrastructures et les excavations géantes destinées à extraire les minerais; dégradation valeurs culturelles ancestrales, acculturation de la nouvelle génération et abandon général des références identitaires fondamentales et des pratiques culturelles traditionnelles positives).
L’Association des Ressortissants et Amis de la Commune de Faléa (ARACF) s’est constituée dans le but d’aider les autorités communales, les Anciens (Conseil des Sages) et les dépositaires des traditions ancestrales, à faire face à ces bouleversements et aux risques liés à la modernisation pour les communautés locales : impacts environnementaux et sanitaires désastreux, instabilité sociale, voire destruction du tissu social.
Parmi les actions prioritaires de l’ARACF figure la mise en place d’un programme indépendant d’études d’impact ex-ante de l’exploitation minière :

    • la réalisation du « point zéro radiologique » (état des lieux de la radioactivité naturelle au niveau du sol, dans les nappes aquifères, l’air, la chaîne alimentaire, etc.) avec la participation active de la population. Démarrée depuis le mois de juin 2010, l'étude est parrainée par la Ville de Genève (Suisse) et la CRIIRAD, centre de recherche nucléaire indépendant de Valence (France), en assure le suivi ;
    • une évaluation de la situation épidémiologique dans la Commune, destinée à fixer des repères et des critères d’observation de son évolution ultérieure pendant les activités d’exploitation minière (base indispensable d’un observatoire et d’une alerte sanitaires) ;
    • une analyse la biodiversité dans la Commune afin de proposer des solutions aux préoccupations des populations quant au maintien du sol et de ses capacités, à la préservation des ressources en eau, de la flore et de la faune
    • l’inventaire du patrimoine culturel local et la définition des mesures adéquates pour assurer sa préservation, sa valorisation et sa promotion.

La création d’une antenne universitaire pluridisciplinaire est envisagée pour renforcer, compléter et pérenniser l’initiative engagée à travers ces études de situations de référence pour informer les populations, les aider à adopter des comportements préventifs et fournir la base d’un suivi d’impact des projets miniers.
Cette minuscule structure académique permanente se chargera d’analyser les transformations multisectorielles entraînées par l’industrie extractive, d’en prévoir les conséquences et de proposer des solutions susceptibles de les maîtriser ou de les prévenir – ou, le cas échéant, de les réparer

Objectifs

L’antenne universitaire pluridisciplinaire jouera le rôle d’un petit observatoire scientifique, plus précisément, d’un laboratoire de recherche, de réflexion et d’élaboration de propositions. Elle vise les principaux objectifs suivants :

    • étudier et analyser les changements en cours sous des aspects historiques, sociologiques géologiques, ethnologiques, culturels, géographiques, ethnologues et écologiques ;
    • développer une réflexion de fond, produire et diffuser de savoirs ;
    • informer et alerter les différents acteurs impliqués (l’Etat malien et ses services techniques, les élus, les autorités coutumières, les organisations citoyennes, la presse, etc.) ;
    • associer ceux-ci à la validation des résultats établis
    • formuler des propositions opérationnelles de mesures de prévention, de réparation des dégâts éventuellement causés (après les avoir cernés rigoureusement) ou des options alternatives en matière de développement local

Résultats attendus

La mise en place et le développement de cet outil devrait permettre :

    • d’initier, un autre mode de concertation, de dialogue et de négociation, plus équilibré et plus participatif, entre l’Etat, les élus, les communautés, les organisations citoyennes, les universités, les institutions de recherches, les chercheurs et les scientifiques indépendants ;
    • d’élaborer et d’instituer un code environnemental et de gestion de ressources naturelles négocié et adopté avec la participation active des citoyens, adapté aux réalités locales, compatible avec les exigences d’un avenir viable pour les communautés et les générations qui prendront leur relève ;
    • de négocier et promouvoir un code de bonnes pratiques, document discuté entre l’Etat,

Les compagnies minières, les populations et tous les autres acteurs impliqués et dont l’application sera régulièrement vérifiée par l’observatoire interdisciplinaire ;

    • une expérience de développement local véritablement participatif dans le cadre de d’une exploitation minière respectueuse des habitants, des procédures démocratiques, de l'autonomie communale et des intérêts du pays.

Partenariats

L’antenne universitaire sera conduite en partenariat avec :

    • l’Institut EBENA (Saint-Lambert-la-Potherie, Maine et Loire, France) ;
    • LaRevue Durable - Fribourg (Suisse) ;
    • l’Agence Malienne de Radioprotection (AMARAP) ;
    • l’Université de Bamako ;
    • l’Institut Universitaire d’Afrique Centrale (IUDAC) ;
    • l’ONG malienne OBMEN (Observatoire Malien de l’Environnement).

Compte tenu de l’imminence de la mise en exploitation des ressources minières dans la Commune de Faléa, nous recherchons également, dans l’urgence, des partenariats avec différents instituts universitaires en Europe, des bourses d’études et une minuscule infrastructure de communication satellitaire (facteur de désenclavement de la commune) qui permettraient d’accueillir sur place des stagiaires, étudiants, doctorants et autres « diplômants » intéressés à travailler sur une thématique large et très variée.

Thématique indicative :

  • Gouvernance minière, processus de marchandisation foncière, aménagement du territoire et justice spatialeExtraction minière industrielle et terres sacréesAnthropologie des systèmes et des techniques d’exploitation minière
  • La Gestion Intégrée des Ressources en Eau (GIRE) dans un contexte d’exploitation minière industrielle néolibérale
  • La dette écologique
  • L’ « empreinte écologique »
  • Les « services écologiques » (1)
  • Les « hectares fantômes » et les « peuples fantômes »
  • Politique d’exploitation minière néolibérale, gouvernance démocratique et justice environnementale.

Une approche pluridisciplinaire

  • La problématique du développement local durable, écologique, humain et solidaire dans un contexte de politique d’exploitation minière industrielle néolibérale
  • Code minier néolibéral et désobéissance éthique
  • Constructions sociales et (re) constructions identitaires en situation de bouleversements socio-économiques et culturels liés à l’extraction minière industrielle
  • Extraction minière industrielle, langues, productions symboliques et croisements des imaginaires dans un contexte socioculturel traditionnel
  • Alphabétisation en langues locales, promotion de la création littéraire et développement de l’imaginaire social en milieu rural confronté à une modernisation néolibérale

Contacts et Information

Professeur Many Camara, manycamara@yahoo.fr Tél.: 33 (0)6 46 52 13 97
Forum Civique Européen, lammler@forumcivique.org
Gérard Moreau, Président de Senankunya (association en France de solidarité avec Faléa)
moreau.barrault@orange.fr
Tél. : 33 (0)2 41 47 57 79
ARACF (Association des Ressortissants et des Amis de la Commune de Faléa),
faleadounia@yahoo.fr
Tél. : (00223) 20 28 11 43
www.falea21.org