Dossier Guerre en Irak: La vérité se cache-t-elle aux antipodes??

von Geoffrey Heard Ecrivain (Australie), 27.05.2003, Veröffentlicht in Archipel 105

Beaucoup d’éléments poussent le président Bush et son administration à envahir l’Irak, à destituer Saddam Hussein, et à prendre possession du pays. Mais le plus important est caché et très, très simple. Il s’agit de la monnaie utilisée pour le commerce du pétrole, ce qui déterminera qui, à terme, dominera le monde au plan économique: les USA ou l’UE.

L’Irak est la tête de pont de l’Union Européenne dans cette confrontation. Les USA avaient le monopole du commerce du pétrole, puisque le dollar était la monnaie agréée par tous, mais l’Irak s’est désolidarisé du système à partir de 1999, en acceptant le paiement du pétrole en euros, et a fait des profits. Si l’Amérique envahit l’Irak et gagne la bataille, cela renverra l’UE et ses euros à la mer, rendant du même coup la domination économique mondiale de l’Amérique inexpugnable. Il s’agit là du plus grand combat pour le pouvoir économique, de l’époque moderne.

Les alliés de l’Amérique dans cette invasion, la Grande-Bretagne et l’Australie font le pari que l’Amérique va gagner et espèrent, étant dans le train, en tirer le bénéfice de quelques miettes. La France et l’Allemagne sont les têtes de pont de l’Europe – la Russie aimerait rejoindre l’Europe mais elle peut encore être achetée.

Il est probable que la Chine aimerait voir les Européens partager le leadership sur le plan de la monnaie, pendant qu’elle continue à accroître son commerce international, pour en tirer des bénéfices.

Le débat sur internet

Bizarrement, rien ou presque n’apparaît dans les grands médias sur le sujet, quoique les personnes importantes commencent à réaliser la chose – notez le glissement récent de la valeur du dollar. Les «traders» auraient-ils peur de la guerre? Ils ont certainement davantage peur qu’il n’y ait pas la guerre. Mais, malgré le silence dans les grands médias, une grande discussion mondiale s’est instaurée sur le but de tout ça, en particulier sur Internet. Voir plusieurs articles: Henry Liu, dans le «Asia Times», en juin dernier (ce fut un point chaud du forum Feasta organisé par un groupe qui réfléchit à une économie soutenable, basé en Irlande), et par W. Clark «Les vraies raisons de la guerre à venir contre l’Irak: une analyse macro-économique et géostratégique de la vérité dont on ne parle pas», publié par le Sierra Times, sur indymedia.org, et ratical.org.

La question n’est pas de discuter si l’Amérique souffrirait de perdre le monopole du dollar sur le commerce du pétrole – ça c’est un fait – mais plutôt d’évaluer à quel point elle serait affectée. Les conséquences pour la monnaie en vigueur pourraient être graves, voire catastrophiques. Les USA pourraient sombrer au plan économique.

Les dollars du pétrole

La clef de tout ça, c’est la monnaie agréée pour le commerce du pétrole.

D’après un accord avec l’OPEP, tout le pétrole s’est échangé contre des dollars depuis 1971 (après l’abandon de l’étalon or), ce qui, de facto, fait du dollar la monnaie la plus importante pour le commerce international. Si les autres pays doivent accumuler les dollars pour acheter du pétrole, ils veulent aussi pouvoir utiliser cette accumulation pour commercer dans d’autres domaines. C’est ce qui donne à l’Amérique un avantage énorme et lui permet d’avoir une position hégémonique dans le commerce mondial.

En tant que bloc économique, l’UE est le seul «challenger» des USA, et elle a créé l’euro pour rivaliser avec le dollar sur les marchés internationaux. Toutefois, l’UE n’est pas encore unie derrière l’euro – il y a une bonne part de chauvinisme dans les politiques nationales, le moindre n’étant pas celui de la Grande-Bretagne – et quoi qu’il en soit, aussi longtemps que toutes les Nations devront amasser des dollars pour acheter du pétrole, l’euro ne pourra réaliser que des avancées très limitées sous le règne du dollar.

En 1999, l’Irak, seconde réserve mondiale de pétrole, s’est converti au commerce du pétrole en euros. Les analystes américains ont bien ri: l’Irak venait de commettre une faute qui allait plonger le pays dans la pauvreté. Mais deux ans plus tard, les sonnettes d’alarme se mirent à tinter, l’euro grimpait à l’inverse du dollar: l’Irak avait fait un bond économique en acceptant le paiement en euros.

