REPUBLIQUE DU CONGO : Un paradis assassiné

von Moyi Mbourangon, alias Martial Pa’nucci, Artiste rappeur-activiste & écrivain, 10.03.2020, Veröffentlicht in Archipel 290

Artiste rappeur-activiste, écrivain, membre et cofondateur du Mouvement Ras-le-bol au Congo, je préfère être appelé Africain d’origine congolaise. Mon axe d’engagement est l’éveil de la conscience citoyenne pour l’autodétermination des populations, ce qui signifie la lutte pour la fin de la dictature au Congo-Brazzaville et pour le respect des libertés individuelles. Ma perspective reste celle du retour à la terre pour une autodétermination réelle des masses populaires. Pays d’Afrique centrale de 342.000km2, encore connu sous le nom de Congo-Brazzaville, la République du Congo est un Etat qui a tous les atouts pour se développer (une population jeune, des ressources naturelles telles que le bois, l’or, le pétrole, le gaz naturel, le fer, etc., plus de 20 millions d’hectares de terres cultivables). Mais ce pays d’à peine 4 millions d’habitant·es reste à la traîne et plus de la moitié de sa population vit sous le seuil de pauvreté (51% selon les chiffres de la Banque mondiale).

Que se passe-t-il vraiment au Congo?

La République a été proclamée en novembre 1958, mais le Congo vit sous une dictature féroce depuis les assassinats de ses présidents (Marien Ngouabi en 1976 et Massamba-Debat en 1977), puis le coup d’Etat le plus sanglant de son histoire en juin 1997 (plus de 400.000 morts jusqu’en 2001) perpétré par Denis Sassou Nguesso qui comptabilise presque 35 ans de règne sans partage. Il faut souligner que son coup d’Etat pour revenir au pouvoir fut soutenu par la France de Jacques Chirac et Elf – actuellement Total. Et depuis ce coup d’Etat – qui mit brusquement fin aux acquis de la Conférence nationale souveraine (CNS) et égorgea la démocratie au Congo, alors que Sassou Nguesso avait été évincé du pouvoir par la rue – jusqu’à aujourd’hui, le pays ne s’est plus du tout relevé. Dès lors, une mauvaise gouvernance plonge le pays dans un état de désordre aux limites de la barbarie, et ce depuis plus d’une vingtaine d’années. Une corruption endémique ravage ce pays où la justice est à la solde d’un pouvoir qui ne respecte aucune loi. Les violations récurrentes des droits humains et des arrestations et détentions arbitraires continuent, limitant ainsi l’espace et l’exercice des libertés fondamentales. Les crimes économiques d’une ampleur insoutenable restent impunis* et les dossiers demeurent classés sans suite excepté celui des biens mal acquis. Une crise financière injustifiable sévit dans un pays immensément riche en ressources naturelles et qui a connu près de 15 années de boom pétrolier.

Comment en est-on arrivé là?

Entre mai et juin 1991, le Congo était secoué par un vent de liberté, un vent de démocratie qui soufflait sur la plupart des pays d’Afrique depuis 1990, et ces pays qui étaient alors sous le joug du monopartisme vont pour nombre d’entre eux changer de régime. Ce vent n’épargna pas le Congo qui, grâce à la CNS, arrivera à bout du régime mono-partite qui avait pour chef le général d’armée Denis Sassou Nguesso. Après une élection présidentielle en août 1992 qui a totalement mis ce dernier hors du jeu politique, il est revenu au pouvoir par un coup d’Etat militaire sanglant soutenu par la France de Jacques Chirac et Jacques Foccart alors que le président démocratiquement élu – Pascal Lissouba – était en pleine préparation de la prochaine élection. Après ce coup d’Etat militaire, le Congo entrera dans un cycle infernal de violence avec son lot de crimes, notamment dans la région du Pool (région du sud du pays) où se déroulera une guerre aux allures de nettoyage ethnique. En effet, cette partie du pays était réputée pour être non seulement le fief du pouvoir renversé, mais aussi la partie la plus habitée du pays. Aujourd’hui, cette région est encore la proie des bombes et des massacres. Car entre les années 2015 et 2016 s’est posé au Congo le problème d’une modification de la Constitution congolaise qui interdisait, au moyen de deux verrous, la participation du dictateur congolais Denis Sassou Nguesso à une nouvelle élection présidentielle, prévue pour juillet 2016. Mais sans surprises, c’est par la violence des armes et l’emprisonnement des leaders de la société civile et de l’opposition que ce dernier s’imposera; à titre d’exemple deux anciens candidats à l’élection présidentielle de mars 2016 (Jean-Marie Michel Mokoko et André Okombi Salissa) croupissent encore en prison, et avec eux beaucoup d’anonymes* mais aussi certains membres de la société civile congolaise (arrêtés entre 2015 et 2016) qui avaient manifesté leur mécontentement à l’annonce d’un éventuel changement de Constitution par le régime de Brazzaville.

Un pays à la bourre*

Depuis la réélection autoproclamée du tyran Denis Sassou Nguesso en avril 2016 à une heure du matin, alors que le pays était dans un black out total, la République du Congo ou Congo Brazzaville est enlisée dans une situation ineffable. Une crise économique et une dette publique endémiques ravagent le pays et les populations sont les premières victimes de cette gestion catastrophique du pouvoir. A côté de cela, la répression contre les opposant·es continue de battre son plein pendant que les capitaux quittent le pays de manière frauduleuse pour se loger dans les paradis fiscaux au bénéfice des dignitaires du pouvoir. Ce beau pays qui aurait pu être un paradis terrestre pour les Congolais·es est plutôt devenu un cimetière des libertés et une dictature qui fait vivre l’enfer aux populations qui ne cherchent plus qu’à quitter le Congo, alors qu’il y a tout pour en faire un Eldorado.

  1. Il n'y a pas de note N° 1
  2. https://www.jeuneafrique.com/541926/politique/ce-jour-la-le-15-mars-1992-le-congo-adopte-par-referendum-sa-premiere-constitution-post-ere-socialiste/
  3. Lire : https://mondafrique.com/congo-les-panama-papers-publient-les-comptes-des-congolais/ https://www.lesechos.fr/2018/04/paradise-papers-total-aurait-aide-le-congo-a-contourner-les-regles-du-fmi-988550 https://www.occrp.org/en/poy/2019/
  4. https://www.fidh.org/IMG/pdf/rapport_chaona_septembre_2018.pdf
  5. https://blogs.mediapart.fr/jecmaus/blog/100419/claudia-sassou-nguesso-utilise-des-millions-de-dollars-pour-un-appartement
  6. https://survie.org/themes/francafrique/article/congo-brazzaville-la-france-4849 https://blogs.mediapart.fr/jecmaus/blog/161213/congo-brazzaville-la-guerre-coup-detat-de-1997-ou-le-retour-de-sassou
  7. Lire : https://survie.org/billets-d-afrique/2003/115-juin-2003/article/proces-elf-le-sang-de-l-afrique
  8. https://blogs.mediapart.fr/jecmaus/blog/100314/congo-brazzaville-les-verrous-de-la-constitution-du-20-janvier-2002
  9. http://www.rfi.fr/afrique/20171021-congo-brazzaville-ong-campagne-prisonniers-politiques-repression-mokoko-okombi-sali
  10. http://ocdh-brazza.org/index.php/category/rapports/
  11. https://www.la-croix.com/Monde/Coupes-reste-monde-Congolais-vote-pour-contre-Sassou-Nguesso-2016-03-20-1300747987
  12. https://www.lemonde.fr/afrique/article/2016/03/21/black-out-electoral-au-congo-brazzaville_4886950_3212.html