RUSSIE : L?ère Poutine. Un régime fort au service d?une libéralisation musclée

von Jean-Marie Chauvier, 08.06.2004, Veröffentlicht in Archipel 115

Voici une analyse originale et rare, depuis Moscou, de Carine Clément (voir encadré), qui brasse très largement l’évolution sociale et politique en Russie à l’ère Poutine. L’entretien est réalisé par Jean-Marie Chauvier* . **

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«Régression démocratique»: c’est le maître mot des commentaires lus et entendus dans nos médias, à l’OSCE, au Parlement Européen, au Département d’Etat US à propos de l’évolution récente en Russie. Comment vois-tu cette «régression démocratique», comment la ressens-tu concrètement? Quelle est ton analyse de la conjoncture politique?

La régression démocratique est indéniable, même par rapport à l’époque autoritaire eltsinienne des années 1992-93, marquée par un combat féroce contre le Parlement et le Parti communiste et toutes les forces supposées hostiles au «cours des réformes libérales et démocratiques», qui s’est terminée par le bombardement de la Maison Blanche dont plus personne ne parle aujourd’hui.

Après cette démonstration de force (applaudie par l’Occident, les libéraux et la majorité des intellectuels moscovites en vue), le pouvoir eltsinien se détend et relâche son contrôle politique pour investir tous ses efforts dans la privatisation oligarchique de l’économie. Dans le domaine social, politique et médiatique, c’est le règne du «bordel» (bardak en russe) qui laisse le champ libre aux luttes syndicales et à la naissance d’une société civile. En économie, c’est la foire d’empoigne. Même si bordel n’est pas synonyme de démocratie, on peut considérer qu’il permettait un certain degré de liberté. Cependant cette liberté concernait surtout les classes ou clans dirigeants de l’époque eltsinienne: intellectuels (surtout libéraux), journalistes, nouveaux entrepreneurs, oligarques... Dans les médias, le pouvoir des collectifs de rédaction et de travailleurs est progressivement supplanté par celui des nouveaux propriétaires, des groupes financiers d’idéologie radicalement libérale, anticommuniste, antisociale, mais bien sûr les nouveaux apports financiers permettent la naissance d’une presse «moderne», tantôt professionnelle de qualité, pour les élites, tantôt tabloïde et sensationnaliste «pour le populo». Les perdants des réformes, ouvriers, enseignants, médecins, retraités avaient certes le droit de s’exprimer, mais leur parole ne passait que rarement dans l’espace public, dominé par d’autres questions et d’autres catégories sociales. C’est de la période eltsinienne que date le discrédit de la «dermocratie» (dermo signifie merde en russe), associée à la chute massive du niveau de vie, à la perte des garanties sociales, au mépris hautain des libéraux pour la population, aux privatisations sauvages profitant aux proches du pouvoir. «On est libre, certes, mais ça ne nous nourrit pas» me répétaient alors les ouvriers dans mes enquêtes.

Aujourd’hui, sous Poutine, le discours politique change: l’éloge de la liberté sans frein est remplacé par les déclarations de «restauration de l’ordre», «dictature de la loi», par l’affirmation de priorités sociales (lutte contre la pauvreté, augmentation des salaires). A l’oreille de millions de Russes humiliés par dix ans de libéralisme méprisant et dévastateur, ces mots sonnent comme une douce musique. Car enfin, pour la majorité de la population, en quoi consistent ces atteintes à la liberté? L’autocensure journalistique, des intellectuels bridés, des défenseurs des droits de l’homme brimés et privés de leurs sponsors, des oligarques haïs emprisonnés. Rien qui touche le quotidien des gens, ou si peu. Les gens, eux, à la faveur de la reprise économique, reçoivent enfin leur salaire à temps, voient leur vie de débrouille et de petites magouilles stabilisée, entendent le discours paternaliste et rassurant du pouvoir.

Il y a bien la guerre en Tchétchénie, comme un cauchemar honteux, dont personne ne voit l’issue et à laquelle on préfère ne pas penser...