L’Iran a commencé à y réfléchir; le Venezuela, 4ème producteur mondial, l’a envisagé et a commencé à casser la suprématie du dollar en passant des accords avec différents pays, y compris avec la bête noire des USA: Cuba. La Russie cherche à vendre du pétrole à l’Europe – marché évident – payable en euros.

La main-mise du billet vert sur le pétrole, et par conséquent sur le commerce mondial s’en est trouvée menacée. Si l’Amérique n’intervenait pas immédiatement, ce feu de broussaille économique risquait de se transformer en incendie capable de consumer l’économie américaine et sa domination sur le commerce mondial.

D’où vient cet avantage du dollar?

Imaginez que vous êtes très endetté, mais tous les jours vous faites des chèques en dollars que vous ne possédez pas: une nouvelle voiture de luxe, la location d’une maison au bord de la mer, un voyage de rêve. Vos chèques ne devraient avoir aucune valeur, mais ils vous permettent d’acheter, parce que les chèques que vous faites n’arriveront jamais à la banque! Vous avez l’assurance de ceux qui possèdent ce que tout le monde veut (appelez ça pétrole ou gaz) qu’ils accepteront uniquement vos chèques en paiement. Cela veut dire que tout le monde doit accumuler vos chèques pour pouvoir acheter du pétrole ou du gaz. Puisqu’on doit entasser vos chèques, on s’en sert aussi pour acheter autre chose. Vous utilisez un chèque pour acheter une télé, le marchand de télé l’échangera contre du pétrole, le vendeur de pétrole s’en servira pour acheter des fruits et légumes, le marchand de légumes pour acheter du pain, le boulanger pour acheter de la farine, et le chèque circule, encore et encore, mais ne revient jamais à la banque. Dans vos comptes, vous avez une dette, mais tant que vos chèques n’atteignent pas la banque, vous n’avez pas à la payer. En fait, vous avez eu une télé gratuite.

Voilà la situation dont les USA ont profité pendant trente ans: ils ont fait un tour gratuit de commerce international pendant tout ce temps. Ils ont reçu une subvention énorme du monde entier. Au fur et à mesure que la dette augmentait, les USA ont imprimé des billets (fait des chèques), pour continuer à faire du commerce. Pas étonnant que ce soit une «centrale» économique! Et puis, un beau jour, un vendeur de pétrole dit qu’il va accepter les chèques de quelqu’un d’autre: et quelques-uns pensent que ce pourrait être une bonne idée. Si cela se répand, les gens vont arrêter d’accumuler vos chèques, qui devront revenir très vite à la banque, et cela va commencer à sentir mauvais!

Mais vous êtes puissant, dur et très agressif. Vous n’avez pas peur du gars qui peut faire des chèques – il est puissant, lui aussi – mais, en trouvant une excuse «légitime», vous pouvez écraser le vendeur de pétrole, lui faire peur et le forcer ainsi que ses collègues, à la soumission.

Et voilà en un mot, ce que les USA sont en train de faire en Irak.

Précarité de l’économie américaine

L’Amérique est impatiente d’attaquer l’Irak à cause de la vitesse à laquelle l’incendie, déclenché par l’euro, pourrait se répandre. Si l’Iran, le Venezuela et la Russie rejoignaient l’Irak et échangeaient de grandes quantités de pétrole en euros, celui-ci atteindrait une puissance suffisante pour faire levier dans le commerce international. Les autres pays devraient alors échanger leurs dollars pour des euros.

Les dollars que les US ont imprimés, les chèques qu’ils ont faits, commenceraient très vite à rentrer au pays, entraînant avec eux l’illusion de leur valeur. La situation économique réelle des USA est aussi mauvaise qu’elle peut l’être: c’est le pays le plus endetté du monde. La dette s’élève à 12.000 dollars pour chacun de ses 280 millions d’hommes, de femmes et d’enfants. Cette situation est pire que celle qu’a connue l’Indonésie il y a quelques années, et plus récemment, l’Argentine.

