Le devoir de désobéissance

07.05.2010, Veröffentlicht in Archipel 148

Si pour la plupart de nos lectrices et lecteurs, Lucie Aubrac, qui vient de mourir le 14 mars dernier, était avant tout l’auteure et l’héroïne du livre et du film «Ils partiront dans l’ivresse» qui raconte sa résistance à l’occupation nazie, pour les fondatrices et fondateurs du Forum Civique Européen, c’était aussi une amie. Voici un extrait de ce qu’elle écrivait dans le premier numéro d’Archipel, en octobre 1993.

(…) J’ai appris à désobéir au temps de Vichy et des nazis. Refuser les lois iniques, les décrets qui organisent la ségrégation raciale ou politique, rédiger, imprimer un journal clandestin, détruire des stocks alimentaires réservés à l’occupant, saboter des machines, des voies de chemin de fer, autant d’actions interdites dans un pays occupé et dirigé par un gouvernement collaborateur. Désobéissance aussi que l’accueil des persécutés, et l’organisation de leur sauvegarde grâce à la fabrication de fausses cartes d’identité. Que ce temps ne revienne jamais, avons-nous affirmé en 1945. S’il s’annonçait de nouveau dans ce monde en crise où la liberté et la dignité des hommes sont menacées, la désobéissance se ré-veillerait: les «forces de l’ordre» n’obéiraient plus aux ordres d’arrestations arbitraires, des fonctionnaires refuseraient les directives d’une hiérarchie autoritaire, et surtout s’ouvriraient toutes grandes les portes des citoyens pour un lit, un repas, une sécurité à ceux que menaceraient les nouvelles formes de ségrégation

La désobéissance, c’est la résistance active à l’iniquité, même quand elle prend la figure de la légalité

Lucie Aubrac

* Ils partiront dans l’ivresse, Lyon mai 43, Londres février 44, le Seuil 1986

(Points-Actuels)