Je n’essaie pas de défendre le pouvoir poutinien, mais force est de constater qu’il est vécu comme une sorte de «revanche des petites gens» face aux oligarques arrogants, aux intellectuels méprisants et à l’Occident donneur de leçons. Histoire de donner le ton, je me permets d’évoquer une émission de radio Svoboda (Liberté) 1 où j’ai été invitée au lendemain des élections législatives, avec quelques autres intellectuels russes. Le journaliste a suggéré que le résultat de ces élections signifiait sans doute la défaite des intellectuels libéraux. Les intellectuels présents sur le plateau ont rejeté toute responsabilité dans le discrédit des idées démocratiques, accusant au contraire le peuple de ne pas «comprendre» que les réformes libérales se faisaient pour son bien! Mais si l’on peut comprendre le sentiment d’une grande partie de la population, il n’est pas interdit de rester lucide sur la réalité du régime poutinien. A elle seule, la guerre en Tchétchénie indique clairement le degré de cette démocratie manipulée et de cette dérive possible vers l’extension de la terreur d’Etat à toute la Russie.

Force est de constater par ailleurs le rétrécissement de la liberté des médias et des intellectuels. Outre les réels freins législatifs, il faut rajouter les obstacles économiques et administratifs: pour gagner de l’argent, journalistes et intellectuels sont obligés de s’attirer les faveurs de groupes économiques ou de groupes influents au pouvoir, ce qui, à l’ère Poutine, implique une position respectueuse envers les souhaits du pouvoir.

Les libertés politiques au sens large connaissent également une importante érosion. La réforme du code du travail et la politique de «partenariat social» donnent de fait le monopole de la représentation des salariés au syndicat traditionnel ex-soviétique, allié docile du pouvoir et partenaire conciliant des employeurs. Les partis politiques voient se multiplier les obstacles législatifs, administratifs et économiques à leur pleine activité. L’administration présidentielle vise à créer un système bipartite entièrement contrôlé, tant à droite qu’à gauche. La société civile est muselée ou affamée: les canaux d’aide financière des associations de défense des droits de l’homme sont largement coupés par la lutte contre les oligarques, en particulier contre le généreux sponsor qu’était, entre autres, Youkos.

Les associations qui poursuivent leurs activités le font soit avec l’assentiment du Kremlin, ce qui suppose le respect approprié, soit connaissent désormais les mêmes problèmes de répression que subissent depuis plusieurs années les militants de gauche ou les syndicalistes combatifs. La seule différence, c’est qu’on en parle dorénavant en Occident. Quant à ces derniers militants, habitués à la rude épreuve de l’opposition, ils expérimentent eux aussi le resserrement des marges d’action. De plus en plus d’autorisations de meetings ou manifestations sont refusées sous des prétextes fallacieux. Surtout, la police et les OMONs (sortes de CRS passés pour la plupart par la guerre en Tchétchénie) interviennent de plus en plus souvent pour provoquer, tabasser et arrêter des manifestants.

Côté syndical et lutte sociale, la dégradation se poursuit. Le nouveau code du travail a réduit les possibilités d’action légale et de recours à la justice, du coup, la résignation progresse chez la majorité des salariés, le découragement, la lassitude et le désespoir gagnent les autres, militants des nouveaux syndicats. La multiplication des grèves de la faim confirme cette évolution.

Des journaux ont qualifié le rassemblement Rodina (Patrie) de «rouge-brun» ou de «national-populiste» au même titre que la formation de Jirinovski, qualifiée d’»ultra-nationaliste» et nos télévisions ont montré les images effrayantes de groupes néo-fascistes et «skins», responsables d’assassinats racistes. Des journaux libéraux de Moscou confirment: c’est «l’arrivée des fascistes», des «nationaux-socialistes». Quelle est la réalité des phénomènes décrits?

La montée du nationalisme est très palpable, elle s’exprime, entre autres, par l’évocation obligée du patriotisme par toutes les forces politiques prétendant à un certain soutien populaire: à commencer par le parti du pouvoir «Russie unie» en passant par «Rodina» (Patrie), le parti communiste de Ziouganov jusqu’au parti nationaliste Jirinovski. Seule la droite libérale échappe à ce glissement, mais elle l’a payé en essuyant une sévère défaite électorale. Le nationalisme se manifeste également par la multiplication des crimes racistes, des groupes «skins» ou néo-fascistes tabassant, voire assassinant, des représentants de minorités ethniques de Russie ou d’ailleurs. Mais les jeunes militants de groupements gauchistes ou anarchistes internationalistes sont également visés par les attaques fascistes. Enfin, le sentiment nationaliste se renforce et se propage au sein de toute la population. On le voit à la faveur des réactions lors des attentats attribués systématiquement aux Tchétchènes, dans les discussions quotidiennes, dans l’évolution de la perception des «étrangers» ou non-russes ethniques.

