Comme Observatoire libre de toute contrainte officielle, le Forum Civique Européen exerce ici son droit d’alerter l’opinion sur l’une des dérives aberrantes de la plupart des Etats de l’UE. Entendons le sort qu’elle réserve aux minorités roms présentes dans le sacro-saint Espace Schengen et qui semble réactualiser le «problème tzigane» du très nationaliste vingtième siècle de triste mémoire.
Evidemment, dans le contexte migratoire actuel, à travers cette enquête qui s’efforce de comprendre la nouvelle dynamique d’exclusion qui maintient ces populations en marge des sociétés occidentales, notre démarche paraîtra peut-être disproportionnée. Les questions et les objections plus ou moins tendancieuses ou malveillantes ne manqueront pas d’en relativiser le projet. Précisons que notre recherche s’est délibérément limitée à deux des pays de la communauté européenne, la France et l’Italie, où l’on réserve aux «tziganes» en général et particulièrement aux migrants roms des pays de l’est un accueil pour le moins inconfortable. Son enjeu déborde la problématique créée autour d’eux et l’ensemble des interrogations auxquelles l’ouvrage va tenter d’apporter quelques éléments de réponse mon-tre qu’elle est une variante exacerbée du drame humain de l’immigration générale.
Pourquoi ce choix des Roms dont les effectifs, en France et en Italie, s’avèrent très inférieurs numériquement aux autres populations d’immigrés présentes sur ces territoires? Pourquoi se préoccuper, à l’instar des ins-tances européennes ou des gouvernements, de la condition alarmante des quelques dizaines de milliers de Roms d’Europe centrale ou balkanique qui végètent dans ces deux pays? Le marasme économique qui pénalise des millions de citoyens de la Communauté européenne ne s’en trouve-t-il pas relégué à l’arrière-plan? N’avons-nous pas nos laissés-pour-compte, nos chômeurs, nos mal logés, des millions de citoyens qui survivent de plus en plus difficilement à la lisière du seuil de pauvreté? A quoi tient ce privilège d’occuper le devant de la scène médiatique, de monopoliser la sollicitude des plus hautes instances européennes et l’appréhension farouche des gouvernements? Ces parias, que l’on dit habiles à tirer partie de leur misérabilisme ostentatoire, ne seraient-ils pas d’abord victimes de leur propre tradition «culturelle», d’une sorte d’auto-exclusion atavique liée à leur mode de vie itinérant? L’entrelacement de questions rationnelles et de préjugés n’est pas toujours facile à démêler. C’est l’un des objectifs de ce premier volet de l’enquête de montrer comment les représentations et les stéréotypes confortent l’inertie ou la malveillance officielle.
* Roms, voyage chez les autres, un livre de Jean Duflot aux Editions A plus d’un titre, 10/2016. Voir bon de commande