GESTERN - HEUTE - MORGEN: Welche Dummheit war es, Jugoslawien nicht zu retten Zweiter Teil

12.04.2005, Veröffentlicht in Archipel 126

Il va sans dire que le constat panoramique amorcé dans les deux articles précédents ne donnait qu’un aperçu des dégâts infligés à la biodiversité. D’aucuns leur objecteront un pessimisme susceptible d’en décourager plus d’un devant l’ampleur d’un désastre apparemment irrémédiable.

C’est mal tenir compte de la puissance de régénération vitale des écosystèmes et de la dynamique des résistances qui poussent de plus en plus les instances gouvernementales à freiner certaines logiques de déprédation et de destruction dangereuses pour le système lui-même.

La société civile sur le qui-vive

Anticipant le plus souvent les pesanteurs des appareils d’Etat et des organisations officielles, la société civile sur le qui-vive n’a cessé d’innover au cours des deux dernières décennies en matière de protection de la nature. Partout, sur la terre en proie à toutes les convoitises, exposée à tous les dangers, des femmes et des hommes conscients de leurs responsabilités refusent de baisser les bras devant l’inéluctable. Scientifiques, défenseurs de l’environnement, associations militantes, syndicats paysans, collectivités locales ou citoyens singuliers, ils sont de plus en plus nombreux à imaginer des parades aux agents mortifères du système. Innovations de sauvegarde à l’interphase des activités rurales, conservatoires, réseaux de luttes pour la maîtrise des semences, contre les biotechnologies (OGM, clonages), contre le brevetage du vivant, groupements d’agriculture biologique, pratiques culturales novatrices (permaculture, synergies naturelles), formations militantes de défense de la paysannerie (Confédération paysanne, Soc, ABL…), fédérations de producteurs (Via Campesina…), de paysans sans terre (MST), les résistances se multiplient et prennent souvent des formes déroutantes pour les organisateurs du saccage de la planète.

Qu’elles émanent, sous la pression des citoyens, des instances publiques ou des initiatives locales, ces résistances passent par l’inventaire du patrimoine naturel ou paysager et se concrétisent à travers des mesures contractuelles, des accords passés entre les Etats et les gestionnaires territoriaux comme les agriculteurs et les forestiers; elles sont à l’origine d’un certain nombre de protections réglementaires placées directement sous la responsabilité des collectivités locales de citoyens.

Sur le territoire français les inventaires de la richesse biologique se sont multipliés avec l’appui du Muséum national d’histoire naturelle, de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, des huit conservatoires botaniques et du réseau associatif. Ils portent sur 14.755 Zones Naturelles d’Intérêt Ecologique, Floristique et Faunistique (ZNIEFF) et prospectent 16 millions d’hectares (soit 24,5% du territoire national). Ce bilan réserve une place de choix au recensement de l’avifaune dans 285 zones de protection des oiseaux (ZICO) réparties sur 4,7 millions d’ha. Il permet d’effectuer une comptabilité rigoureuse des espèces et d’établir des plans de sauvegarde selon les fluctuations et les pertes des diverses populations.

Actuellement, une initiative des collectivités territoriales relayée par l’Etat dote 79 des départements français «d’Atlas de paysages». 18 itinéraires principaux rassemblant 765 points d’observation fournissent une photographie périodiquement réactualisée du paysage national. S’y ajoute le suivi de la surveillance réalisée par satellites qui restitue l’état du territoire avec une précision indéniable. A l’évidence, si le pouvoir politique était à la hauteur des outils dont il dispose, bien des dégâts seraient évités et les fauteurs de la dégradation des sols et des paysages dûment identifiés et sanctionnés. C’est là un autre aspect des luttes citoyennes qui tardent parfois à passer au-delà du paravent des mesures officielles, pour contrecarrer les logiques d’exploitation et de destruction de l’environnement. L’objectif est de parvenir à un rapport de forces qui contraigne les Etats et les puissances économiques à stopper la fuite en avant dans la croissance et le progrès, à renoncer aux alibis légalement codifiés pour légitimer leur pillage de la planète. En attendant un bouleversement radical du rapport avec la nature, le combat pour la survie et la réhabilitation de la biodiversité ne peut pas se payer le luxe d’ignorer les réformes entreprises, même si elles sont insuffisantes et imparfaites. Concédées le plus souvent à l’issue de revendications opiniâtres, elles ont le mérite d’exister et sans doute d’ouvrir des brèches dans le système.