L’interprétation de ce phénomène pose problème étant donné son caractère contradictoire et ambigu. Lorsque je pose la question du nationalisme aux étudiants, militants ouvriers ou autres, je m’entends régulièrement répondre qu’il ne s’agit pas d’un nationalisme tel qu’on peut le comprendre en Occident, que c’est plutôt un patriotisme attaché à la grandeur du pays et ouvert aux différentes nationalités qui composent la Russie. Pour une grande part, cette explication s’accorde avec la réalité. Le problème, ce sont les difficultés économiques, le discrédit des valeurs libérales associées au laisser-faire, le ressentiment à l’égard de l’Occident perçu comme auteur des recettes libérales ayant conduit au désastre social et économique et comme guerrier impérialiste, le ras-le-bol des beaux discours de défense des Droits de l’Homme qui ignorent la plupart du temps les questions sociales, le terrorisme qui frappe régulièrement la population jusqu’au coeur de la capitale, le constat de la nationalité juive des oligarques les plus connus 2. Sur fond de désarroi idéologique, ces conditions rendent la pente glissante du patriotisme ouvert et défenseur du bien-être national vers un nationalisme vengeur et agressif, cherchant des boucs émissaires faciles dans l’Occident, les Juifs ou les Caucasiens. Et, bien sûr, le pouvoir pousse en ce sens, trop content de pouvoir à moindre frais détourner le mécontentement de la population sur des cibles toutes désignées. La technique n’a pas été inventée par Poutine: les problèmes de sécurité gagnent partout en Occident la place d’honneur dans le débat public, au détriment des questions sociales. Mais appliquée à une population en état de choc, de dénuement extrême et de délabrement, elle peut conduire à des résultats explosifs...

Pour l’instant d’ailleurs, les manifestations concrètes de ce nationalisme agressif restent relativement rares. Mais qu’en sera-t-il après la prise des prochaines mesures libérales annoncées, après un énième attentat, après une dernière démonstration de force de l’Occident? Je le répète, nous sommes encore loin de l’explosion fasciste. A l’exception de certains idéologues professant un racisme convaincu (Alexander Prokhanov ou Sergueï Babourine, par exemple), la plus grande partie de la population reste dans un sentiment non formulé de ressentiment qui ne se manifeste pas concrètement.

Quant à la position du pouvoir, elle est, là encore, contradictoire. D’une part, une loi contre l’extrémisme a été adoptée et la lutte contre les skins vient d’être déclarée prioritaire par certains responsables gouvernementaux. D’autre part, «l’extrémisme» est souvent interprété dans les faits comme caractérisant surtout les groupes gauchistes ou d’opposition et les jeunes.

On peut rappeler qu’au lendemain du 11 septembre, la grande presse libérale, dans une grande poussée d’amalgames, a mis en cause l’Islam, les Arabes et les Palestiniens en des termes frisant le racisme, dénonçant le «fil conducteur» allant du terrorisme russe du XIXème siècle et de Lénine à Ben Laden et aux … « antiglobalistes». Le pouvoir place un signe d’égalité entre le séparatisme tchétchène et le «terrorisme international», ce discours vient d’être réaffirmé au lendemain de l’attentat de Madrid.

Concrètement, le racisme est toléré. Les enquêtes concernant les crimes racistes avancent très lentement et les inculpés sont souvent très peu condamnés, voire relâchés. Dans la pratique, la police a tendance à interpréter la lutte contre l’extrémisme comme la lutte contre les minorités ethniques (caucasiennes) ou les militants de l’opposition au pouvoir, dont les arrestations se multiplient, en particulier parmi les jeunes.

