BELGIQUE: Grand échange patatiste

de Erik D’haese, 31 mai 2015, publié à Archipel 234

Le 23 décembre 2014, la Cour d’appel de Gand a acquitté 11 activistes des charges d’association de malfaiteurs, condamnation qui datait de 2013. La justice belge s’exprime finalement contre la criminalisation de l’activisme, une victoire importante.

Les faits datent de mai 2011. Sous le nom du Grand Echange de Patates, plus de 400 personnes mènent une bataille spectaculaire sous l’œil attentif des caméras. Ils parviennent à remplacer par leurs contreparties biologiques une partie des pommes de terre génétiquement modifiées d’un champ expérimental, piloté par un consortium d’universités et BASF, première multinationale pétrochimique au monde.
L’effet est immédiat. Après des années de lutte «sage», l’action réussit à ouvrir un débat sociétal que d’autres moyens n’ont jamais su provoquer: la une de tous les médias, une promesse immédiate de persécution judiciaire par le ministre-président et le licenciement fort opaque de la chercheuse Barbara Van Dyck. La justice choisit la stratégie de la criminalisation: 11 «privilégiés» sont accusés de bande de malfaiteurs.
Dans les trois ans et demi qui suivent, le Field Liberation Movement fait fureur et reçoit plusieurs prix. Un grand nombre de personnes, scientifiques, organisations, médias et politiciens s’informent sur les OGM et expriment leur solidarité avec les «éco-terroristes». 91 volontaires demandent la même accusation.
Trois procès plus tard, les activistes obtiennent gain de cause sur tous les points. Barbara Van Dyck récupère son poste de chercheuse, le champ est déclaré illégal et BASF retire la patate en question de l’Europe. Une proposition de loi veut empêcher la criminalisation de l’activisme. Et les activistes voient leurs peines, qui allaient jusque 8 mois de prison ferme, réduites à une amende de 18.000 euros. Reste l’arrière-goût amer de la répression.
Entretemps, un nouveau champ de patates est cultivé sur la ZAD du Keelbeek. Là où est prévue la plus grande prison du pays, des centaines de résistants sont venus planter et récolter des patates... biologiques.