Même si l’OPEP ne se convertissait pas massivement à l’euro (et ça ferait un joli profit, non basé sur le pétrole pour les pays de l’OPEP; de même que cela contribuerait à diminuer la dette que les USA ont réussi à imposer à certains d’entre eux), les problèmes des USA iraient s’intensifiant.

Même si un faible volume du commerce du pétrole se faisait en euros, cela aurait deux conséquences immédiates:

  • augmenter l’attractivité de l’euro auprès des membres de l’UE, ce qui les inciterait à rejoindre la zone européenne: en conséquence l’euro deviendrait plus fort, ce qui pousserait les pays producteurs de pétrole à reconnaître l’euro comme valeur d’échange, et tous les autres pays comme monnaie pour tout le commerce;

  • activer le retour des dollars vers les USA alors que les banques n’ont pas de quoi les couvrir;

  • susciter la «sur-réaction» habituelle des marchés, ce qui en un rien de temps entraînerait le dollar dans une spirale à la baisse.

La solution des USA

La réponse américaine à la menace de l’euro était prévisible: cette réponse, c’est la guerre. En allant la faire en Irak, les USA visent plusieurs buts:

  • sauvegarder l’économie américaine en poussant l’Irak à revenir à la vente du pétrole en dollars, pour que le billet vert redevienne la seule monnaie d’échange;

  • envoyer un message très clair aux autres pays producteurs pour qu’ils mesurent ce qui pourrait leur arriver s’ils ne restaient pas dans le «cercle du dollar». L’Iran a déjà reçu le message (rappelez-vous votre étonnement, quand, en plein processus de laïcisation et de modération, l’Iran a été désigné comme «un membre de l’axe du mal»!);

  • mettre la seconde réserve mondiale de pétrole sous contrôle des USA;

  • installer un état laïc stable, là où les USA peuvent faire stationner une force énorme (peut-être avec l’aide de certains de leurs alliés comme la Grande-Bretagne et l’Australie), pour dominer tout le Moyen-Orient et ses ressources vitales de pétrole. Cela permettrait aux USA d’éviter de se servir de la Turquie (versatile), d’Israël (politiquement impossible) et de l’Arabie Saoudite, second pays visé, lieu de naissance d’Al Qaida et foyer d’anti-américanisme notoire;

  • remettre sévèrement à sa place l’UE, seul bloc commercial dont la monnaie est assez forte pour s’attaquer à la domination des USA et du dollar;

  • apporter une couverture aux USA pour une opération de renversement du gouvernement vénézuélien, démocratiquement élu, en le remplaçant par une junte amie des Américains, et ainsi s’approprier le pétrole du Vénézuéla.

Enfermer de nouveau le monde dans «les dollars du pétrole» consoliderait la position actuelle des USA et les rendrait inexpugnables en tant que puissance dominante, aux plans économique et militaire. Une Europe en morceaux (et les USA font tout ce qu’ils peuvent pour faire exploser l’Europe; ça a été facile avec l’Angleterre, mais d’autres pays d’Europe ont apporté leur soutien par leur vote à l’ONU), et l’euro subiraient un sérieux échec et pourraient mettre des décennies à s’en remettre.

Il s’agit là de la lutte la plus dure des temps modernes, pour le pouvoir absolu. Il est peu probable que les USA acceptent que le massacre de quelques centaines de milliers d’Irakiens soit un obstacle à leur domination du monde. Le président Bush a promis aux Américains de protéger leur niveau de vie. Voilà ce qu’il voulait dire.

Justifier la guerre

Objectivement, les USA ne pouvaient pas purement et simplement envahir l’Irak, alors ils ont cherché des raisons pour rendre cette attaque légitime. Cette recherche s’est menée avec une exaspération croissante à mesure que les prétextes se cassaient la figure. D’abord, l’Irak a été une menace en raison de ses prétendus liens avec Al-Qaida; puis on a dit que l’Irak procurait des armes à Al Qaida; ensuite, l’Irak a été une menace croissante pour ses voisins; puis il fallait délivrer les Irakiens du tyran Saddam Hussein; enfin, il y a la question de se conformer aux inspections de l’ONU.

Les justifications pour envahir l’Irak paraissent moins convaincantes aujourd’hui. La déclaration des USA qu’ils procèderaient en Irak de façon unilatérale sans le soutien de l’ONU, et même contre son avis, rend tout à fait absurde leur proclamation d’agir pour le bien et l’équilibre du monde entier.