On cite souvent deux enjeux de pouvoir actuels en Russie: le contrôle de la rente pétrolière et le partage de la propriété. Des commentateurs occidentaux se sont inquiétés des risques de remise en cause des privatisations des années 90, des libéraux moscovites ont d’ailleurs évoqué un «nouveau 1917». Quelle est la réalité de ces «menaces»? L’autre enjeu, très lié au précédent, c’est la maîtrise de la rente pétrolière, principale source de richesses et d’enrichissement. On prête à Poutine la volonté de restaurer un contrôle d’Etat sur cette rente, d’entraver les évasions fiscales, d’obliger les oligarques à investir dans le développement interne – certains disent que le tournant vers un «capitalisme patriotique» est déjà pris. La question de la rente a aussi des dimensions internationales: les Etats-Unis, les firmes transnationales occidentales sont en voie d’investir, de prendre des parts de capital dans la production, les Occidentaux font pression pour privatiser le gaz et le transport des hydrocarbures, ou encore détourner le transport des ressources de la Caspienne hors des zones contrôlées par la Russie. D’où l’image (redoutable ou sympathique, c’est selon) d’un Poutine «résistant» à la mainmise extérieure, et au capitalisme sauvage: en quoi correspond-t-elle à la réalité? Comment concilier l’image du «résistant» et la globalisation où, sauf erreur, la Russie continue de s’engager?

Comme tous les phénomènes de l’époque moderne, en particulier lorsqu’ils se manifestent en Russie, le phénomène «Poutine» est marqué par la contradiction: entre les propos et les actes, entre les actes eux-mêmes, entre la perception par l’Occident et par la population russe, etc. L’alarme concernant un «nouveau 1917», sauf erreur, a été déclenchée par l’emprisonnement de Mikhaïl Khodorkovski, le dirigeant de la compagnie pétrolière Youkos. Comme toutes les grandes sociétés de cette dimension, elle n’a pu être mise sur pied qu’au travers de violations de la loi, de détournement des fonds et des richesses de l’Etat. Aussi n’y a-t-il aucun doute sur la culpabilité des dirigeants de Youkos au regard de la loi. Evidemment, ils ne sont pas seuls à avoir violé la loi. Il est évident que le couperet de la loi s’abat de façon politiquement sélective. Les dirigeants de Youkos étaient devenus dérangeants pour le pouvoir en finançant l’opposition (de la droite libérale au parti communiste), prenant publiquement position dans le débat politique, mettant en place des programmes de formation politique pour les jeunes, etc. Or, à la différence de son prédécesseur, Poutine entend fermement écarter les oligarques de la sphère politique, tout en leur accordant pleine liberté d’agir à leur guise dans le champ économique, et même en soutenant le grand patronat russe sur la scène internationale. Lors de ses voyages à l’étranger, il est toujours accompagné de représentants du gros business et les rencontres au sommet se terminent souvent par la signature de contrats juteux pour les patrons russes. Poutine mène une politique réelle de soutien aux oligarques, à condition que ceux-ci ne se mêlent pas de politique. La plupart ont compris la leçon et leurs affaires continuent à prospérer avec le plein assentiment du Kremlin. La propriété acquiert une certaine stabilité, en particulier pour ce qui concerne les grandes entreprises, les opérations d’achat-vente remplaçant les prises de contrôle par la force. Quant à lui, le pouvoir favorise le processus de monopolisation et de concentration des richesses aux mains des grands patrons. La révision des privatisations ou la renationalisation me paraissent complètement exclues, au contraire, une privatisation plus ou moins affichée est prévue dans des secteurs nouveaux (santé, éducation, services communaux, énergie, etc.). De toute façon, en ce qui concerne la Russie, il me semble que la porosité de la frontière entre l’économie privée et publique, le politique et l’économique, ne garantit en rien une meilleure prise en charge de l’intérêt général dans le secteur étatique, pas plus qu’une meilleure efficacité économique dans le secteur privé. Le problème, ici comme ailleurs, réside dans l’absence de contre-pouvoir au niveau de la société, capable de contrôler le pouvoir politique et de limiter les appétits des chefs d’entreprises, privées comme publiques.

Quant au thème de l’imposition de la rente pétrolière, il a été rendu très populaire, en particulier par l’ex-leader du bloc Rodina Sergueï Glazev 3. Ne pouvant laisser le monopole d’un thème aussi populaire à un homme politique suspecté d’insoumission, Poutine l’a récupéré, et un projet de loi est effectivement en discussion concernant une éventuelle augmentation de l’impôt sur les entreprises exportatrices de pétrole. Mais, même si elle aboutit, cette mesure restera symbolique et ne rognera guère les marges de bénéfice de ces entreprises, sans parler du fait que l’impôt irait au budget d’Etat et ne serait probablement pas affecté aux dépenses sociales, prévues à la baisse.

