LUTTES ZAPATISTES: Rencontres en territoire autonome

de Valérie Néron Correspondante Radio Zinzine, 1 oct. 2019, publié à Archipel 285

Dans un contexte global, partout dans le monde, les peuples originaires et communautés paysannes doivent faire face à l’accélération de la destruction de leur environnement, à une spirale infernale de développement extractiviste qui saccage leurs territoires et les ressources naturelles.

Au Mexique, dans les Etats du Michoacan, du Morelos, de Oaxaca, du Guerrero, du Chiapas..., face aux projets toujours aussi offensifs du nouveau gouvernement, la résistance ne faiblit pourtant pas, revendiquant le droit de vivre dans des modes de vie respectueux de la vie.

Au Chiapas, les zapatistes ont récemment annoncé l’ouverture de nouveaux espaces d’organisation et de gouvernance autonome, ainsi que de futurs moments de rencontres. Quatre nouvelles communes autonomes viennent s’ajouter aux 27 qui existaient depuis 1994 et sept nouveaux caracoles s’ajoutent aux cinq déjà créés. En 2003, le territoire des zapatistes s’était organisé en cinq zones comprenant chacune un espace de rassemblement appelé caracol, de la figure de l’escargot qui représente à la fois un animal qui avance lentement mais sûrement et se replie en cas de nécessité, et la figure du coquillage sacré dans lequel on souffle pour porter des signes, convoquer les forces.

Dans les caracoles se tiennent les Conseils de Bon Gouvernement qui coordonnent les différents secteurs de la vie des communautés; on y trouve des salles de réunion, de grands espaces de rencontres, des centres de soins, des ateliers, des bureaux et les boutiques des coopératives.

Dans le caracol d’Oventik, situé à une heure de San Cristobal de las Casas, il y a aussi une école secondaire, et au cœur de l’école est installé le Centre d’espagnol et de Langues Mayas Rebelle Autonome Zapatiste ( CELMRAZ), qui propose des cours à ceux et celles qui désirent apporter leur soutien économique au système éducatif autonome. «Le Centre de langues est un espace d’échanges avec les peuples et cultures du monde. L’enseignement du tsotsil et du castillan (espagnol) est la forme sous laquelle se concrétise cet échange, dans la mesure où les classes y sont proposées dans le contexte de la réalité des peuples indigènes en résistance.»

Les cours s’organisent en petits groupes en fonction des personnes présentes, de leur niveau en espagnol, de leurs attentes, des sujets de discussions qui apparaissent. Le contenu s’inspire toujours des éléments de la construction collective du mouvement zapatiste; il y a chaque jour deux heures de cours avec les enseignant·es , et puis des activités ouvertes et des moments en interaction avec les élèves de l’école secondaire. De fait, à travers cette rencontre, la présence des internationaux joue un rôle au sein de la proposition éducative de l’école. Avec une capacité d’accueil en internat d’une douzaine de personnes, le Centre de langue offre des journées riches aussi de toutes les discussions entre des participant·es venu·es des quatre coins du globe, chacun·e racontant son univers, ses réalités, ses initiatives et ses luttes.

Il s’agit de partager une expérience éducative, politique et culturelle, avec des personnes qui s’identifient à la lutte anticapitaliste, qui connaissent aussi déjà un peu l’histoire du mouvement zapatiste et le vécu des communautés dans un climat de guerre larvée. Pour participer il faut être conscient·e de la situation, et respecter certaines consignes; il faut donc passer par une des organisations accréditées par le Centre. Mais il y a deux possibilités, venir y prendre des cours pendant une ou plusieurs semaines, ou bien former un groupe et s’adresser alors directement au CELMRAZ avec une proposition, une thématique qui sera travaillée en commun avec l’équipe enseignante: une belle occasion d’approfondir des réflexions en croisant différentes visions du monde.

Pour continuer dans cette démarche, il y a aussi le CIDECI – Université de la Terre. Situé à l’extérieur de San Cristobal, c’est un centre de formation autonome gratuit qui accueille jeunes et adultes des communautés indigènes dans de multiples ateliers et cours, et propose par ailleurs des conférences, présentations de livres et séminaires réguliers, en plus d’ouvrir ses portes, depuis 1994, à de nombreux événements proposés par les zapatistes. On le compte d’ailleurs maintenant parmi les nouveaux caracoles. Depuis le début de leur soulèvement, les zapatistes n’ont eu de cesse de proposer et d’organiser des espaces et temps de rencontres et de rassemblements, afin d’élaborer une pensée, une analyse collective des problématiques qui affectent non seulement les peuples originaires, mais aussi tout·es celles et ceux d’»en-bas», qui souffrent d’oppression et d’exploitation. Et à tout·es celles et ceux qui voient arriver la tempête et refusent de laisser le monde courir à sa perte, aujourd’hui encore illes lancent un appel à débattre de la formation d’un réseau planétaire de résistances et de rébellions.

Pour en savoir plus : http://www.serazln-altos.org https://seminarioscideci.org Jérôme Baschet – L’autonomie zapatiste avance et nous interpelle*, septembre 2019 https://www.millebabords.org/