Vendredi 4 octobre, Pinar Selek est en Calabre, dans la magnifique ville de Cosence, pour recevoir le Prix 2019 de la Culture méditerranéenne, section Société civile, décerné par un jury international.
Organisé par la Fondation Carical, ce prix se propose de reconnaître le mérite de toutes celles et ceux qui contribuent à approfondir la connaissance de la culture méditerranéenne, jusque dans ses aspects les plus actuels. La section Société civile entend récompenser un ou une intellectuelle d’envergure internationale qui se distingue par «son œuvre en faveur du dialogue entre les différentes expressions culturelles de la Méditerranée». Après Tahar Ben Jelloun, David Grossman, Amin Maalouf... Pinar Selek est la lauréate de la 13e édition de ce prix prestigieux. Profondément touchée par cette reconnaissance, Pinar Selek a dédié son prix à toutes les femmes exilées comme elle, tout particulièrement à celles qui ne sont pas visibles. Et aussi à toutes les lucioles qui bravent les frontières, les forteresses, les fascismes, les violences et qui transforment le monde par leurs solidarités concrètes, par leur poésie et leur philosophie émancipatrice:
«Autour de notre Méditerranée, la criminalisation de la mobilité des opprimé·es se traduit par des corps glacés, des corps morts, des corps qui ne rêvent plus, ou par des esclaves sans protection, sans droit, au cœur de l’Europe occidentale. A cause de mes écrits et de mes positionnements en faveur des libertés, parce que j’ai dénoncé le génocide des Arménien·nes et toutes les violences nationalistes, militaristes et sexistes, j’ai dû quitter mon pays mais je n’ai pas quitté la Méditerranée: je continue mes combats à Nice. Comme disait Virginia Wolf, en tant que femme, je n’ai pas de pays, je ne veux pas de pays national. Mon pays, c’est la Méditerranée et je vais faire mon possible pour que la tragédie humaine s’arrête, pour que règnent la justice, la liberté et la solidarité. Deux mondes se livrent une lutte infernale. Le monde des oppresseurs, des dominants qui ont les armes, les prisons, l’argent. Le monde des lucioles qui défendent et qui créent la vie, la beauté, la poésie.
Je suis fière de faire partie du monde des lucioles. Qui tirent la lumière de leurs rêves et qui éclairent quand il fait nuit. Je suis ici en tant que femme réfugiée, en tant qu’écrivaine, en tant que militante, en tant que chercheure, en tant que méditerranéenne. Par mes écrits et actions, j’essaie de résister… et de contribuer à la construction d’une contre-culture basée sur la solidarité, la liberté et la justice. Je sais que c’est difficile. Oui, mais comme le proposait Antonio Gramsci, allier le pessimisme de l’intelligence et l’optimisme de la volonté peut libérer une puissance magique. Je sens cette magie dans les chemins que je poursuis. Au nom de toutes les lucioles méditerranéennes, au nom de ces sorcières qui jouent avec la magie, je vous remercie pour cet encouragement.»