Les inspecteurs de l’ONU n’ont trouvé que de minimes infractions aux limitations prescrites par l’ONU sur les armes – la dernière étant une portée excédant de 20% celle autorisée pour des missiles de technique rudimentaire.

Mais on n’a trouvé aucun signe des prétendues armes de destruction massive (ADM) dont les USA étaient sûrs de l’existence et qu’il fallait absolument trouver.

  • Colin Powell a cité un village du nord de l’Irak comme une menace certaine pour admettre plus tard que ce n’était pas le bon village.

  • Newsweek (24 février) rapporte que les conseillers de Bush claironnent que le transfuge irakien, le Lt. Gen. Hussein Kamel, leur a confié en 1995 que l’Irak avait fabriqué des tonnes de gaz innervant et d’anthrax (la présentation de Colin Powell devant l’ONU le 5 février en est un exemple). Ces conseillers oublient seulement de mentionner que Kamel leur a aussi affirmé que ces stocks d’armes avaient été détruits.

  • Une partie des preuves américaines et notamment celles des services britanniques s’est révélée provenir de la thèse de maîtrise d’un étudiant.

La préoccupation exprimée par l’Amérique concernant les droits humains du peuple irakien et le manque de démocratie dans le pays n’est tout simplement pas dans la ligne des interventions américaines dans les autres pays, ni au cours de l’histoire ni dans les actions actuelles.

Le Guatemala, le Congo, le Chili et le Nicaragua sont les nombreux exemples où l’intervention des USA a mis à bas des gouvernements légitimes et élus démocratiquement, pour les remplacer par la guerre, le chaos, la faim, la pauvreté, la corruption, la dictature, la torture, les enlèvements et les meurtres, dans le seul but de préserver leurs propres intérêts économiques.

Le plus récent exemple, l’Afghanistan, n’est pas très brillant; en fait on a réinstallé au pouvoir un groupe de «seigneurs de la guerre» criminels, que l’Amérique avait installés auparavant, puis déposés en faveur des Talibans, aujour-d’hui détestés.

Saddam Hussein était tout aussi répressif, corrompu et criminel il y a 15 ans quand il utilisait des armes chimiques, fournies par les USA, contre les Kurdes. L’actuel secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, si véhément contre l’Irak aujourd’hui, avait la charge d’éviter alors une condamnation de l’Irak et de blâmer l’Iran. A cette époque, bien sûr, les USA pensaient que Saddam Hussein était «leur homme», et ils l’utilisaient contre la menace que représentait le fondamentalisme islamique de l’Iran.

Aujourd’hui encore, comme l’a noté l’écrivain indépendant Robert Fisk, les manœuvres des USA pour acheter le vote à l’ONU de l’Algérie incluent des promesses de fournitures d’armes aux militaires algériens, lesquels ont un bilan de 10 ans de répression, torture, enlèvements et meurtres qui pourrait rendre jaloux Saddam Hussein lui-même. On estime que 200.000 personnes ont été tuées et d’innombrables autres estropiées, au cours de ces massacres monstrueux.

Quel sera le prix à payer par les Irakiens pour les considérations humanitaires des USA?

Les Français aussi courtisent l’Algérie, leur ancien département d’Afrique du Nord, pour tout ce qu’elle représente, mais au moins ne prétendent-ils pas être guidés par des motifs humanitaires.

L’Indonésie est également un pays qui a un vote et une influence en tant que plus grande nation musulmane au monde. Son armée, répressive et criminelle, est en train de se renforcer grâce à la soi-disant campagne anti-terroriste des USA dont elle reçoit un soutien officiel et des aides discrètes, notamment celles des services de renseignement.

Et le Venezuela?

Pendant que l’attention du monde est focalisée sur l’Irak, l’Amérique soutient, à la fois ouvertement et secrètement, la tentative de coup d’Etat des riches du Venezuela qui avaient pris le pouvoir brièvement en avril 2002 avant d’être forcés à reculer devant le soutien massif des pauvres au président Chavez, démocratiquement élu. Les leaders du coup d’Etat continuent à utiliser leur contrôle des médias et de l’industrie, ainsi que l’oreille du gouvernement américain et de ses amis du pétrole, pour déstabiliser et ruiner le pays.

Les ressources pétrolières, propriété de l’Etat du Venezuela, seraient une aubaine pour les compagnies américaines et constitueraient une réserve de pétrole presque à domicile.

