L’article 3 de la Déclaration universelle des droits humains de 1948, reconnue par la Suisse, proclame: «Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne». Ah bon? Alors pourquoi les migrant·es qui se noient tous les jours dans la mer Méditerranée sont-illes exclu·es de ces droits? Est-ce que ce ne sont pas des êtres humains comme nous? Pourquoi ces enfants, ces femmes et ces hommes ne sont-illes plus secouru·es?
La philosophe Judith Butler1 s’interroge sur les réactions très différentes que suscite la mort de nos semblables ou les mauvais traitements qui leurs sont infligés, selon l’origine ou le statut des personnes concernées. Selon elle, cette différence montre qu’il existe des personnes qui ne sont pas considérées comme des êtres humains au même titre que les autres. Leur mort ou leur emprisonnement sans procès ne nous indigne donc pas. Tel est le cas aujourd’hui des migrant·es qui se noient en mer par milliers.
Suite à l’attentat du 11 septembre 2001 à New York, des cérémonies nationales ont été organisées à la mémoire des victimes. Après l’attentat contre Charlie Hebdo à Paris, des millions de personnes sont descendues dans la rue dans toute la France. Bien que la tradition humanitaire du pays soit souvent fièrement évoquée par les politiciens suisses, la Suisse n’a pris aucune initiative pour essayer d’empêcher ces noyades de milliers de personnes en mer. Personne ne proclame de deuil national, personne n’organise de gigantesques manifestations pour évoquer la mémoire de ces personnes noyées en mer, victimes non pas d’un attentat terroriste mais de l’absence de secours. Autrement dit, ces milliers de morts sont évitables. Ces personnes ont le droit d’être secourues. Nous, le Mouvement Jurassien de Soutien aux Sans-Papiers et migrant·es (MJSSP), nous demandons aux députés cantonaux à Berne, et à toute autre personne influente, de faire tout leur possible pour convaincre le gouvernement suisse de prendre des mesures pour venir en aide à ces personnes en danger de mort. En effet, «chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamées dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation», ainsi que le précise l’article 2 de la Déclaration universelle des droits humains.
- Judith Butler, Precarious Life. The Power of Mourning and Violence, Verso, 2006, Londres. Traduction française: Vie précaire. Les pouvoirs du deuil et de la violence après le 11 septembre 2001, Paris, Ed. Amsterdam, 2005.