HAUT-PARLEUR: Un pays de rêve?

12.04.2005, Veröffentlicht in Archipel 126

Depuis le début du débat parlementaire sur les nouvelles lois concernant les étrangers et l'asile, la coordination nationale des collectifs de sans-papiers de Suisse craint un doublement du nombre des sans-papiers ces prochaines années

Communiqué de presse

Les représentantEs des collectifs de sans-papiers et des personnes qui les soutiennent dans les cantons de Genève, Vaud, Fribourg, Berne, Bâle et Zurich se sont retrouvéEs à Bienne le 19 mars 2005. Selon les sources, il y a en Suisse entre 100.000 et 300.000 sans-papiers. La plupart de ces personnes sans titre de séjour vivent dans les grandes agglomérations et à la campagne (agriculture). De nombreuses femmes sans-papiers travaillent comme aides de ménage dans les quartiers huppés du pays.

L’adoption d’une nouvelle loi sur les migrations aurait pu être pour la Suisse, comme cela a été le cas dans d’autres pays, l’occasion de mesures généreuses de régularisation des personnes qui vivent déjà chez nous dans l’illégalité. L’initiative de Genève, qui vise à la régularisation de 5.000 employéEs de maison a été saluée dans ce contexte comme un pas dans la bonne direction. Malheureusement, la politique en Suisse alémanique et au niveau fédéral s’éloigne de plus en plus de la recherche de solutions humaines. Aujourd’hui, même des familles vivant et travaillant dans ce pays depuis des années sont expulsées sans états d’âme. La suppression par le Conseil des Etats des demandes en cas de rigueur dans la nouvelle loi sur les étrangers est un signe d’un traitement encore plus brutal des sans-papiers.

Les sans-papiers représentéEs à Bienne n’ont pas été vraiment surpris par l’attitude des politicienNEs du Conseil des Etats, puisqu’ils/elles ne connaissent que trop bien comment on se débarasse d’eux/elles quand ils/elles ont cesséEs d’être utiles. Quand par exemple des anciens employeurs ne veulent plus les reconnaître, pour mieux pouvoir prétendre qu’ils ne sont pas concernés. De la politique de la Suisse, pays de leurs rêves, ils/elles auraient attendu mieux.

Pour les personnes concernées réunies à Bienne, les mesures légales de durcissement décidées au Conseil des Etats n’ont plus rien de rationnel. Elles n’ont plus rien à voir avec la recherche de solutions aux problèmes de migration, ni avec la réalité économique et sociale de la Suisse, sans parler de la tradition humanitaire de notre pays. Les collectifs de sans-papiers savent bien, à travers la pratique quotidienne qu’aucun durcissement des lois sur les migrations n’a jamais produit une diminution de celle-ci, mais seulement augmenté les difficultés rencontrées par les migrantEs. La suppression de l’aide d’urgence aux requérantEs frappéEs de non-entrée en matière le montre bien.

Les permanences de conseil existantes croulent sous les demandes d’aide et de conseils. On doit s’attendre à ce que le nombre des personnes illégalisées, des sans-papiers privéEs de tout droit, double dans les prochaines années. L’absence de droits conduit à plus de dépendance et d’exploitation. Les milieux politiques responsables du durcissement des lois sur l’asile et sur les étrangers sont suspectement proches des milieux économiques, agricoles et artisanaux qui profiteront de ces nouvelles forces de travail bon marché, sans droits et dépourvues de couverture sociale.

Les collectifs de sans-papiers rappellent qu’il existe, en dehors de la législation suisse sur les étrangers, une série de droits internationalement protégés dans le monde entier, comme par exemple le droit à l’accès aux soins, celui au regroupement familial, le droit à la formation, à l’accès aux prud’hommes et enfin le droit à l’auto-organisation. C’est ces droits qu’il s’agit de continuer à défendre. Des services de conseil sont déjà à la disposition des personnes concernées à Genève, Lausanne, Fribourg, Berne et Bâle. Un centre est sur le point de s’ouvrir à Zurich. La table ronde réunissant responsables politiques, œuvres d’entraide et certains représentants cantonaux continuera à œuvrer en ce sens.

C’est avec plus d’amusement que d’indignation que les sans-papiers réuniEs à Bienne ont pris connaissance de la remarque du Ministre suisse en charge de la Justice, des Migrations et de la Police selon laquelle il faudrait modifier la constitution si sa nouvelle loi, qui piétine la dignité humaine, devait s’avérer anticonstitutionnelle. C’est une logique qu’ils/elles connaissent bien dans leurs pays d’origine et elle est loin de les surprendre. Ils/elles auraient cependant attendu autre chose de la Suisse, pays de leurs rêves.

Bienne, le 19 mars 2005

Signataires:

Collectif de soutien aux sans papiers, Genève / Collectif des travailleuses et travailleurs sans statut légal,

Genève / Collectif vaudois des sans-papiers / Collectif des sans-papiers Fribourg / Berner Sans-Papiers-

Kollektiv / Komitee Sans-Papiers Nordwest-schweiz / Sans-Papiers-Kollektiv Zürich

Contact: Coordination suisse des sans-papiers, c/o Comité des sans-papiers du nord-ouest de la Suisse

Rebgasse 1, CH-4058 Bâle

Tél.: 041 (0)76-368 01 84