HAUT- PARLEUR: Succès du mouvement des Sans papiers à Bâle. La famille Estrada peut rester en Suisse

von Michael Rössler (Cercle d’amis Cornelius Koch), 30.06.2004, Veröffentlicht in Archipel 116

Suite à de longues tractations, le gouvernement de la ville de Bâle, poussé par une forte mobilisation de la population bâloise qui traverse tous les milieux, a enfin opté, le 23 mars dernier, pour une «solution politique» en faveur des Estrada. Le gouvernement souligne évidemment qu’il ne s’agit là en aucun cas d’un précédent mais d’une exception absolue, motivée exclusivement par l’excellente intégration des enfants.

C’est la misère dans son pays qui avait poussé Jacqueline Estrada à venir à Bâle en 1995 pour y faire des ménages. C’était la seule façon de permettre à sa famille de survivre en Equateur. Le père, Julio Estrada, la suivit peu de temps après et travailla comme tailleur de pierres à la restauration d’églises et de musées. Cela fait maintenant huit ans qu’il vit en Suisse. En 1999, les quatre enfants suivent leurs parents et entrent à l’école. En plus de l’espagnol, ils parlent aujourd’hui parfaitement le dialecte bâlois. Les sœurs aînées Andrea, 15 ans, et Liliana, 14 ans, vont au lycée; Cristina, 11 ans, et Julio, 9 ans, fréquentent l’école primaire. Tous sont bons élèves, estimés par leurs copains de classe et leurs enseignants.

Une longue bagarre pour le droit de séjour commence

Le seul crime de la famille: elle n’a pas de permis de séjour en règle. Lorsqu’en 2000, la police s’en rend compte, les Estrada doivent quitter la Suisse. Une longue lutte démarre. Les autorités refusent de considérer la famille comme un cas d’urgence. Julio et Jacqueline Estrada s’engagent dans le mouvement des Sans papiers à Bâle. A l’automne 2001, ils participent avec le premier collectif à l’occupation de l’Eglise catholique St Antoine puis à celle de la paroisse protestante Oekolampad. Quelques Sans papiers obtiennent ainsi un statut légal, mais la famille se voit encore une fois refuser un permis de séjour. Dans le même temps, la police bâloise procède à l’arrestation et à l’expulsion d’étrangers sans papiers. Le succès immédiat des actions du «Comité des Sans papiers Suisse du Nord-Est» est plutôt modeste mais grâce à son travail de fourmi et à sa persévérance, le thème reste présent dans l’opinion publique. Lorsqu’un Sans papiers se fait arrêter, le comité organise immédiatement des manifestations devant les bureaux de la police des étrangers ou la prison. Depuis, un bureau permanent pour les Sans papiers a été créé à Bâle, le seul de ce genre en Suisse alémanique, toléré par les autorités.

Les Estrada ont leur place parmi nous

Jacqueline et Julio sont toujours en première ligne quand il s’agit de défendre des Sans papiers et ils ont de nombreux amis dans la région bâloise qui ne comprennent pas pourquoi les autorités refusent d’accorder la moindre chance à cette famille. Une poignée de Bâlois-e-s fonde en juin 2002 le «cercle d’amis de la famille Estrada». Des personnalités bâloises des milieux éducatif, politique, économique et culturel signent une première pétition adressée au gouvernement. Plus de 1.200 cartes postales sont ainsi envoyées pour demander le droit de séjour pour la famille Estrada. Mais le gouvernement bâlois ne répond pas et fait suivre la demande au tribunal administratif. Ce dernier rend son verdict en février 2004, en accord avec la police des étrangers: la famille doit quitter le pays. La condamnation est définitive, toutes les voies juridiques ont été épuisées.

Le cercle d’amis lance alors une dernière pétition au parlement cantonal et au gouvernement bâlois. Le délai pour l’expulsion est fixé au 31 mars. Les enfants ne pourront même pas terminer l’année scolaire. En quatre semaines, plus de 6.000 signatures sont récoltées. Tous les camarades de classe et professeurs des enfants, les recteurs, les médias et des personnes de différentes couches de la population se mobilisent. Une manifestation dans la cour intérieure de la mairie souligne la demande: «la famille Estrada a sa place parmi nous».

Au dernier moment, le gouvernement fait marche arrière. Les Estrada avaient déjà fait leurs valises; brusquement, ils ont le droit de rester.

Un happy end? Pour une fois, oui. Cette histoire montre qu’il est possible de battre en brèche la xénophobie et qu’une pression suffisante «d’en bas» peut faire fléchir les décideurs.

Bémol

Malgré la joie du moment, il faut savoir que la perspective d’une régularisation collective des Sans papiers en Suisse est encore lointaine – même si de grandes œuvres d’entraide telles que Caritas la demandent. L’actuel ministre suisse de la Justice et de la Police, Christoph Blocher, doit son poste à son discours populiste et xénophobe. Il mettra tout en œuvre pour empêcher une solution humaine pour les Sans papiers au niveau national. Il faudra encore beaucoup de bagarres d’étrangers et de Suisses pour en finir avec la discrimination et le fait que les immigrés n’aient pas de droits. Mais un petit succès comme celui de Bâle donne du courage pour continuer.

Michael Rössler

Cercle d’amis Cornelius Koch

Contact: Cercle d’amis de la famille Estrada, c/o Pasteur Fritz Schneider

Oekolampadstr. 8, CH-4055 Bâle