De nombreux auteurs ont relevé la contradiction entre le désir affiché d’établir la démocratie en Irak et parallèlement le travail de sape contre le gouvernement du Venezuela, pourtant démocratiquement élu.

L’Amérique est allée jusqu’à se précipiter pour reconnaître le coup d’Etat d’avril 2002, et plus récemment, le Président Bush a demandé des élections anticipées, ignorant le fait que le Président Chavez avait gagné trois élections et deux referendums et que, de toute façon, ces élections anticipées seraient inconstitutionnelles.

Un des éléments du travail de sape des USA contre le Venezuela s’est concrétisé par le «lock out» établi par les transnationales américaines en soutien à la grève nationale. Imaginez-les agissant ainsi aux USA!

Il est clair qu’une opération souterraine est en cours pour renverser le gouvernement légitime du Venezuela. José Nayardi, député uruguayen, a rendu la chose publique en révélant que l’administration Bush avait demandé à l’Uruguay de soutenir les cadres supérieurs et les leaders syndicaux dans leur action contre l’administration de Chavez. Ce procédé, a-t-il noté, rappelait de manière choquante l’intervention de la CIA au Chili en 1973, quand le général Pinochet a fait son coup d’Etat militaire pour renverser dans un bain de sang le gouvernement du Président Allende démocratiquement élu.

Le président Chavez se maintient à grand peine au pouvoir, mais face à la puissance conjuguée des USA et de l’opposition, combien de temps peut-il tenir?

Le coût de la guerre

Certains disent que l’invasion de l’Irak coûterait tellement de milliards de dollars que les bénéfices attendus sur le pétrole ne pourraient jamais justifier une telle action. Mais quand cette invasion se place dans le contexte de la protection de l’économie américaine toute entière, tant aujourd’hui que dans l’avenir, cet argument tombe.

Si on va plus loin, il y a trois autres facteurs vitaux:

  • premièrement, l’Amérique va demander aux autres pays de l’aider à payer puisqu’elle protège leurs intérêts. Le Japon et l’Arabie Saoudite avaient apporté des contributions substantielles lors de la guerre du Golfe, en 1991;

  • deuxièmement, la guerre coûtera très peu aux USA, en tout cas pas beaucoup plus que les dépenses de fonctionnement normales. Cette guerre est déjà payée! Toutes les munitions et l’équipement sont déjà achetés et payés. Les USA auraient à peine à dépenser un centime en équipement lourd pour engager cette guerre: la dépense viendra plus tard, quand les munitions et l’équipement devront être remplacés, après la guerre.

Mais les munitions et les équipements sont de toute façon toujours remplacés: les contrats sont déjà signés. Quelques contrats seront simplement prolongés, d’autres seront revus à la hausse, mais étalés sur plusieurs années, le coût ne sera pas excessif. Après tout, quel coût supplémentaire est induit par une armée en guerre, en comparaison avec l’entretien d’une armée présente partout dans le monde et qui effectue des manœuvres en permanence? Certes, ce coût supplémentaire existe mais représente une somme relativement modeste;

  • troisièmement, un montant important de ce surcoût est constitué par les dollars qui circulent en dehors de l’Amérique – le moindre n’étant pas l’achat de fuel. Devinez comment l’Amérique va procéder? Elle va actionner la planche à billets pour alimenter la machine de guerre. Il s’agit du même processus que lorsque l’industrie américaine achète des équipements, des composants et des matières premières avec des dollars qui vont à l’étranger et exploitent ainsi l’avantage commercial américain.

Le coût de la guerre est loin d’être aussi important qu’on pourrait le penser. C’est le coût de ne pas faire la guerre qui serait catastrophique pour les USA, à moins de trouver un autre moyen de protéger la domination du billet vert dans le monde.

Les deux alliés actifs de l’Amérique

Pourquoi l’Australie et la Grande-Bretagne soutiennent-elles l’Amérique dans cette expédition? Bien évidemment, l’Australie a des réserves importantes en dollars US: elle commerce majoritairement en dollars et avec les USA. Une chute du dollar US réduirait peut-être la dette de l’Australie, mais n’aurait aucun effet sur la valeur du dollar australien par rapport aux autres monnaies. Le premier ministre, John Howard, a longtemps caressé le rêve d’un accord commercial avec les USA qui permettrait à l’Australie de monter dans le train de la position dominante du commerce mondial acquise par le dollar US en tant que moyen d’échange principal.