C’est le cas du réseau de mesures contractuelles qui s’est développé autour des directives de Natura 2000. Celle d’avril 1979 sur la conservation des oiseaux sauvages a permis de créer en France 174 Zones de Protection Spéciale (ZPS) couvrant près d’1.500.000 ha. Son complément de mai 1992 sur la conservation des habitats naturels, de la faune et de la flore sauvages a découpé l’aire communautaire en 6 régions biogéographiques dotées de »documents d’objectifs» qui constituent de véritables cahiers des charges de la gestion des sites. L’hexagone comporte 4 régions (alpine, continentale, atlantique et méditerranéenne) soit 1219 sites (4.200.000 ha, dont 480.000 ha marins) soumis à quelque 800 documents d’objectifs.

La démarche contractuelle

Parmi les démarches contractuelles il faut citer les 44 parcs naturels régionaux gérés par des syndicats mixtes dont la fonction problématique est de concilier le développement économique et le respect de l’environnement. Instaurés dans 23 régions et 68 départements, ils sont dotés d’une charte négociée entre les partenaires institutionnels et les acteurs de la vie socio-économique. Il va sans dire que ce sont des structures qui peuvent faciliter le contrôle citoyen, dans la mesure où elles impliquent environ 3.700 communes du territoire national. Ce genre d’instances gestionnaires semble d’ailleurs se populariser, si l’on tient compte des sept projets régionaux en chantier et des démarches entamées dans ce sens par bon nombre d’associations locales. Ce sont le plus souvent ces dernières qui ont inspiré aux collectivités territoriales et aux ministères de tutelle (Environnement, Agriculture, Aménagement) les projets de réhabilitation des paysages français remarquables les plus menacés, et obtenu le financement de 43 «opérations grand site». Il est vrai que ces travaux de bonification ont également un objectif commercial et que le ministère du Tourisme en escompte les retombées de 22 millions de visiteurs. Stratégies de sauvegarde préventive ou cache-misère d’une agriculture française plus que jamais vilipendée pour ses records de pollutions (nitrates, nappes phréatiques…), des plans de restauration de la flore et de la faune sauvages sur 5 ans (18 pour les animaux et 2 pour les végétaux) vont assurer le renouveau des espèces en voie de disparition. C’est ainsi que 53 départements ont entamé l’inventaire de leurs arbres remarquables et que la dynamique écologique pénètre de plus en plus les instances décisionnelles.

En témoignent les 7 parcs nationaux (Vanoise, Port-Cros, Pyrénées, Cévennes, Ecrins, Mercantour, Guadeloupe) et les 3 projets en cours Guyane, mer d’Iroise, Hauts de la Réunion) sous administration publique; les 156 réserves naturelles nationales, terrestres et marines, qui permettent de protéger les espèces des activités prédatrices de l’homme et d’étudier leur comportement dans les cycles d’évolution à court terme.

Moins tributaires de l’Etat, plus perméables aux initiatives citoyennes, les arrêtés préfectoraux de protection des biotopes. En 2005, 516 de ces arrêtés ont protégé 275.000 ha menacés par des activités industrielles ou agricoles; ceux des municipalités relèvent de la responsabilité collective des administrés. De plus en plus concerné par la dégradation de son milieu de vie, le citoyen découvre qu’il a un droit de regard sur les plans d’occupation des sols, les permis de construire et l’application des clauses paysagères comprises dans les chartes des parcs naturels régionaux.