Dans le domaine de l’imposition, la ligne générale consiste en la baisse des impôts sur les entreprises et le capital: baisse de l’impôt sur le profit de 35% à 25% en 2002, diminution de l’impôt sur les gros revenus en 2001 (instauration d’un impôt unique sur les revenus de 13%, contre l’impôt progressiste existant auparavant), baisse planifiée de l’impôt social (charges sociales des entreprises) de 30% à 22%, avec mise en place d’un taux fortement régressif...

Pour revenir à la contradiction de Poutine à la fois patriote et globaliste, on peut résumer la ligne du pouvoir de la façon suivante: défense des intérêts du patronat russe sur le marché international, application des principes du capitalisme mondialisé (privatisation, équilibre budgétaire, assouplissement des freins à l’accumulation du profit, soutien aux monopoles concurrentiels sur le marché international), rhétorique patriotique (défense des intérêts géostratégiques de la Russie face à l’Occident) et pratique économique pragmatique (ouverture du marché russe aux investissements étrangers là où ils sont nécessaires, négociation de gros contrats d’exportation).

Entretien réalisé par

Jean-Marie Chauvier

le 18 mars 2004

  1. En URSS, sur le passeport intérieur, outre la citoyenneté était mentionnée la «nationalité» du choix de chacun, qu’il soit ressortissant d’un territoire tel que république fédérée (les Russes, les Ukrainiens, les Géorgiens) ou république ou région autonomes (les Abkhazes, les Tatares, les Juifs du Birobidjan etc...) ou sans territoire (Allemands, Grecs, Juifs, Coréens etc...). Plusieurs des oligarques sont non seulement «d’origine juive», auquel cas il n’y aurait aucune raison autre que raciste de les montrer du doigt, mais se revendiquent comme tels: Vladimir Goussinski, président du Congrès Juif de Russie (et propriétaire du groupe Maariv en Israël) ou Boris Berezovski, actif et influent dans des associations juives rivales du dit Congrès. Ces personnes ont également tenu des discours «sionistes» ou pro-israéliens qui ont alimenté la confusion… et l’antisémitisme.

  2. Voir encadré

Glazev et le bloc électoral Rodina

Sergueï Glazev est un économiste popularisant des thèses de gauche sur l’équité sociale, la lutte contre les oligarques et l’impôt sur la rente pétrolière dont les recettes iraient directement à la population. Il s’est rendu célèbre lors des élections régionales de Krasnoïarsk, où il a terminé second et a su tenir tête à deux clans oligarchiques en lutte l’un contre l’autre.

Le bloc électoral Rodina (Patrie) a été formé à son initiative, dans l’idée de refonder un large bloc de gauche. Avec l’arrivée de Dmitri Rogozin aux côtés de Glazev, le bloc a évolué dans un sens de plus en plus nationaliste. Les forces syndicales de gauche ont quitté le bloc. Néanmoins, «aidé» par le Kremlin qui y voyait un moyen de concurrencer le PCFR sur sa gauche et conservant une image très populaire auprès du public sensible aux thèmes sociaux, le bloc Rodina obtient un bon score aux élections législatives de décembre 2003 (9,2%). Cependant, en osant se présenter aux élections présidentielles de mars 2004 sans l’assentiment du Kremlin, Glazev a été mis en minorité à l’intérieur de sa fraction parlementaire (il a été déchu de son poste de chef de la fraction Rodina) et a subi une attaque violente contre lui dans les médias, campagne de discrédit soutenue y compris par Rogozine et les autres émissaires du Kremlin à l’intérieur du bloc. Il n’a obtenu que 4,11% des voix lors des Présidentielles, soit un score décevant par rapport aux législatives, mais méritoire au regard de la campagne de discrédit qu’il a subie.

Carine Clément

Sociologue, elle est «observatrice-participante» du mouvement social en Russie depuis le début des années 90. Elle vit en permanence à Moscou depuis 2000 et sillonne le pays, les entreprises, les mouvements syndicaux et populaires. Sa plongée dans le monde du travail a donné lieu, entre autres, à l’ouvrage «Les ouvriers russes dans la tourmente du marché», ed. Syllepse, Paris 2000. De même que Jean-Marie Chauvier, elle collabore au «Monde Diplomatique.