Nous reprenons dans ce numéro la publication d’articles sur l’agriculture dans différents pays européens; après l’Autriche et la Slovénie, c’est au tour de la Hongrie. Ces articles ont tous été écrits pour le séminaire européen sur l’agriculture fermière*, organisé en février dernier par l’association Pais-Alp (France) et le Forum Civique Européen.
Depuis la transition en 1990, la politique agricole a été conditionnée par un changement de gouvernement tous les quatre ans. Les gouvernements conservateurs ont tenté d’encourager le développement de fermes familiales compétitives, les gouvernements sociaux-libéraux de renforcer l’agro-industrie. Les paysans, grands ou petits, ont donc dû changer d’orientation tous les quatre ans.
Lors des dernières élections, en avril 2002, le gouvernement conservateur a été remplacé par une coalition socio-libérale. L’ancien gouvernement avait lancé quelques nouvelles réglementations pour renforcer la position des petits paysans avant l’entrée dans l’Union Européenne. Il avait introduit le concept de fermiers familiaux, qui n’existait pas auparavant, c’est-à-dire un paysan qui travaille sa ferme d’un maximum de 300 ha avec les membres de sa famille et pas plus de deux employés. Jusqu’aux élections, 17.000 fermes familiales avaient été enregistrées, couvrant une surface d’environ un million d'hectares. Ces fermes ont pu bénéficier de 10% de plus de subventions que toutes les autres formes d’entreprise agricole ainsi que de prêts sans intérêts garantis par l’Etat. Elles devaient avoir la priorité pour l’achat des terres libérées dans le voisinage. Tous ces avantages ont été annulés par le nouveau gouvernement qui soutient avant tout les grandes entreprises agricoles.
L’ancien gouvernement avait conclu un accord avec l’Union Européenne qui interdisait la vente de terres agricoles à des étrangers pendant une période de sept ans après l’entrée dans l’Union. Bien que les sociaux-libéraux aient toujours voulu libéraliser le marché de la terre pour pouvoir attirer plus d’investisseurs de l’agro-business, il semble que le nouveau gouvernement ait accepté ce moratoire.
Les deux options politiques ont un point commun: elles cherchent à soutenir l’agriculture pour l’exportation, l’agriculture hongroise ayant toujours produit 25 à 30% de plus que les besoins du pays.
Pendant ces dix dernières années, les subventions agricoles ont varié entre 8 et 12% du PIB. Mais après l’entrée dans l’Union Européenne, l’agriculture hongroise va vivre des temps difficiles:
le taux total des subventions (UE et nationales) restera le même qu’aujourd’hui;
les importations des 15, dont la production est lourdement subventionnée, seront complètement libéralisées;
la PAC (Politique Agricole Commune) a pour but de réduire les prix des produits agricoles;
le gouvernement hongrois actuel ne cherche pas à trouver de l’argent en s’appuyant sur le deuxième pilier de la PAC: les mesures de développement rural.
A partir de 2003, le gouvernement va traiter les petites fermes de moins de 5 ha comme un problème social. Elles vont recevoir une somme totale de 2.000 euros par an et vont être exclues de toute autre forme de soutien à l’agriculture. Selon les estimations de l’Alliance Nationale des Sociétés Agricoles, ces mesures vont entraîner la disparition de 400.000 paysans à plein temps (sans parler des 700.000 personnes qui ne produisent que pour leur propre consommation). Seuls les agriculteurs ayant un revenu qui dépasse 12.000 euros par an vont avoir accès aux subventions agricoles. Environ 50% d’entre eux gagnent moins.
Les règles et réglementations pour la transformation artisanale de produits agricoles rendent la survie des petites unités de plus en plus difficile. Elles n’ont pas le droit de transformer pour la vente directe. En vente directe ne peuvent être vendus que le lait, la crème et le fromage frais, sur des marchés paysans qui sont soumis à des contrôles si sévères que la plupart ne résistent pas. Notre coopérative, par exemple, vendait 500 litres de lait chaque samedi au marché paysan bio de Budapest; dernièrement, les autorités ont saisi le lait en prétendant que l’étiquetage n’était pas conforme…
A partir de janvier 2003, même les petites productions «faites maison» – fromage, pickles, choucroute, confiture, etc. – vont disparaître de ces marchés, à cause de réglementations harmonisées avec celles de l’UE. La seule possibilité légale est de s’agrandir par coopération et de construire des installations en commun, mais la majorité des petites fermes n’en voient pas la nécessité. Il n’existe que peu d’initiatives de vente aux consommateurs par colis et peu de groupements producteurs/consommateurs.
Nous devons élaborer des modèles de campagnes de promotion pour développer des liens étroits entre les producteurs et les consommateurs. En fait, il est nécessaire de créer une sorte de «contrat social» où les deux parties – par des contacts personnels – comprennent les problèmes et les besoins de l’autre et s’engagent à trouver des solutions en produisant de la qualité pour les uns et en achetant sur le marché local pour les autres. Cela devrait aboutir à un programme européen soutenu par différents moyens (soutien technique, extension, financement, etc.).
Il faut utiliser des données scientifiques et des faits clairs qui montrent les coûts externes des produits «sur-chimifiés», «sur-conservés», «sur-emballés», «sur-transportés», «désocialisés», etc. et exiger un niveau de subventions identique à ces coûts externes, au profit de la production locale bio à dimension humaine qui n’entraîne pas de pareils coûts.
Nous travaillons sur de tels projets mais ils avancent lentement par manque de fonds.
* Voir Archipel No 102 et 103