Il en irait autrement si l’euro prenait une part significative dans le commerce du pétrole.

La Grande-Bretagne n’a pas encore adopté l’euro. Si les USA s’emparent de l’Irak et bloquent la progression de l’euro dans le commerce du pétrole, Tony Blair aura fait un pied de nez à ses partenaires français et allemand, et obtenu une marge de manœuvre, peut-être pour plusieurs années.

La Grande-Bretagne serait alors en position d’exiger un accord plus avantageux pour entrer dans la zone euro, dans la mesure où l’euro n’offrirait pas les gains importants que lui garantirait une position dominante dans le commerce mondial du pétrole. Cela pourrait même être l’occasion de quitter l’Europe et de s’unir à l’Amérique contre l’Europe continentale.

Au contraire, si les USA n’arrivent pas à maintenir le monopole du dollar sur le commerce du pétrole, l’euro deviendra de plus en plus fort et la Grande-Bretagne risque d’être réduite à supplier pour qu’on l’admette dans le «club».

L’opposition

Il y a plusieurs raisons évidentes de s’opposer au plan américain: l’Amérique est déjà la nation la plus puissante et elle domine le monde du commerce avec le dollar. Si elle obtenait le contrôle du pétrole irakien et une base permanente pour ses forces armées au Moyen-Orient, non seulement cela ajouterait à sa puissance, mais cela la démultiplierait.

Les pays producteurs de pétrole, surtout les pays arabes, voient cela gros comme une montagne et tremblent dans leurs bottes.

La France et l’Allemagne sont les leaders de l’UE et ont une vision d’une Europe unie et renaissante qui prendrait la place qui lui revient grâce à une monnaie reconnue pour le commerce mondial et qui lui donnerait un avantage équivalent à celui des USA.

Ce sont ces deux pays qui sont à l’origine de l’échange du pétrole en euros avec l’Irak.

La Russie est dans un marasme économique profond: elle sait que cela va encore empirer le jour où les USA, grâce à leur mainmise sur l’Afghanistan, exploiteront le pipeline qui traversera le pays depuis les champs de pétrole du sud de la Caspienne. Actuellement, ce pétrole est dirigé vers le Nord, grâce à un pipeline contrôlé par la Russie.

La Russie augmente actuellement sa production de pétrole, dans l’espoir d’en vendre une partie en euros, et l’autre aux USA. Elle a déjà pas mal de problèmes par le fait que le commerce du pétrole se fait en dollars: si les USA contrôlent le pétrole irakien, cela entraînera une distorsion du marché, au grand désavantage de la Russie. De plus, la Russie a actuellement des intérêts dans le pétrole irakien: elle pourrait perdre ces avantages en cas de victoire des Américains. Déjà sur les genoux, la Russie pourrait être ruinée avant même qu’un seul kilomètre du pipeline d’Afghanistan ne soit posé.

Une autre solution?

Ce scénario met en évidence la gravité de la situation de l’Amérique et explique cette volonté forcenée de faire la guerre. Il montre également que d’autres solutions que la guerre sont possibles.

L’Amérique peut-elle accepter de négocier avec l’Europe pour le partage du «gâteau mondial»? C’est peu probable, mais il est possible que l’Europe oblige les USA à courber la tête et à envisager une telle solution. C’est le temps qui le dira.

Que se passerait-il si l’Europe adoptait la posture d’homme d’Etat, soucieux d’humanitaire et du long terme et qu’elle se retirait en laissant le pétrole aux américains, avec de solides garanties pour le peuple irakien et la démocratie au Venezuela?

L’Europe pourrait alors se trouver dans l’obligation d’adopter une approche plus intelligente: accélérer le développement des énergies alternatives pour réduire la dépendance vis-à-vis du pétrole, produire des biens négociables en euros pour modifier l’équilibre du commerce mondial à son avantage.

Ce serait là une issue avantageuse pour tous.

Ce document a été écrit avant la guerre contre l'Irak mais garde toute sa pertinence.

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Références et informations

supplémentaires:

http://www.indymedia.orghttp://www.ratical.org/http://www.washingtonpost.com

http://www.atimes.com (Asia Time on line)