SUISSE - Premiers Etats généraux de la migration

von Claude Braun - C.E.D.R.I., 14.03.2006, Veröffentlicht in Archipel 135

La veille des Etats généraux, le Parlement fédéral, lors de son vote final, avait adopté les dernières moutures des lois sur l'asile et les étrangers. Les Etats généraux étaient donc la première manifestation publique contre la soumission de la majorité parlementaire à la démagogie et au populisme de droite xénophobe personnalisés par le conseiller fédéral Blocher. Les organisateurs étaient majoritairement issus des cercles qui avaient préparé le 18 juin dernier la manifestation «La Suisse c'est nous - contre la politique blochérienne et la xénophobie» qui avait mobilisé près de 10.000 manifestants à Berne1.

Cette fois encore, diverses grandes associations, syndicats et partis avaient collaboré à la préparation des travaux mais la plus grande mobilisation a été fournie par les petites associations de base des milieux de l'asile et de l'immigration.

Le Comité d'organisation avait formulé deux objectifs:

Favoriser la rencontre entre groupes militants pour les réfugié-e-s et les immigré-e-s, souvent séparés tant au niveau géographique et linguistique qu'en matière de priorités politiques. La division la plus connue est le fameux «Roestigraben»2 qui sépare les organisations suisses alémaniques des romandes, mais il y a aussi le «chacun pour soi». Les Bâlois-e-s, par exemple, ne savent quasiment rien de ce que font leurs voisin-e-s en Argovie ou à Thoune. De même, les militants qui s'engagent aujourd'hui contre l'exclusion des requérant-e-s d'asile débouté-e-s de l'aide sociale connaissent rarement les expériences des syndicalistes italiens qui travaillent sur des chantiers entre Genève et Romanshorn. Pourtant, tous sont confrontés à la même peur, à la même méfiance et au même racisme.

Il s'agissait par ailleurs d'imaginer quelques projets communs et d'élaborer une position dans la question des référendums3 contre le durcissement des lois. Tous étaient d'accord pour combattre ces lois mais il s'agissait de réfléchir comment agir afin que l'échec prévisible de la votation populaire n'entraîne pas pour les militant-e-s – en particulier les plus jeunes – une démotivation et l'abandon de cette forme d'engagement politique.

Le premier matin, chaque association s'est présentée durant cinq minutes. La deuxième partie des rencontres était destinée à des conférences de 20 minutes par des invité-e-s et des militant-e-s suisses et étranger-e-s. Pour terminer, neuf groupes de travail ont discuté de projets spécifiques et de problèmes relatifs à la politique de l'asile et de la migration en Suisse et en Europe, la dernière séance du plénum étant consacrée aux conclusions des groupes de travail.

Toutes et tous les participant-e-s sont confronté-e-s au niveau local à des rapports de force difficiles et souvent déprimants. Savoir qu'ailleurs, tant de personnes sont engagées contre la brutalité de notre société et pouvoir les rencontrer, aide à résister à la résignation et au cynisme. A la question concernant les référendums contre les nouvelles lois de l'asile et des étrangers, des idées – une éventuelle grève des étranger-e-s par exemple – pourraient contribuer à faire de notre résistance une partie d'un mouvement plus large, dans lequel la campagne référendaire ne représente qu'une petite étape. De nombreuses interventions ont manifesté clairement l'ambition de ne pas se limiter à des campagnes réactives, que ce soit contre les nouveaux durcissements ou contre les abus d'autorités.

Claude Braun - C.E.D.R.I.

  1. voir Archipel No 127

  2. D'origine suisse allemande, les Roesti sont des pommes de terre râpées et sautées; Graben signifiant fossé, le Roestigraben évoque la frontière culturelle entre Suisses alémaniques et romands

  3. En Suisse, une révision de loi votée par le parlement peut être attaquée par un référendum d'initiative populaire. Après acceptation du parlement, 50.000 signatures doivent être récoltées dans un laps de temps de trois mois et une votation populaire décide de l'acceptation de la loi. Lors des référendums similaires des années 1980 et 1990, 20 à 35% des votants se sont exprimés pour une politique plus ouverte envers les étrangers