COSTA RICA: Projet de barrage et droits des Indigènes

von Christoph Campregher*, 21.01.2006, Veröffentlicht in Archipel 132

Boruca, Rey Curré et Terraba sont trois territoires indigènes voisins, situés au sud-ouest du Costa Rica, unis ces trois dernières années par la lutte contre un projet de barrage qui viole les droits de la population, mettant en danger son existence même.

Ces trois territoires se trouvent dans le canton de Buenos Aires qui comprend six territoires indigènes et donc la plus grande partie de la population indigène du Costa Rica. C’est aussi un des cantons les plus pauvres et les moins développés économiquement.

Corruption et crise politique

L’année dernière, le Costa Rica a fait parler de lui au niveau international à cause d’une série d’énormes scandales liés à la corruption. Les trois derniers présidents de la démocratie modèle d’Amérique centrale ainsi que d’autres fonctionnaires politiques, ont été accusés de corruption. Cette affaire s’est conclue avec la démission de Miguel Angel Rodriguez, président de l’Organisation des Etats Américains (OAS) et son arrestation à l’aéroport de San José en octobre dernier. Le quotidien La Nacion parle de «la plus grande crise politique depuis la guerre civile de 1948» . Et celle-ci est symptomatique. Le Costa Rica, modèle de développement social-démocrate depuis la guerre civile, favorisait des liens intenses entre institutions étatiques et économie nationale et concentrait le pouvoir économique et politique dans les mains de quelques familles politiques autour des deux grands partis PLN et PUSC1. Au cours des années 80, sous la pression du FMI et de la Banque Mondiale, le Costa Rica a dû changer de cap et suit depuis un cours économique néo-libéral. De nombreux politiciens qui ont participé aux privatisations d’entreprises de l’Etat et au démantèlement du système social sont aujourd’hui actionnaires de grandes entreprises costaricaines qui profitent de cette situation.

Plan Pueblo Panama et Traité de Libre Echange

Le gouvernement actuel sous le président Abel Pacheco est à la pointe en ce qui concerne l’application d’une politique néo-libérale en Amérique centrale. Les grands projets économiques pour l’Amérique centrale s’appellent PPP (Plano Puebla Panama) et TLC (Traité de Libre Echange).

Le PPP doit relier l’Amérique centrale par trois corridors qui iront de Puebla au Mexique jusqu’à Panama. Corridor 1 prévoit la construction de grandes routes et d’infrastructures pour faciliter l’installation d’usines et le transport de matières premières et des produits pour l’exportation. Corridor II prévoit la mise en exploitation systématique de la biodiversité centre-américaine, le troisième corridor la liaison des réseaux énergétiques des différents pays et la construction de plusieurs barrages pour favoriser l’exportation d’énergie.

En complémentarité, un traité de libre échange entre les pays centre-américains, le Mexique et les USA devra permettre des grands investissements et protéger le commerce de biens, d’énergie et de brevets.

Il faut toujours être vigilant quand une nation économiquement forte conclut des traités de libre commerce avec des plus petits pays. La population costaricaine s’y oppose donc jusqu’à présent.

Dans le cadre du PPP, la société nationale de l’électricité ICE espère des investissements étrangers pour construire le plus grand barrage de l’Amérique centrale.

Le Proyecto Hidroelectrico Boruca (PHB) est déjà en discussion depuis 40 ans auprès de la ICE. Plusieurs études ont été réalisées, mais le projet n’a jamais vu le jour à cause d’un manque de moyens financiers. En 1992, le gouvernement de Rafael Calderon Fournier reprend l’idée de ce projet. A ce jour, il est, une fois de plus, dans une phase d’évaluation. Le ICE estime qu’il y a 75% de chances qu’il soit réalisé. Le barrage devrait être construit au Rio Grande de Terraba et, avec une hauteur de 225 mètres, immergera une surface de 173 km2. Il faudrait déplacer 1.600 personnes dont environ 500 Indigènes.

Le plus grand problème semble pourtant être la résistance de la population locale, non sans raison: Le déplacement et la migration de forces de travail nécessaires à la construction aurait des conséquences désastreuses pour la population paysanne, notamment les communautés indigènes des Teribes et des Bruncas. La construction du barrage changerait fondamentalement l’environnement et le climat de la région. Plusieurs parmi les 200 sites de recherches archéologiques seraient immergés par les masses d’eau. De plus, les risques sismiques sont importants dans cette région.

«La ICE vient chez nous et nous promet des plans de développement pour nos villages» , dit Enid Rojas, une activiste de Rey Curré, «comme si nous ne savions pas quel était le meilleur développement pour nous. Le PHB signifierait la mort de notre culture, car il nous enlève la base de notre vie sociale».

Face à la résistance locale, il y a les intérêts de propriétaires terriens non-indigènes qui se sont installés dans la région au cours des dernières décennies et qui espèrent profiter des dédommagements. La ICE tente de diviser la résistance avec des promesses d’emploi et de flots de touristes. Mais l’opposition active à Boruca, Rey Curré et Terraba continue le combat, soutenue par des ONG et des conseillers juridiques. L’un d’entre eux, Enrique Rivera, un petit paysan indigène de Terraba, se bat depuis des décennies pour les droits des Indigènes du Costa Rica. En septembre et octobre derniers, Enrique a réalisé une tournée d’information à travers l’Autriche et la Suisse.

Christoph Campregher*

Août/septembre 2005

  1. PUSC: les "conservateurs", chrétiens, très ouverts au néolibéralisme. PLN: les liberacionistas , proches des social-démocraties européennes. Les positions des deux partis se ressemblent beaucoup

* C. Campregher fait actuellement son service civil à la Finca Sonador (Costa Rica). La Finca Sonador est une coopérative créée par La Coopérative Européenne Longo maï à la fin des années 1970 pour accueillir des réfugiés de la guerre civile au Nicaragua. Après la chute du dictateur, les Nicaraguayens sont partis laissant la place à des réfugiés du Salvador. Aujourd’hui, environ 400 personnes

vivent et travaillent sur la Finca.