ADIEU - Poussière d?étoiles

von Fatima Sissani, 08.04.2006, Veröffentlicht in Archipel 137

ADIEU - Poussière d’étoiles

Beaucoup d’entre vous avaient croisé le rire d'Ascen, sa passion pour créer et chercher, son intelligence pour imaginer et son énergie pour transformer le monde. Nous la gardons dans nos cœurs, à tout jamais.

Le texte ci-dessous été lu par Fatima lors de la cérémonie où ses ami-e-s lui ont fait leurs adieux.

J’ai lu quelque part que nous sommes nés de poussière d’étoiles. Peut-être n’ai-je pas bien compris et tu n’es plus là pour m’expliquer. Et je ne sais pas si je t’aurais écoutée car cette idée me plaît. Oui j’aime à croire que nous sommes tous des poussières d’étoile destiné-e-s à faire un jour le chemin inverse: de poussière d’étoile Ascen, tu vas redevenir une étoile. J’aime à penser que tu seras toujours là quelque part, une parmi ces milliers d’étoiles, lumineuse. Tu vas ainsi parcourir ce chemin vers l’infini, parcourir l’univers, cet univers qui te fascinait tellement, qui te posait tant de questions. Car c’est bien ce que je retiens de toi, cette capacité à toujours douter. Tu avais finalement peu de certitudes, peut-être bien aucune. Et loin de te paralyser, cette façon permanente de douter te donnait une énergie folle pour aller chercher, expérimenter, comprendre et, finalement, parfois, donner sens. C’était une chose magnifique à voir. Pour moi, une véritable leçon de vie. Cela rend aujourd’hui ton absence plus facile à vivre. Oui, l’idée que tu es allée au bout de bien de tes projets, que tu as eu je crois la vie que tu voulais m’est d’un réconfort immense. C’est un privilège. Pas une chance car il fallait faire des choix, des sacrifices, le courage de refuser ce que le lieu commun nous ordonne. Rien de facile dans tout cela mais tu ne cherchais jamais la facilité. Donc, tu as eu la vie que tu voulais. Malgré tes interrogations de ces dernières années. Tu ne savais plus comment continuer, alors tu t’interrogeais à voix haute. Encore et toujours. Comme tu l’as toujours fait. Peut-être était-ce d’ailleurs chez toi une règle de vie. Tu te remettais à chercher la vie que tu voulais mener, l’insatisfaction ne te convenait pas. Tu étais parfois fatigante mais tellement passionnante.

Te voilà donc partie au milieu d’une question. En plein dilemme de l’exil, il me semble. Ton Espagne natale semblait t’appeler ou tout simplement la Méditerranée ou peut-être bien plus exactement le Sud. Ce Sud où l’on parle fort, où l’on débarque sans se demander si on va déranger. Je dis Sud car plus que la Méditerranée, c’est ce qu’il y avait entre nous. Tu me disais toujours: «ha Fatima, toi tu me comprends». Je ne sais pas si je te comprenais Ascen mais je t’aimais. J’adorais cette manière que tu avais de chanter le «A» de mon prénom. Il résonne encore à mes oreilles. Comme l’image que je garde de toi: le regard vif, curieux. Je ne parviens pas à me souvenir de toi autrement qu’en mouvement: debout, le corps un peu en avant, toujours prête à partir. Partir vers les poulaillers ou vers l’ordinateur ou vers une question. Quel bonheur c’était de parler avec toi. Les choses étaient complexes, tu le savais. Alors tu prenais le temps qu’il fallait pour décortiquer. Tant que cela pouvait t’aider à comprendre, tu écoutais. Je crois, en fait, que tu considérais que nous tous nous pouvions t’aider à comprendre. Cette posture était celle du doute. Magnifique.

Quelle chance ce fut de croiser ta vie! Je pleure aujourd’hui de tristesse mais aussi de ce bonheur de t’avoir rencontrée.

Je m’adresse directement à toi, car depuis que ton souffle s’est arrêté, je ne cesse de te parler. Je te parlais parce que je me disais que je pourrais ainsi te réveiller. Je te parle aujourd’hui, je prends ma part de veille pour, non plus te réveiller, j’y ai renoncé, mais pour que ton âme puisse trouver le chemin vers les étoiles.

Dans ce soliloque, un mot à Nick, Pablo et Martha: plus qu’à nous tous, c’est probablement à vous qu’elle manque le plus. Mais n’oubliez pas car ce n’est pas rien: Ascen a eu une vie merveilleuse.

Alors ma belle espagnole, je te confie au ciel, à la lune, au soleil, au vent, à la pluie, à la foudre, je te confie à l’univers pour qu’à ton tour tu veilles sur nous.

Et ainsi combler ce manque que nous avons de toi.

Fatima Sissani